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Bain de nature thérapeutique

Je ne sais pas si c'est une conséquence de la dépression saisonnière ou du spectacle quotidien de notre inhumanité, mais p... qu'on était bien sur le mont Saint-Bruno ce matin. Personne, juste la faune et nous.

Et de la faune, il y en avait. Entouré d'un essaim de mésanges et de sittelles, nous avons marché sous le regard interrogateur des cerfs de Virginie qui interrompaient leur broutage pour évaluer le danger que nous pouvions représenter avant de replonger la tête ou de fuir. Nous avons pris le chemin du vieux verger abandonné. Les fruits blets encore accrochés aux arbres ou tombés par terre attirent toute sorte d'animaux: ceux qui s'en nourrissent et leurs prédateurs qui profitent du terrain dégagé pour repérer leurs proies de loin. 

Et des prédateurs, il y en avait. Une buse à queue rousse s'est perchée au faîte du plus grand arbre, a fait son tour d'horizon, puis a cédé la place à une pie-grièche boréale, une chasseuse redoutable qui suspend ses victimes à des branches. Peut-être aime-t-elle la viande faisandée. 

En tout cas, il faut croire que les merlebleus de l'Est ne font pas partie de son menu puisque c'est le moment qu'ont choisi quatre d'entre eux pour traverser le verger sous nos yeux ébahis. Nous savions qu'ils nichaient là, mais nous ne nous attendions pas à les voir aussi tard dans la saison.

À quoi rêvent les chouettes ?

Je crois que les chouettes rayées emportent une partie de la nuit dans leurs rêves, bien cachée derrière leurs paupières. Sinon, comment expliquer la noirceur de leur regard ? 

Celle-là s'apprêtait à dormir quand nous l'avons observée, perchée dans un jeune pin blanc quelque part sur le Mont Saint-Bruno, presque à hauteur d'homme, comme souvent. Elle a nettoyé ses serres, s'est redressée et a tourné la tête en arrière pour l'enfouir dans ses ailes.

Migration de bernaches

Ce matin, aux étangs Antoine-Charlebois, des bernaches du Canada (Brenta canadensis) arrivaient du nord. Elles resteront là tant qu'il y aura à manger et que le gel ne les chassera pas plus au sud. Elles sont de moins grandes voyageuses que les Oies des neiges (Anser caerulescens) qui, elles, nichent dans la Toundra arctique et passent l'hiver dans le centre et le sud des États-Unis.

Un 29 septembre au bord du lac Boivin (Québec)

Galane glabre, mais pas partout

Dimanche dernier était une belle journée d'automne que nous avons mise à profit pour aller au Centre d'interprétation de la nature du lac Boivin

La thélyptère des marais: une fougère aussi hydrophile que l'onoclée sensible 

L'endroit est agréable pour se promener en famille, nourrir les écureuils roux, les tamias rayés et les mésanges à tête noire. C'est un plaisir qu'il ne faut pas bouder, surtout si on a des enfants, et cela se sait. D'ailleurs, s'il n'y avait ce trottoir de bois qui longe la rive marécageuse de la rivière Yamaska et qui donne accès à la flore et à la faune aquatique, je ne sais pas si j'y viendrai chaque année. Il y a beaucoup trop d'humains et le carcajou en moi fuit le contact avec cette espèce. En tout cas, c'est ce que prétend ma blonde après que je lui ai lu, un soir de camping autour du feu, le chapitre qu'a consacré Serge Bouchard à cet animal dans son bestiaire, un livre dont je recommande vivement la lecture.  

Un grand pic juvénile (plumes brunes et mohawk incomplètement rouge) 
Cinquante pas auparavant, je me plaignais de ne pas avoir vu de troglodyte des marais depuis longtemps.

Bref, si la journée était belle, elle sonnait quand même comme un été qui s'achève ou un automne qui n'ose pas encore afficher ses couleurs. À l'exception des galanes et de quelques asters, tout était défleuri et les canards semblaient avoir déserté les lieux. Ils n'étaient pourtant pas dépourvus de vie, comme nous avons pu le découvrir une fois nos sens ajustés au diapason de la nature. J'ai même pu revoir ce martin-pêcheur qui m'accompagne si bien dans mes sorties que j'en ai fait mon animal-totem. 

