Je t'ai vu
Pêche à la grenouille
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Un érable de Pennsylvanie en fleurs |
Hier matin, nous avions prévu d'aller faire une promenade sur le mont Saint-Bruno, le plus tôt possible pour éviter deux irritants: la chaleur et la cohue. Réveillés par le soleil, nous nous sommes butés à la barrière du parc qui ne se lève qu'à huit heures...quand la nature cède la place aux joggeurs.
Nous avons donc cherché l'entrée des chevreuils et l'avons trouvé au fond d'un cul-de-sac entouré de blockhaus prétentieux autour desquels on avait remplacé le ginseng à cinq folioles et d'autres plantes devenues rares, par du gazon, des blocs de pierre importée et des annuelles.
Heureusement, une prise de conscience un peu tardive avait permis de protéger les indigènes restantes en créant la réserve Tailhandier à laquelle on pouvait accéder, et plus loin au parc, par un petit chemin, un étroit espace de liberté entre deux grosses cabanes palissadées et une forêt d'interdictions de stationner.
Nous nous y sommes donc engagés et la promenade qui s'ensuivit nous a donné l'occasion d'entendre et d'observer plein de choses intéressantes, à défaut d'être extraordinaires.
Il y avait entre autres ces ratons laveurs occupés à chercher à tâtons des grenouilles et d'autres animaux aquatiques,
et plus loin au bord du chemin, ce petit prêcheur et sa grenouille de bénitier, une rainette que l'on a baptisée crucifère en raison de la croix qu'elle porte sur le dos.
L'été des Indiens
Selon la science météorologique, il faudrait trois jours avec des températures supérieures de 5°C aux normales saisonnières et consécutives à un premier gel pour qualifier le redoux d'été des Indiens.
Pour tous ceux qui ne comptent pas et qui se contentent d'aimer, c'est en ce moment en dépit du fait qu'il n'y a pas encore vraiment eu de gel en Montérégie.
Peu importe, tout le monde en profite sans distinction de classe.
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L'Actée à grappes est la dernière à fleurir au jardin. Signe que l'été allonge, elle gelait avant de fleurir, il y a seulement trois ou quatre ans. |
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Une prénanthe (Nabalus) - c'est sûr - mais l'espèce ne me vient pas spontanément et je suis trop paresseux pour chercher. |
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Peut-être Augochlora pura |
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Il y a aussi des prédateurs comme cette couleuvre rayée. |
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Et leur proie comme cette grenouille léopard. |
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Et puis des chardonnerets "granos" pour lesquels on prend soin de ne pas couper les tiges des échinacées qui n'ont plus rien de pourpre. |
Couleur automne
En automne, il n'y a pas que les arbres qui rougissent. Dans le boisé du Tremblay, il y avait aussi cette grenouille des bois d'une teinte que je n'avais jamais vue auparavant.
La grenouille qui n'aimait pas l'eau
Dans un jardin de Longueuil peuplé de créatures fantastiques vit une rainette extraordinaire. Elle a élu domicile dans un pot de basilic perché sur la rambarde d'un patio, où elle vit, recluse et heureuse, loin de l'agitation du bassin.
Son bonheur serait total si la propriétaire du patio ne venait pas arroser ses fines herbes de temps à autre. C'est que la grenouille n'aime pas l'eau et il suffit qu'une goutte soit versée par un arrosoir ou un verre renversé pour qu'elle surgisse sur le pas de sa porte en grognant.
C'est la deuxième locataire; la première s'est suicidée un peu plus tôt cette année pour les mêmes raisons. À la suite d'un arrosage, elle s'est jetée brusquement au pied du patio et nous ne l'avons plus jamais revue.
L'affaire est dans le sac
C'est le moment idéal pour apprendre à reconnaître les grenouilles à leur chant. En plus, le nombre des espèces est quand même assez limité, en tout cas au Québec, et leur chant, vraiment distinctifs. Bon, je sais ce que vous allez me dire: "à quoi ça sert de connaître le chant des grenouilles ?" Sur quoi je vous répondrai sur un ton blasé: "À la même chose qu'une piscine hors-terre dans un pays où l'eau est gelée pendant 6 mois... À se faire plaisir !"
Pour produire leur chant, les grenouilles ont recours à un ou deux sacs gulaires (c'est selon les espèces). Un sac gulaire est une poche membraneuse extensible située au niveau de la gorge. Chez les amphibiens, il a une fonction d'amplification du son et on lui donne aussi le nom de sac vocal. Il est considéré comme un caractère sexuel secondaire, parce que seuls les mâles en possèdent et qu'il ne se développe que pendant la saison de l'accouplement.
