La curiosité avec un C comme dans moteur


C'est toujours la même histoire. On trouve ça beau ou étrange (les deux se confondent souvent), on prend une photo et après, on veut savoir ce que c'est. 
À première vue, ça ressemble à une mouche. Le choix se trouve donc limité à un peu plus de 100000 espèces.
Au milieu du "Guide des insectes du Québec et de l'Amérique du Nord", il y a quelques planches en couleur, très pratiques pour les paresseux. Avec un peu de chance...
Bingo ! Gagné ! Yes ! Selon son origine dans la francophonie.
Dans la planche 14 intitulée "Mouches muscoïdes, Diptères, Division Schizophores", l'illustration des sarcophages, aussi appelées mouches à viande ou mouches à damier, ressemble beaucoup à la photo. La description dit: "Cuillerons importants; semblables aux calliphores, mais corps mat; hab. 4 soies notopleurales." D'accord, mais qu'est-ce qu'un cuilleron, à quoi ressemblent les callophores et où se trouvent les soies notopleurales ?      
La réponse à la deuxième question est plutôt facile. Dire que les mouches sarcophages ressemblent aux mouches callophores, c'est comme dire que les callophores ressemblent aux sarcophages. C'est réglé.
Les cuillerons maintenant. Dans l'internet, on lit que le cuilleron est un organe latéral du thorax en forme d'écaille situé sous le bord postérieur de l'aile et qui recouvre le balancier chez certains diptères (les mouches en font partie). On a même une image ici. Sur la mouche de la photo juste en-dessous, les cuillerons semblent effectivement assez développés.


En ce qui concerne les soies, le choix ne manque pas sur cette mouche. Reste à trouver les "notopleurales".
Comme le notum est le nom donné à la partie dorsale des 3 segments du thorax et que le pleure est celui donné à leur partie latérale, les soies notopleurales doivent être quelque part entre le dos et le flanc. Heureusement, deux schémas trouvés dans l'internet et dans le guide entretiennent l'espoir de s'y retrouver. Ceux qui s'intéressent à chétotaxie (nomenclature des soies) des diptères peuvent aussi consulter ce site.

Tiré du Guide des insectes du Québec et de l'Amérique du Nord,
Les guides Peterson, Broquet

Photo de Halvard : from Norway. (A drawing by Halvard from Norway.) [GFDL, CC-BY-SA-3.0 or CC-BY-2.5], via Wikimedia Commons

Et là, c'est l'incertitude, l'impasse, et forcément la déception. La photo ne permet malheureusement pas de compter les soies: deux certainement, quatre peut-être.
Alors, calliphore ou sarcophage ? Disons que les rayures longitudinales grises du thorax et les couleurs mates plutôt que métalliques suggèrent une sarcophage; ce qui réduit l'inconnue à un peu plus de 500 espèces. Évidemment, toutes ne vivent pas au Québec, loin s'en faut.
 

Oka, au delà du calvaire.

Malgré sa proximité de Montréal, sa plage et son camping, le parc national d'Oka demeure un beau parc où il fait bon se promener en dehors des périodes d'affluence. Et après quelques années d'ostracisme, il était temps pour nous de retourner marcher sur le quai flottant de la grande baie. 


Une fois dans le parc, il suffit de s'enfoncer dans le bois et de suivre la pente pour trouver la baie. À l'ombre des érables, les fleurs ont cédé la place aux feuillages et les couleurs, aux formes. Mais si la trille, la sanguinaire et l'asaret se font plus discrets, ils n'en sont pas moins actifs. Ces trois-là semblent en effet comploter de l'ombre pour empêcher les jeunes érables rouges d'atteindre les sommets dus à leur rang. Peine perdue !


Étrangers à ces querelles végétales plus que millénaires, nous passons notre route. Une éclaircie au bout du chemin nous indique la proximité du but et notre attention se porte ailleurs. 


Ici, le partage entre la terre et les eaux est encore source de pourparlers. Je ne serais pas surpris qu'à l'argument des alluvions avancé par les collines d'Oka, le lac des deux montagnes oppose celui des crues printanières. En attendant, le tamia rayé, l'onoclée sensible, la renouée amphibie et l'iris faux-acore profitent de l'hésitation pour occuper le terrain.


Plus loin, la question ne se pose plus. C'est le domaine de l'eau où seuls quelques îlots de quenouille sont tolérés. Ils servent d'abri à d'étranges oiseaux invisibles dont le nom trahit l'allégeance. Bruant des marais et troglodytes du même nom se sont partagés les lieux et chantent les frontières de leur fief respectif à qui veut bien les entendre. 



Le bout du quai n'est plus loin, mais impossible de s'y rendre; une sterne pierregarrin s'y est perchée. Pourquoi la déranger ? Nous rebroussons alors chemin, satisfaits de constater que la grande baie n'a pas changé et décidons de prolonger le plaisir à travers bois vers le lac de la sauvagine.


Ladona julia la libellule nous accompagne jusqu'au premier chant d'oiseau, celui de l'infatigable viréo aux yeux rouges qui n'arrête jamais de se signaler - here-i-am, in-the-tree, look-up, at-the-top - mais qu'on ne voit presque jamais.


Plus loin, c'est au tour de la paruline couronnée de nous pousser son tipié, tipié, tipié, tipié caractéristique. Nous nous arrêtons aussi pour regarder passer le iule (Narceus americanus). Prochain arrêt, le lac où nous aurons le plaisir de découvrir de la comptonie voyageuse, une plante plutôt rare dans le sud du Québec.