Un lapin à queue blanche qui nous a fait longtemps hésiter pour un lièvre d'Amérique

Tout ce qu'il reste

Les colibris qui avaient élu domicile dans le jardin sont partis; le mâle d'abord, la femelle et les jeunes quelques jours après. Il ne nous reste que cette photo prise un jour de pluie pour attendre leur retour l'année prochaine, au début de mai. 

La mangeoire va encore rester en place quelque temps pour ceux qui sont partis de plus haut, au nord, mais le décor commence inéluctablement à changer.

Pour allumer la gorge d'un colibri, tout est question d'incidence de la lumière et c'est un art que l'oiseau maitrise parfaitement. 

En suivant la Jacques-Cartier

Je reviens d'un petit séjour de glamping au parc national de la Jacques-Cartier, séjour au cours duquel le muskol, la calamine et l'after-bite ont coulé à flots. 

Curieusement, en dépit des mouches noires (ces moucherons de moins de 5 mm qui partent avec un morceau de vous en laissant une goutte de sang au sommet d'une cloque douloureuse), des frappes-à-bord (une espèce de taon à la morsure tout aussi douloureuse) et des maringouins, la faune a étonnamment brillé par son invisibilité et son silence. À part une ou deux pistes de cerfs de Virginie, nous n'avons relevé aucune trace de gros mammifères au cours de nos randonnées, que ce soit des empreintes ou des excréments. Aucune vie non plus autour du chalet, à l'exception d'un écureuil roux qui mit beaucoup de temps à se dégêner.

Néanmoins, en remontant la rive de la rivière Jacques Cartier, nous avons quand même pu suivre des yeux une grande harle accompagnée puis chevauchée par ses trois canetons. Ce n'est qu'après avoir perdu de vue l'équipage au détour d'un méandre que nous avons remarqué que les deux billots de bois qui flottait au milieu de la rivière étaient en réalité deux castors en train de faire la planche au soleil.

Sinon, l'autre fait marquant du séjour fut d'être attaqué sauvagement – si, si, sauvagement – par une gélinotte huppée surgissant de nulle part et nous volant violemment  – si, si, violemment – dans les plumes, puis nous tournant autour sournoisement – si, si, sournoisement – jusqu'à ce que nous nous soyons suffisamment éloignés de ce qui devait être son nid. Je n'ai évidemment aucune image de cet incident peu glorieux.

Le mont chauve

À une heure et demie de Montréal vers l'est, il y a de belles promenades à faire dans le parc national du Mont-Orford. Ce parc protège quelques sommets des contreforts des Appalaches qui culminent à 850 mètres et des poussières grâce au mont Orford.

Cette fois-ci, nous avons choisi de suivre le sentier qui mène au sommet du mont Chauve en passant par la porte de derrière à travers l'érablière qui couvre ses flancs. "What a beautiful day !" comme disent les randonneurs Terre-Neuviens en guise de salut. Vraiment ! Et pour le clou de la ballade, j'hésite encore entre le pékan, la paruline à gorge noire et le ginseng à trois folioles.  

Au sommet, on a un beau de point de vue sur une partie du chapelet des collines montérégiennes, ces intrusions magmatiques provoquées par le sursaut d'activité périodique du point chaud sur lequel dérivait la plaque nord-américaine. De gauche à droite, les monts Brome, Shefford, Yamaska et Saint-Hilaire dans la brume. Aux jumelles, on pouvait même voir le Mont-Royal.
L'osmorhize de Clayton essaie de se faire passer pour une fougère, mais il suffit d'y regarder de près pour éventer son stratagème.
Papillon tigré du Canada
Cypripède acaule ou Sabot de la Vierge
Le ginseng à trois folioles, sans vertu connue et donc beaucoup moins menacé que son congénère à cinq.
Une paruline à gorge noire occupée à ramasser du matériel pour construire son nid.

Un court extrait de chaine alimentaire

Ce matin, au parc des étangs-Antoine-Charlebois (Sainte-Julie, Québec), il y avait ce grand pic qui n'a fait aucun cas de notre présence, tant il était occupé à gosser un tronc vermoulu. Il avait dû y trouver quelques fourmis charpentières qui, elles aussi, affectionnent le vieux bois.

