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L'amertume du café

Difficile de passer à côté de Boquete (prononcez bokété) ! Tous les guides touristiques vous y conduisent, vantant les charmes de cette petite ville réputée internationalement pour ses plantations de café. Nichée dans le fond d'une vallée à 1600 m d'altitude, on y côtoie, dans un curieux mélange de populations, des touristes promenant Ulysse le Routard, leur meilleur ami sur cette Lonely Planet, des riches retraités états-uniens en quête de confort, de sécurité et d'avantages fiscaux, des bobos panaméens qui le temps d'un congé savourent le plaisir de dominer la chaîne alimentaire avant de retourner dans la jungle incertaine de Panama Ciudad et de ses affaires, et les indiens Ngobe qui profitent de cette manne pour troquer leur production artisanale contre des produits de première nécessité, en l’occurrence des sacs de maïs et du tissu.  S'il reste de l'argent, ils se feront plaisir avec de l'accessoire, mais jamais du superflu.


Tout ce petit monde se côtoie dans une indifférence feinte parfois écorchée par l'appareil photo d'un touriste et dans une paix surprenante compte-tenu de la disparité manifeste des ressources de chacun. Il faut croire que tout le monde y trouve son compte puisqu'on ne peut pas accuser la police d'être outrageusement présente.
Les hauteurs de Boquete sont occupées par les plantations de café. On y arrive par des routes de montagnes étroites et après avoir traversé les baraquements des travailleurs saisonniers. Ici, le confort ne se traduit pas en étoiles ou alors ce sont celles que l'on voit à travers les trouées des toits de tôle. Baraquements saisonniers ou permanents, difficile à dire quand on est touriste et qu'on ne fait que passer. Ce qui est sûr, c'est qu'ils abritent des familles entières.

À l'extérieur des murs
Dans les murs

La plantation est au bout de la route. On y est accueilli par une guérite et une barrière, mais les gros 4X4, même s'ils sont de location, sont toujours les bienvenus. La barrière se lève avant même d'avoir esquisser un signe de la main et nous nous retrouvons dans le confort chic et cher de la propriété. Nous sommes en janvier et la récolte du café bat son plein. Tout ce fait à la main, en prélevant seulement le fruit à bonne maturité; un travail d'indien, même pas de moine.



Le grain sera ensuite séparé de la pulpe du fruit (une drupe) par séchage ou par lavage, puis décortiqué - la fine membrane qui recouvre la graine est retirée mécaniquement - et torréfié.



Le caféier est un arbuste à feuilles persistantes dont deux espèces sont cultivées: Coffea arabica qui produit le café arabica et Coffea canephora qui donne le robusta. L'arabica, plus fin et plus aromatique est aussi moins chargé en caféine. Un peu plus exigeant quant à ses conditions de culture, il préfère la fraîcheur des flancs montagneux des régions tropicales. En Amérique, il n'est pas indigène; il viendrait plutôt d'Éthiopie et il n'a été planté là que pour notre plaisir de boire son infusion. Or, ce qui fait notre bonheur ne fait généralement pas celui de l'autre, la nature, car nous ne savons pas nous fixer de limites. Ici, c'est évident. Les rangs de caféiers ont complètement  supplanté la forêt originelle. Seul témoignage du massacre, d'énormes souches qui refusent de se putréfier et quelques prisonniers que l'on tolère pour leur ombre.
 
 
     

Une panaméenne du Chiriqui

On recense plus de 1200 espèces d'orchidacées du genre Pleurothallis, toutes d'Amérique tropicale. Celle-là pousse sur les flanc du volcan Baru, à 2000 mètres d'altitude. On l'a appelée P. maduroi en l'honneur de son découvreur Andrew Maduros, fondateur de Finca Dracula, un sanctuaire dédié aux orchidées .

Espèces d'épiphytes

Épiphytes peut-être, mais pas parasites...à part ce cher Gui, bien sûr.
Des plantes qui grimpent sur les autres pour atteindre le lumière, nous en connaissons tous. Au bas de l'échelle de l'évolution, il y a par exemple cette association d'une algue bleue et d'un champignon qui se fait passer pour un lichen et que l'on peut voir un peu partout sur l'écorce des arbres ou sur un minéral. Mais, il y en a d'autres, beaucoup d'autres et beaucoup plus évoluées.  


Celles qui ont le mieux réussi dans la vie, notamment dans la nôtre, sont probablement les orchidées. On en compte plus de 20000 espèces (un millier au Panama), épiphytes ou non, réparties dans 800 et quelques genres. 


Il y aussi les représentantes de la famille des aracées comme les monsteras que nous utilisons pour verdir nos salons et les broméliacées qui embellissent nos centres de table ou nos jardinières suspendues. 


Les plus chanceuses germent au sommet d'un arbre profitant de l'interstice d'une écorce et s'y cramponnent à la force des racines. D'autres naissent en bas, dans l'ombre des grands. Elles ne doivent parfois leur salut qu'à une corde qui finira bien, un jour, de se balancer. L'égalité des chances, qui croit à ça ?

