Un cas d'AKD ?

Le 5 août dernier, je photographiais cette sittelle à poitrine blanche dont la démesure et la courbure du bec avaient attiré mon attention. Auparavant, j'avais déjà observé des becs difformes, mais il s'agissait généralement de troncatures affectant la mandibule inférieure ou supérieure, et j'attribuais cet état à un accident ou à une malformation congénitale.

Dans le cas de cette sittelle (cela ne se voit pas sur la photo), la déformation était telle que les deux mandibules ne parvenaient plus à coïncider, la fermeture étant empêchée par la rencontre des extrémités, à la manière d'une tenaille. Depuis, la nature a trouvé une solution et la mandibule inférieure semble s'être brisée (voir la photo ci-dessous).  

J'en restais là, attribuant la chose à une tare génétique. Après tout, quand on ne sait pas ou quand on ne cherche pas à savoir, on peut toujours s'en remettre à un dieu, à l'ADN ou au hasard si on ne croit en rien. C'est ma blonde qui a forcé ma curiosité en attirant mon attention sur Nature et Environnement, un blog québécois qui se propose entre autres de documenter le phénomène au Québec. 


En le parcourant, j'appris l'existence de l'Avian Keratin Disease, une maladie infectieuse causée par le poecivirus qui infecte les tissus du bec. Cette maladie observée pour la première fois en Alaska dans une population de Mésange à tête noire (Poecile atricapillus) à la fin des années 90 a rapidement été détectée chez une dizaine d'autres espèces en Amérique du Nord d'abord, et ailleurs ensuite. Bien qu'il n'y ait encore aucune preuve de son émergence au Québec et qu'il existe bien d'autres causes de malformation des becs (accidents, maladie, contamination par des polluants), l'hypothèse d'une infection n'est pas à exclure dans le cas de cette sittelle.

Sources:

Un drôle de nom pour une drôle de fleur

Des racines, des feuilles et de la chlorophylle, les cuscutes n'en ont pas besoin. Elles se contentent d'étendre leurs tiges autour des plantes qu'elles parasitent et d'y enfoncer des suçoirs, appelés haustories (une haustorie), pour s'accrocher à leurs hôtes et aspirer leur sève. 

Il en existe une centaine d'espèces dans le monde. Elles formaient leur propre famille, les cuscutacées, mais depuis la découverte de l'ADN  et la classification phylogénétique, on les range dans la famille du liseron, celle des convolvulacées. Au Québec, elles sont six: quatre espèces indigènes et trois importées d'Europe. Pour les différencier, il faut s'armer d'une loupe, car si la plante est voyante, ses fleurs sont minuscules et ce sont elles qu'il faut regarder. Celle de la photo est la cuscute de Gronovius, probablement nommée ainsi en hommage au botaniste hollandais Jan Frederik Gronovius (1686-1762)

Quant à son nom, il viendrait de l'arabe et aurait été déformé par les Grecs, longtemps avant de nous parvenir. Il parait que le mot arabe désignait une plante de Syrie.

C'est un jardin extraordinaire

 Ou plutôt un jardin bien ordinaire où il se passe des choses extraordinaires comme:

Une sittelle à poitrine blanche qui se prend pour un Bec-croisé des sapins
Une carline acaule avec une tige de vingt centimètres: la dernière fois que j'en ai vu, je devais avoir 13 ou 14 ans, elle était plus acaule (sans tige) que celle-là, mais c'était dans son milieu naturel (les Alpes), un milieu rocheux, ensoleillé et battu par les vents. Dans le jardin, elle est une infraction à mon code d'éthique sur les indigènes, mais comme elle est une médicinale, elle a le droit de siéger.
Et un monarque marqué et aussitôt rapporté sur le site inscrit sur la pastille. Je me demande quel pourcentage de surpoids cette marque représente, mais je ne serais pas surpris qu'il soit significatif. Espérons que cela ait une réelle utilité.