Un maître tisserand

L'oriole du Nord (Icterus galbula) est un oiseau sonore, voyant et commun dans le sud du Québec qui a la particularité de tisser un nid suspendu. 

Au cours de la fin de semaine, j'ai eu l'occasion de le regarder faire et je ne sais pas comment il arrive à s'y retrouver dans tous ces bouts de ficelles. C'est comme essayer de se fabriquer un hamac avec la bouche.

Halte migratoire

Les migrations battent leur plein. Le moucherolle tchébec et le viréo à tête bleue sont arrivés hier au boisé du Tremblay et ce matin, aux étangs Antoine-Charlebois, nous avons croisé des parulines à croupion jaune, à collier et jaunes, un tyran tritri et un viréo mélodieux. Un pygargue à tête blanche nous est aussi passé au-dessus de la tête, littéralement. 

De retour à la maison, nous avons répandu à la volée quelques graines mélangées, comme nous le faisons toujours pendant la saison des migrations. Les bruants de passage se sont évidemment précipités dessus, ce qui a piqué la curiosité d'un cardinal à poitrine rose. On le voit régulièrement au jardin, mais cette année, c'est sa première apparition depuis qu'il est arrivé du sud, il y a deux ou trois jours.

Bien sûr, toute cette agitation a attisé la curiosité des voisins dont certains auraient aimé se joindre à la table, notamment la marmotte. Mais je ne me laisserai pas attendrir par son regard suppliant. Sous ses allures bon enfant, c'est un ogre et lui ouvrir la porte, c'est faire le deuil de son jardin. Surtout celle-là, nous nous connaissons bien.

Matin chantant

Une grive solitaire, mais pas pour longtemps. 

Les migrations vont bon train dans le boisé du Tremblay. On commence à voir des grives solitaires depuis trois jours et des trains entiers de bruants défilent sous nos yeux. Certains, comme ce bruant des marais, en descendent pour poser leurs bagages. Poitrine gonflée, calotte hérissée, il défie ses congénères au chant et s'ils font mieux que lui, il ira voir ailleurs sans discuter. Soudain, l'arrivée d'un groupe d'oiseaux noirs et bruyants lui font rabattre son caquet et sa casquette.

Le colibri: un oiseau américain [2/2]

L'Ariane à ventre gris (Amazilia tzacatl) appartient au groupe des Émeraudes et peut être observée du sud du Mexique jusqu'à l'Équateur en passant par la Colombie.

L'histoire des colibris commence il y a 42 plus ou moins 5 millions d'années. À cette époque appelée l'éocène, l'océan Atlantique est formé et les continents occupent à peu près la position qu'on leur connait aujourd'hui à quelques détails près: la Béringie (l'actuel détroit de Béring) est émergée, ce qui rend possible le passage entre la Sibérie et l'Alaska, et l'Amérique centrale n'existe pas encore, ce qui fait de l'Amérique du Sud, une île. En ce qui concerne la vie, les petits dinosaures que sont les oiseaux sont apparus depuis une centaine de millions d'années déjà (-142 millions d'années avant notre ère) et ont survécu au cataclysme qui a fait disparaitre les grands dinosaures depuis environ 23 millions d'années (-65 millions d'années avant notre ère).

L'ADN des oiseaux modernes nous apprend qu'il y a donc 42 millions d'années, une famille d'oiseaux s'est séparée et a donné naissance à deux nouvelles lignées: celle des martinets (famille des apodidés) et celle des colibris (famille des trochilidés). Aujourd'hui encore, après tout ce temps et en regardant bien, on peut trouver quelques ressemblances entre les deux familles; la plus évidente étannt que les martinets et les colibris sont courts sur pattes. Cet air de famille leur a d'ailleurs valu d'être regroupés dans l'ordre des apodiformes, un terme qui signifie: en forme de sans (a) pieds/pattes (podos).