Ces sacs gulaires existent chez d'autres espèces animales comme les oiseaux par exemple. Il sert alors à se démarquer des autres en affichant des couleurs vives pour s'attirer les faveurs d'une femelle (frégates) ou à attraper de la nourriture (pélicans).
Sur les vidéos ci-dessous, on peut voir une grenouille des bois qui a besoin de deux sacs vocaux pour produire un couac disgracieux et deux petites rainettes crucifères qui n'ont besoin que d'un sac vocal pour produire un sifflement extrêmement sonore (elles peuvent aussi faire des trilles sur la même note).
Un 11 avril dans le boisé du Tremblay
Il faut croire que c'était la journée des tas. En nous promenant, nous en avons croisé de toutes les sortes: des tas de tussilages en fleurs, des tas de couleuvres rayées très occupées à s'accoupler, des tas de grenouilles des bois très occupées à les imiter et des tas de troncs d'arbres, beaucoup trop (j'y reviendrai dans un autre article).
Les couleuvres rayées se regroupent dans un hibernacle pour passer l'hiver. Ce peut être un terrier abandonné, une anfractuosité d'un rocher; celles de notre jardin se regroupent dans le mur de briques de la maison derrière un compteur électrique. Au printemps, elles se dispersent pour vaquer à leurs occupations, notamment la reproduction. Les femelles sécrètent alors des phéromones sexuelles pour attirer les mâles des alentours qui forment des amas autour des femelles pour tenter de les féconder. Cela ne dure pas très longtemps; nous n'en avons pas trouvé aujourd'hui.
Les grenouilles aussi forment des amas, les mâles s'agglutinant autour d'une femelle.
Rainette faux grillon de l'Ouest ou boréale ?
Jusqu'à récemment, si vous m'aviez demandé quelle espèce d'amphibiens menacée justifie que l'on protège le boisé Du Tremblay, je vous aurais répondu la rainette faux-grillon de l'Ouest (Pseudacris triseriata).
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Pseudacris triseriata par Pfinge at French Wikipedia., CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons |
Eh bien, je me trompais et je vous répondrai dorénavant la rainette faux-grillon boréale (Pseudacris maculata). Pour ma défense, il faut préciser que les deux espèces sont indiscernables à première vue et que je ne faisais que répéter ce qu'on lit partout, même dans la littérature scientifique récente.
Mais voilà, les connaissances scientifiques évoluent avec les techniques d'analyse et l'ADN a remplacé le rapport T/SVL.
Le rapport T/SVL est calculé en divisant la longueur du Tibia par la distance entre le museau (Snout) et l'orifice du cloaque (Vent). Ce rapport est en moyenne de 42,6 chez P. triseriata et de 39,3 chez P. maculata, avec un chevauchement des valeurs extrêmes.
Jusqu'en 2003, on pensait que la rainette faux-grillon boréale était complétement absente du Québec. Jusqu'à ce qu'une équipe de l'entreprise FORAMEC la découvre autour de la baie de Rupert (Jamésie, Québec) lors d'une étude d'impact du détournement de la rivière Rupert par Hydro-Québec (voir ici).
C'est en se basant sur une mention non vérifiée et en faisant jouer des enregistrements des chants de la grenouille que l'espèce fut découverte.
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Pseudacris maculata par Tnarg 12345 at English Wikipedia., CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons |
Puis en 2007, une étude américaine portant sur l'ADN des populations de rainettes faux-grillons permet de redessiner la carte de distribution des différentes espèces. Elle confirme également que la faux-grillon boréale est présente dans le sud de l'Ontario et suggère que les populations de faux-grillons de l'Ouest du Québec méridional pourraient avoir été mal identifiées.
En 2015, une équipe de chercheurs québécois se penche sur la question. Ils inventorient des sites du sud du Québec connus pour héberger la faux-grillon de l'Ouest (notamment le boisé du Tremblay) en utilisant des enregistrements sonores des deux espèces. Première constatation, seules les faux-grillons boréales répondent aux appels. Ils prélèvent ensuite des échantillons d'ADN, qui, après analyse, confirment qu'ils appartiennent bien à des rainettes faux-grillons boréales.
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Distribution de Pseudacris maculata par Cephas, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons |
Est-ce que cette découverte change quelque chose à la protection de ces grenouilles et des milieux qui les hébergent ? Absolument pas et au contraire, étant donné l'isolement et la fragilité de ces populations de faux-grillon boréale, et de la quantité d'informations scientifiques qu'elles peuvent fournir sur leur biologie, leur évolution et la dynamique de leur population.