PS: sur Twitter, l'auteur naturaliste Roger Latour (@ROGERLATOUR), que l'on peut suivre aussi sur Flora Urbana 2, me précise que la bague est en polypropylène, qu'elle pèse 10 mg et qu'elle représente 2 % du poids d'un monarque standard; un peu comme si un individu de corpulence moyenne (70 kg) portait un sac de 1,4 kg.  

La flore de l'île aux Basques (2/2)

Comme annoncé, voici le deuxième et dernier volet de mon palmarès des plantes du littoral  de l'île aux Basques. Il y en a beaucoup d'autres, mais il fallait faire un choix. La prochaine fois, je parlerai de la faune qui nous a réservé toute une surprise.

Que serait le vie de l'amateur de gin sans le genévrier commun ? Prostré sur son rocher, celui-là n'a l'air de rien, mais il livre quand même la marchandise. Ses baies qui n'en sont pas seront mûres et bleu foncé, l'année prochaine.
Je ne sais pas où la livèche d'Écosse puise son énergie pour être aussi imposante, mais elle est la preuve que les escarpements de l'île ne sont pas que le royaume des naines et des difformes. 
Quoiqu'il en soit, ce sont ces dernières que je préfère et je suis même tombé amoureux de la Sagine noueuse, peut-être la plus petite d'entre elles.
La potentille tridentée se moque bien de la mer. Elle, ce qui l'intéresse, ce sont les rochers où elle peut s'adonner à la varappe. Il parait qu'elle ne se déplace pas sans une équipe de champignons collés à ses basques, qui sont là pour la ravitailler en suppléments d'eau et de minéraux.
Et enfin le glaux maritime. Ce spécialiste des zones intertidales (entre marée basse et marée haute) est capable de retenir son souffle jusqu'à ce que la marée descende. Autre particularité, ses fleurs sont dépourvues de pétales. Ce que vous voyez, ce sont des sépales.  

La flore de l'Île aux Basques (1/2)


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L'île aux Basques a beau ne pas être très grande (0.55 km2), elle supporte une grande diversité de végétaux qui contribuent à des écosystèmes aussi variés que des boisés de feuillus, de conifères ou mixtes, des micro-tourbières, un étang, des mini-marais salés, une prairie plus ou moins lande, et un littoral principalement rocheux, accessoirement sablonneux. 
La prairie est une étendue de plantes herbacées majoritairement composées de graminées (poacées) alors que la lande est une étendue de petites plantes ligneuses (arbrisseaux et sous-arbrisseaux) appartenant le plus souvent à la famille des éricacées. 

Dans le livre intitulé "L'Île aux Basques" et publié en 1997 par la Société Provancher d'histoire naturelle du Canada, on rapporte 336 espèces de plantes vasculaires, appartenant pour la plupart à la Boréalie. Personnellement, je les ai divisées en deux groupes: celles que j'espérais voir comme la Primevère laurentienne, la Saxifrage aïzoon (je préfère ce nom à la consonance exotique et à la prononciation incertaine, à l'officiel "Saxifrage paniculée") et au moins une de ces quatre espèces de petites fougères que l'on appelle les botryches; l'autre groupe étant évidemment constitué des plantes que j'ai vues ou revues.    

Comme je n'en ai trouvé aucune du premier groupe, je me bornerai à vous présenter (en deux épisodes) le "top-10" des plantes que j'admire pour leur faculté à s'épanouir dans les milieux hostiles (parce que pauvres, salins et venteux) que sont les littoraux; celles que je qualifierais de résilientes si l'envie me prenait d'utiliser un mot aussi galvaudé que ADN.

L'Iris de Hooker est facile à prendre pour le versicolore si on confond les sépales (larges et étalés) avec les pétales (courts, étroits et dressés entre les sépales).
Si le plantain maritime n'était pas hermaphrodite, cet étalage d'étamines pourrait passer pour une perversion masculine. 
Allongée au soleil sur la plage, la mertensie maritime ne bronze pas, elle bleuit.
Le Caquillier édentulé ne se pose pas de question; il pousse là où la vague a déposé sa graine.
La salicorne de Virginie n'a jamais su choisir entre le milieu marin et la terre ferme.