L'ADN est un enchainement, ou une séquence, des paires de bases A-T, T-A, C-G et G-C dont la répétition et l'ordre définissent un organisme vivant. Le lien de parenté entre les espèces est établi en comparant la séquence de leur ADN. Plus les séquences sont similaires, plus les liens de parenté sont étroits. Quant à l'époque de la divergence entre deux familles, deux genres ou deux espèces, elle est estimée en comparant le nombre de mutations dans quelques gènes. Ensuite, en estimant la vitesse de mutation de l'ADN, on peut savoir à quel moment les gènes des colibris étaient suffisamment semblables à ceux des martinets pour ne former qu'une seule famille.
Taxonomie des colibris: chaque couleur correspond à un des neuf clades mentionnés généralement dans la littérature scientifique anglophone: les Topazes (Topazes), les Ermites (Hermits), les Mangos (Mangoes), les Brillants (Brilliants), les Coquettes (Coquettes), le Colibri géant (Giant Hummingbird), Les Joyaux de montagne (Mountains Gems), les Abeilles (Bees) et les Émeraudes (Emeralds). Un clade est un groupe philogénétique incluant un ancêtre et tous ses descendants. Cliquer sur le tableau pour le rendre plus lisible. 

Tout semble indiquer que la naissance des deux lignées s'est produite sur le continent eurasiatique. C'est en effet là, plus précisément en France, en Allemagne et en Pologne, qu'ont été exhumés les seuls fossiles apparentés à des colibris. Ils correspondraient à deux espèces distinctes et partagent avec les colibris modernes certains détails anatomiques, notamment un humérus court et trapu (un os des bras ou des ailes selon l'animal) grâce auquel les colibris actuels peuvent accomplir leurs prouesses aériennes. En outre, la datation de ces fossiles indique qu'ils sont âgés de 28 à 34 millions d'années, ce qui est compatible avec les données génétiques situant l'émergence des colibris et des martinets entre 37 et 47 millions d'années, c'est-à-dire "juste" un peu avant.

Avec ses quinze centimètres de longueur, le Campyloptère violet (Campylopterus hemileucurus) est le plus grand colibri d'Amérique centrale.  Celui-ci a été photographié au Costa Rica, dans un bouquet d'héliconias qu'il semblait s'être approprié et dont il butinait les fleurs selon un ordre bien établi.

Ensuite, plus rien. Aucun autre fossile ancien n'ayant été découvert ailleurs dans le monde, on perd la trace physique des colibris. Tout ce que l'on sait est qu'ils ont disparu du continent eurasiatique, qu'ils n'occupent aujourd'hui que le continent américain (voir le premier épisode) et que toutes les espèces actuelles descendent d'un ancêtre commun qui vivait dans les basses terres de l'Amérique du Sud, probablement le bassin amazonien, il y a 22,5 millions d'années. Cette dernière information est donnée par l'ADN des colibris modernes.

On ne sait pas avec certitude comment les colibris sont arrivés en Amérique du Sud. L'hypothèse la plus probable jusqu'à présent est qu'ils sont passés de l'Eurasie à l'Amérique du Nord en empruntant la voie de la Béringie, au nord-ouest, comme l'ont fait quelques plantes et d'autres animaux avant eux, ainsi que l'humain plus tard. Ont-ils ensuite colonisé l'Amérique du Nord avant de passer en Amérique du Sud. C'est une possibilité, mais si c'est le cas, ils en ont complétement disparu, car les colibris que l'on trouve aujourd'hui en Amérique du Nord descendent du même ancêtre sud-américain que tous les autres. 

Cet ancêtre qui vivait en Amazonie, il y a 22,5 millions d'années (début du miocène), nous apprend que des colibris ont réussi la traversée entre les deux Amériques bien avant la formation du pont terrestre que constitue l'Amérique centrale. La fermeture complète du passage entre les océans Pacifique et Atlantique s'est produite à la suite de l'exondation de l'isthme panaméen, entre -12 et -3 millions d'années avant notre ère.  La date est imprécise et suscite encore la controverse parmi les géologues. Quoi qu'il en soit, la formation de l'isthme panaméen n'est que la conclusion d'un long processus commencé dès la fin de l'oligocène (entre -28 et -23 millions d'années) avec la formation d'un arc d'îles volcaniques entre les deux Amériques qui a certainement facilité le passage des ancêtres des colibris vers l'Amérique du Sud.