Sources:
Escapade en Estrie (1/2)
C'était noté dans l'agenda: "retourner à la tourbière de Johnville dans la première quinzaine de juin pour voir les orchidées". Quand la nature vous donne rendez-vous, il faut être à l'heure, mais ne pas s'offusquer si elle décide de ne pas y être.
Nous nous sommes donc dirigés vers le parc écoforestier de Johnville pour la première étape de notre escapade de deux jours dans les Cantons de l'Est. La tourbière était en fleurs, mais à part les éricacées habituelles, nous n'avons trouvé aucune autre orchidée que les sabots de la Vierge; ce qui n'était déjà pas si mal.
En parcourant la passerelle, nous avons eu l'impression que la tourbière souffrait de la déshydratation générale de ce début d'année, au moins en surface. La sphaigne habituellement verte ou pourpre était jaunie et s'effritait entre les doigts. Les sarracénies pourpres manquaient à l'appel et nous n'avons perçu aucun signe de la paruline à couronne rousse dont c'est pourtant l'habitat.
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Calla des marais |
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Médéole de Virginie |
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Lycopode dendroïde |
Un 28 septembre sur l'île Saint-Bernard
Un 27 juin dans le marais de la rivière-aux-cerises
Grenouille verte |
Grand nénuphar jaune |
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Pain-de-perdrix |
Une éphémère de l'espèce Hexagenia limbata, gentiment identifiée par la communauté de iNaturalist.org |
Une année de grenouilles
Grenouille des bois |
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Le prince des grenouilles vertes, pas assez charmant pour être embrassé |
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2011, une bonne année avec 94 grenouilles vertes |
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Grenouille léopard |
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Rainette crucifère...ou voltigeuse |
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La même à son balcon |
Un 28 août à Longueuil
Un 21 avril dans le boisé du Tremblay
Une de mes journées préférées de l'année est celle du premier chœur des rainettes crucifères. Cela se produit au mois d'avril, soudainement, après une journée ensoleillée. Le matin, il n'y avait rien, puis l'eau du marais commence à se réchauffer et vers le milieu de l'après-midi des centaines de rainettes se mettent à chanter à l'unisson jusqu'à tard dans la nuit. Même si elles ne mesurent pas plus de 3 à 4 cm, elles font un bruit assourdissant. Ce sont les mâles qui chantent, perchés sur un roseau ou sur une branche en surplomb de l'eau, parfois dans l'eau. Ils ne se sont regroupés que pour l'accouplement et la ponte. Plus tard , ils s'éloigneront de l'eau pour vaquer à leurs occupations. Mais à quoi peut donc s'occuper une rainette crucifère ? À la maison, elles font parfois du jardinage dans nos plantes d'intérieur, rangent les épingles à linge, nous épient à travers la fenêtre de la cuisine ou viennent cueillir du houblon pour brasser leur bière.
Les grenouilles vont chanter ainsi pendant quelques jours pour s'attirer les faveurs d'une belle avant de redevenir silencieuses jusqu'à l'année prochaine. Alors le soir, on profite de ces instants privilégiés en ouvrant la fenêtre et en s'endormant au chant de la rainette.
Un 17 avril au mont Saint-Bruno
Hier c'était l'anniversaire de ma blonde, c'était aussi la première journée du printemps. À ce propos, je propose que la première journée ensoleillée de l'année atteignant les 15°C soit décrétée journée officielle du printemps québécois et qu'en tant que telle, elle puisse faire l'objet d'un absentéisme en toute impunité. Et en attendant que cette proposition fasse son chemin jusqu'à l'Assemblée, je suis allé kidnapper ma compagne sur son lieu de travail pour aller honorer l'événement sur le mont Saint-Bruno.
En faisant un détour par la carrière abandonnée pour vérifier si les corbeaux qui traînent parfois par là n'avaient pas fait leur nid dans la falaise, nous avons été accueillis par un concert de grenouille des bois. Assis dans l’amphithéâtre pour profiter du moment, chauffés par le soleil, nous aurions pu facilement prendre racine si des fourmis dans nos pieds ne nous avaient pas encouragés à poursuivre le chemin. Ce fut un mal pour un bien, car plus loin, deux primeurs nous attendaient: une gélinotte huppée dont nous ne soupçonnions même pas l'existence dans ce parc et notre premier bruant familier de l'année.