  

La vie en vert

Le Panama est un petit pays de 75517 km2, soit 0,8 % de la superficie du Canada. On y recense pourtant une dizaine de milliers d'espèces végétales (un peu plus de 3200 au Canada). En y ajoutant 957 espèces d'oiseaux, 259 espèces de mammifères et 229 espèces de reptiles (on n'a pas encore fini de compter les insectes), on obtient le deuxième point chaud de la biodiversité sur Terre.

L'organisation Conservation international n'accorde ce titre qu'aux régions abritant au moins 1500 espèces de plantes vasculaires endémiques (ou 5 % des espèces mondiales). Là où le bas blesse, c'est que ces zones de grande biodiversité doivent aussi avoir perdu 70 % de leur habitat d'origine pour l'obtenir. Plus qu'une invitation à profiter du spectacle de la vie, le terme "point chaud" est donc un encouragement à se retrousser les manches pour la préserver.


En Amérique centrale, la menace pèse principalement sur la forêt primaire. Au Panama par exemple, le couvert forestier est passé de 70 % en 1947 à 45 % aujourd'hui; ce n'est pas le pire pays en la matière. Et même si depuis quelques années le travail acharné des environnementalistes a réussi à ralentir le processus, la déforestation se poursuit.
La forêt primaire est un enchevêtrement d'espèces végétales et animales qui participent au maintien d'un équilibre mis en place il y a des milliers d'années. Ici comme ailleurs, rien n'est superflu; tout est important et chacun joue son rôle. Bien que nous n'en comprenions pas encore tous les mécanismes, nous savons maintenant que la forêt primitive est un des éléments indispensables à la survie de notre espèce. Elle contribue à faire de la Terre un endroit vivable en contribuant à la régulation de son climat et à la composition de son atmosphère; elle nous nourrit aussi de façon plus ou moins directe et elle nous soigne. 

Les fougères sont arborescentes,
les herbes, géantes, donnent des bananes
et les arbres rêvent d'atteindre les étoiles
Mais l'exploitation forestière et l'agriculture rongent lentement la forêt panaméenne. Le profit immédiat et personnel l'emporte une fois de plus sur l'intérêt général et à long terme. La jungle fait place aux rangs de cultures maraichères et aux troupeaux de vaches et la campagne panaméenne finit par ressembler à n'importe quelle campagne. À 1800 mètres d'altitude, les indiens gravissent les pentes dénudées et courbent le dos pour travailler une terre qui appartient dorénavant aux descendants des colons européens. Une chose est sure toutefois; cela ne durera pas. En labourant dans le sens de la pente, les travailleurs précipitent involontairement la fin de leur exploitation, car le ruissellement de l'eau vient à bout de n'importe quel humus, même s'il a des millénaires d'épaisseur.


Le gardien de vos nuits tropicales

Dans ma quête d'un pays sans hiver où la plante que je suis pourrait s'établir, cette année, j'ai essayé le Panama. Du point de vue de la chaleur, de la lumière et de l'humidité, c'est un peu trop pour un caractère forgé sous un climat tempéré. Mais on s'habitue à tout, et au moment où je commençais à me sentir chez moi, mon porte-monnaie m'a rappelé que le dollar américain, même si on l'appelle là-bas le balboa, est mal adapté au format de mon compte en banque...c'est toujours trop big avec les américains.
En revanche, en ce qui concerne les plantes et la faune, ça ressemble beaucoup à l'idée que je me fais du paradis des naturalistes. Évidemment, je n'ai pas pu m'empêcher de ramener des souvenirs, en l’occurrence une belle ceinture rouge qui me rappelle les magnifiques découvertes de mon voyage quand elle me démange. Il faut bien avouer que les aoutâts panaméens sont très attachants, beaucoup plus que les moustiques.
Et puis, pour vous débarrasser de ces derniers, il y a le gecko (Hemidactylus frenatus).


Quand vous entrez dans votre chambre et que vous le surprenez accroché au plafond au-dessus de votre lit, la première fois, ça surprend. J'irais même jusqu'à dire que ça inquiète un peu. Mais bon, avec ses dix centimètres, on est loin du varan du Nil. Il suffit de se dire qu'il sait ce qu'il fait et espérer qu'il ne va pas sursauter de peur quand vous allez allumer la lumière pour vous rendre à la salle de bain. De toute façon, il fait partie du service de nettoyage des chambres. C'est le spécialiste des cafards, moustiques et autres insectes. Contrairement au reste du personnel affecté aux besognes sous-payées, il ne fait pas partie d'une des huit nations autochtones du Panama. Non, c'est un représentant d'une autre catégorie d'exploités, celle des travailleurs émigrés. Lui est venu du sud-est asiatique. Arrivé probablement par bateau, il a du mettre pied à terre à l'occasion du passage des écluses du canal de Panama.   
J'aurai l'occasion dans les prochains jours de revenir sur la nature panaméenne...si j'ai le courage car passer de +35 à -25°C et du vert au blanc ne tue pas que les aoûtats.