Une fois établis dans les basses terres de l'Amazonie au début du miocène (voir la figure 1 de la magnifique étude de Jimmy A. McGuire et coll.), les colibris ont commencé à coloniser leur nouvel environnement. Pendant les 10 premiers millions d'années (de -22 à 12 millions d'années), ils se sont dispersés sur le territoire, occupant l'espace disponible et s'adaptant aux différentes niches écologiques qu'ils rencontraient. Cette cladogénèse (apparition de nouvelles espèces) a donné naissance aux ancêtres des groupes actuels: les Ermites d'abord, les Topazes, les Mangos, les Coquettes, les Brillants, le Colibri géant, unique représentant de son clade, et les Émeraudes. Aujourd'hui encore, les six premiers groupes, qui sont aussi les plus anciens, sont composés d'espèces principalement cantonnées en Amérique du Sud. On trouve quelques exceptions chez les Ermites et les Mangos, qui se sont introduits tardivement au Panama et dans les Caraïbes, probablement à l'occasion de l'achèvement de l'isthme panaméen, il y a 5 millions d'années.

Le Colibri à gorge pourprée (Lampornis calolaemus) est un membre des Joyaux de montagne qui habite les forêts humides des montagnes du Nicaragua, du Costa Rica et du Panama. 

Avec le temps, l'espace à occuper s'est restreint et la compétition pour les ressources alimentaires de plus en plus grande. Les colibris ont donc exploré de nouveaux territoires; certains ont retraversé vers l'Amérique du Nord et ont tenté de s'y installer, profitant du rétrécissement du détroit entre les deux continents. Plusieurs ont échoué; quelques-uns ont réussi à s'établir. L'un de ceux-là a donné naissance, il y a 12 millions d'années, aux deux groupes qui allaient coloniser l'Amérique du Nord: les Abeilles et les Joyaux de Montagne. Plus tard, à partir de -5 millions d'années, ces descendants seront rejoints par plusieurs vagues de représentants des Émeraudes, des Mangos et des Ermites, et par une unique vague de Brillants et de Topazes. Ces vagues d'immigration datées par l'ADN sont d'ailleurs un argument génétique en faveur de la fermeture complète de l'isthme qui aurait alors facilité la migration des colibris, il y a -5 millions d'années. 

Le Colibri cyanote (Colibri cyanotus) fait partie du groupe des Mangos. C'est un habitant des montagnes que l'on peut observer de la Bolivie jusqu'au Costa Rica.

Pendant ce temps-là (de -10 à -2 millions d'années avant notre ère), en Amérique du Sud, la cordillère des Andes connait une poussée "fulgurante", s'élevant d'environ 2 km en 8 millions d'années. Ce soulèvement a pour effet de créer de nouveaux habitats et d'accélérer la diversification de deux groupes déjà bien établis dans les montagnes: les Coquettes et les Brillants. Aujourd'hui, ces deux groupes qui rassemblent 30 % des espèces de colibris sont presque exclusivement constitués d'espèces andines; certaines étant particulièrement bien adaptées au manque d'oxygène et à la faible densité de l'air des environnements de haute altitude. Il est à noter que les Andes, qui ne représentent que 7 % de la surface des Amériques, abritent au moins 140 espèces de colibris, soit approximativement 40 % de la famille des trochilidés. Il est à noter que cette diversité andine n'est pas limitée aux colibris. On trouve de nombreuses autres espèces animales et végétales endémiques qui font des Andes, surtout la partie tropicale, un des hauts lieux de la biodiversité mondiale.

Les colibris, quant à eux, continuent leur évolution. Leur taux de diversification moyen estimé à 0,23 espèce par million d'années montre un léger ralentissement chez d'anciens groupes, mais il est encore très important chez les groupes les plus récents, notamment chez les Abeilles qui affichent un taux de 0,57 espèce/million d'années. Toutefois, il ne faut pas négliger l'influence du facteur humain qui, une fois de  plus, ne joue pas en faveur de l'évolution des colibris, en particulier dans les zones d'endémicité particulièrement restreintes que nos activités risquent de faire disparaitre.  

Ce colibri à gorge rubis (Archilochus colubris) est un digne représentant du clade des Abeilles (Bees) qui a conquis l'Amérique du Nord. Son espèce occupe le plus grand territoire et compte le plus grand nombre d'individus sur le continent nord-américain. 

Sources:

Troisième jour de marathon

Au refuge Marguerite d'Youville, les érables sont en fleurs, mais beaucoup de vieux arbres ont souffert du vent. Si seulement les bûcherons pouvaient éviter de les couper au pied... 

Aujourd'hui, sur l'Île Saint-Bernard, c'était frette malgré le soleil et tranquille; la faute au vent du nord qui nous amène le froid et cloue les oiseaux au sol. Il y avait quand même quelques mésanges bicolores - c'est la place pour les voir en dehors de notre jardin - et un couple de grands pics qui préparaient leur nid dans un vieux tronc. 

Demain, dernier jour de marathon avec la grande baie du parc d'Oka...si elle existe encore. 

En sortant et en passant inévitablement par la boutique, ma blonde m'a fait un beau cadeau.

Dindons de Pâques


C'est le deuxième jour de notre marathon de quatre jours d'observation des oiseaux. Hier, nous sommes allés voir les oies des neiges à Baie-du-Febvre; nous n'en avons trouvé que cinq. Les champs d'habitude inondés, dans lesquels elles font une pause migratoire, étaient à sec. En guise de consolation, nous avons pu observer trois pygargues à tête blanche et une grue du Canada.

Aujourd'hui, nous sommes allés faire une petite visite "frisquette" à l'arboretum Stephen-Langevin, à la sortie de Boucherville, le long du fleuve. C'est un tout petit parc que nous visitons de temps en temps quand nous avons envie de voir un hibou. Nous n'en avons pas vu. Par contre, nous avons eu toute une surprise en tombant nez à nez avec un groupe de quatre dindons sauvages. L'un d'entre eux nous a offert le spectacle d'une roue et ils ont continué leur chemin en picorant sans faire plus de cas de nous. C'était la première fois que nous remarquions cette corne sur leur front. C'est vraiment un oiseau étrange et impressionnant !

Demain, ce sera le refuge de Marguerite d'Youville, un endroit toujours intéressant.  

Chouette observation

Hier après-midi, en nous promenant dans le boisé du Tremblay, nous avons entendu chanter une chouette rayée au loin. Nous n'avions pas compris qu'elle nous donnait rendez-vous ce matin au parc du Mont Saint-Bruno.    

Le colibri: un oiseau américain [1/2]

Il suffirait d'une étincelle pour enflammer la gorge de ce colibri à gorge rubis.

Au Québec, de mai jusqu'en septembre, nous avons le privilège de pouvoir observer le colibri à gorge rubis. Le terme "privilège" n'est pas exagéré quand on sait que la famille des colibris (les trochilidés) n'existe que sur le continent américain et qu'elle compte 373 espèces (Birdlife International), mais que seulement cinq d'entre elles nichent au Canada et une seule dans la moitié est du pays. 

Il est à noter qu'en dépit du nombre important d'espèces, les trochilidés n'échappe à la diminution globale de la biodiversité. On a enregistré une baisse des populations de 60 % des espèces et un risque de disparition pour 10 % d'entre elles. Deux espèces sont par ailleurs considérées comme éteintes.

Avec ses trois grammes et ses dix centimètres, le colibri à gorge rubis passe facilement inaperçu. Il est pourtant commun et facile à observer. Si on veut s'assurer qu'il y en a autour de chez soi, il suffit de suspendre une mangeoire (une dizaine de piasses dans les quincailleries) et de la remplir d'eau sucrée (1 volume de sucre - mais pas de fructose - pour 3 ou 4 volumes d'eau). S'ils ne nichent pas autour de chez vous, vous courrez au moins la chance d'attirer les migrateurs en avril-mai et en août-septembre. Et n'hésitez pas à rapporter vos observations sur le site du Projet Colibri.

Les colibris sont des oiseaux fascinants à plus d'un titre. Ils maitrisent parfaitement le vol stationnaire, une capacité dont peu d'oiseaux peuvent se vanter, et sont les seuls à avoir développé la technique du vol à reculons. Ils sont aussi équipés d'un mode "économie d'énergie" qui les fait entrer dans un état de torpeur quand les nuits sont trop froides. Leur rythme cardiaque passe alors de 250 battements au repos (1200 en vol) à 50 battements par minute et leur température de 40-44 °C à 13 °C. Par ailleurs, ce sont des experts en effets spéciaux qui sont capables de contrôler l'iridescence de leur plumage au gré de leur humeur. En outre, certains colibris à gorge rubis canadiens peuvent parcourir plus de 3 000 km et traverser le golfe du Mexique pour rejoindre leur aire d'hivernage en Amérique du Sud avant de refaire le trajet en sens inverse le printemps suivant. Et que dire de leurs noms de genre, plus poétiques les uns que les autres: bec-en-faucille, ermite, porte-lance, coquette, émeraude, dryade, saphir, ariane, brillant, inca, héliange, érione, haut-de-chausses, porte-traîne, métallure ou sylphe.

Nombre d'espèces nicheuses / Pays
Fond de carte: d-maps
Cliquer sur l'image pour agrandir
Les colibris se partagent tout le continent, de l'Alaska jusqu'à la pointe du Chili. Toutefois, leur distribution n'est pas homogène et, en examinant les cartes (ci-contre et ci-dessous pour les détails), on constate que le nombre d'espèces par pays suit un gradient négatif de l'équateur vers les pôles. En d'autres termes, plus on s'éloigne de l'équateur, moins il y a d'espèces de colibris. 

Pour expliquer cette répartition, il faut d'abord savoir que 90 % du régime alimentaire des colibris est constitué de nectar, un liquide sucré sécrété par les fleurs pour attirer les pollinisateurs ; les dix autres pour cent sont constitués de petits invertébrés (pucerons, moucherons et autres). Les colibris sont donc essentiellement des butineurs qui dépendent des fleurs pour se nourrir. Ils s'y sont d'ailleurs très bien adaptés autant d'un point de vue anatomique (petite taille, forme des ailes, bec plus ou moins long et plus ou moins courbé) que physiologique et comportemental (par exemple, les colibris ont tendance à se montrer territoriaux et agressifs avec les insectes qu'ils considèrent comme des compétiteurs pour la ressource, mais pas avec les autres oiseaux). La fleur aussi s'est adaptée (couleur, longueur de la corolle et composition du nectar) et, au fil du temps, des relations parfois extrêmement étroites se sont tissées entre certaines espèces de plantes et de colibris. On considère que 7 000 espèces de plantes dépendent des colibris pour leur pollinisation.

D'un point de vue évolutif, l'adaptation est un phénomène passif et une espèce n'est capable de s'adapter que parce qu'elle est composée d'individus présentant tous d'infimes variations génétiques les uns par rapport aux autres. Lorsqu'une de ces différences facilite l'interaction d'un individu avec son milieu (par exemple, un bec un peu plus long qui permet d'aller chercher un peu plus de nectar au fond de la fleur ou une digestion plus efficace du nectar), il va bénéficier d'un avantage sur les autres. Cet avantage peut augmenter les chances qu'il survive, qu'il se reproduise et donc qu'il transmette son avantage à la génération suivante. Cette particularité va ensuite se répandre au sein de l'espèce qui finit par l'acquérir de génération en génération. Cette évolution adaptative peut être lente ou relativement rapide sous l'effet d'un changement brusque de l'environnment; il n'y a qu'à penser à la disparition de presque tous les dinosaures à l'exception des oiseaux qui, on le sait maintenant, sont des descendants des dinosaures.

Les cartes peuvent être agrandies en cliquant dessus.



À gauche, le nombre d'espèces de colibris qui nichent au Canada et aux États-Unis, par province et par état. On peut remarquer un gradient négatif du nord au sud et d'ouest en est. L'unique espèce qui occupe à elle seule la moitié orientale de cette région de l'Amérique est le colibri à gorge rubis. La seule espèce endémique aux États-Unis est le Colibri d'Allen; il n'y a pas de colibri endémique au Canada.


Au-dessous, le nombre d'espèces de colibris nichant dans les états du Mexique (à gauche) et dans les pays d'Amérique Centrale (à droite). Les îles caribéennes hébergent peu d'espèces, mais toutes sont endémiques de cette région à l'exception du Colibri à gorge rubis.
À droite, le nombre d'espèces de colibris nichant ou résidant en permanence dans les pays d'Amérique du Sud. La Colombie détient le record d'espèces observables (163) et le Pérou le record d'espèces endémiques (20).

Dans le cas des colibris et des plantes, il s'agit d'une véritable co-évolution qui bénéficie autant au colibri qui s'assure une source de nourriture en éliminant la concurrence d'espèces moins adaptées, qu'à la plante qui s'assure les services d'un pollinisateur et donc la pérennité de son espèce. 

Évidemment, quand on dépend des fleurs pour s'alimenter, on court le risque de manquer de nourriture quand la floraison est terminée. Pour pallier la période de disette, il faut donc diversifier ses sources d'approvisionnement locales ou déménager à la recherche d'autres fleurs. Les colibris font les deux dans des proportions variables selon leur degré de spécialisation pour les fleurs. Je ne rentrerai pas dans les stratégies qui sont adoptées par les différentes espèces d'une communauté de colibris pour se répartir les ressources d'un même territoire, mais c'est un sujet intéressant et complexe qui est étudié par les biologistes. Il est abordé en détail dans certaines des publications citées plus bas. J'aborderai juste la question des déplacements qui peuvent être un moteur d'expansion du territoire. Chez les colibris, les biologistes en ont répertorié quatre types:

1. Le déplacement non programmé ou dispersion. Ce type de déplacement imposé par le manque de ressources alimentaires  se fait au hasard, dans toutes les directions, sans connaitre la destination et sans retour au point de départ. Il est effectué principalement par les jeunes dont le rang hiérarchique et l'inexpérience limitent l'accès à la nourriture. Il existe des preuves de ces déplacements chez 49 espèces de colibris.

2. Les déplacements programmés, ou migrations, sont des déplacements réguliers et périodiques (généralement saisonniers) effectués par un groupe d'oiseaux de la même espèce qui connaissent leur destination et savent qu'ils vont revenir à leur point de départ à un moment donné. Ces migrations sont de trois types:

a. La migration altitudinale. Les oiseaux changent d'altitude selon la saison, sans dépasser un rayon de 10 km. On estime, bien que cela soit difficile à établir, que 87 espèces de colibris la pratiqueraient.

b. La migration latitudinale de courte distance qui correspond à un déplacement dans un rayon de 10 à 1000 km du lieu de nidification. Elle aurait été identifiée chez 42 espèces.  

c. La migration latitudinale de longue distance correspondant à un déplacement de plus de 1000 km. Elle concerne 29 espèces de colibris parmi lesquelles 13 espèces effectuent une migration  néarctique (vers le nord), 15 effectuent une migration australe et 1 espèce effectue une migration intratropicale (d'un tropique à l'autre). Le colibri à gorge rubis est le meilleur exemple de migrateur latitudinal et néarctique de longue distance. 

Si la quête de nourriture est un élément fondamental pour comprendre l'occupation du territoire par les colibris ainsi que leurs migrations, elle n'explique pas pourquoi on ne les trouve que sur le continent américain. Beaucoup d'autres familles d'oiseaux ont des représentants sur plus d'un continent, même si ces représentants ont évolué avec le temps pour former des espèces parfois très différentes d'un continent à l'autre. Par exemple, parmi les oiseaux de petite taille, on peut citer la famille des sittidés représentée par les sittelles à poitrine rousse et à poitrine blanche en Amérique du Nord et par la sittelle torchepot en Europe, ou la famille des paridés qui comprend, entre autres, la mésange à tête noire en Amérique du Nord et la Mésange charbonnière en Europe. Il y a aussi le cas plus rare des espèces que l'on retrouve sur plusieurs continents comme l'hirondelle rustique qui niche dans tout l'hémisphère nord ou le fameux Harfang des neiges, une espèce circumpolaire.

Pour expliquer l'isolement des colibris sur le continent américain, il faut aussi se plonger dans l'histoire de leur évolution. C'est une histoire que l'on comprend de mieux en mieux grâce à la paléontologie, à la géologie et aux nouvelles techniques d'analyse de l'ADN et que je raconterai dans le prochain article. 

Sources: