Un bain de mousse

Entre deux des racines qui rayonnent du bouleau, je veille jalousement au bien-être d'un tapis de mousse. Rien n'a l'autorisation de s'y établir, ni l'herbe-aux-écus du quadrant voisin, ni l'ambitieuse bugle rampante qui profite du moindre relâchement pour jouer au poutine de jardin.

Bien qu'elle se débrouille très bien toute seule pour étouffer toute tentative de colonisation, je l'aide parfois à faire la police dans l'espoir qu'un jour, elle couvre assez de surface pour pouvoir me rouler dedans.

Cultiver des mauvaises herbes

Je me souviendrai toujours de cette question de ma voisine à propos d'une fleur qui poussait dans son jardin: "Jean-François, est-ce que c'est une mauvaise herbe ?"

L'interrogation, simple en apparence, était pourtant complétement vide de sens pour moi et je bredouillais un "ça dépend" en attendant de trouver mieux et d'analyser la question. Qu'entendait-elle par mauvaise herbe ? Une herbe indésirable, une herbe sauvage, une herbe inutile, une herbe qui ne s'achète pas dans une jardinerie ?  

Si la fleur - je ne me souviens plus laquelle - avait attiré son attention, c'est qu'elle la trouvait plutôt jolie ou remarquable. Ce n'était donc pas une herbe complètement inutile, à moins que le plaisir que procure la contemplation ne soit pas utile. 

La trouvait-elle trop jolie pour être sauvage et gratuite ? Pas assez chère pour être conservée au milieu de la pelouse ? 

Quant à la nature indésirable de la plante, je ne pouvais pas répondre pour elle, le désir étant quelque chose de très personnel et pas toujours partagé. Par exemple, je cultive dans mon jardin un tas de plantes que beaucoup jugent indésirables comme entre autres des piloselles officinales, des épervières orangées, des salsifis, des asclépiades, deux pissenlits, une patience crépue et même un bouquet d'orties. 

La consoude du boisé

Cela fait maintenant une couple d'années que cette consoude s'est installée au bord du chemin. Elle doit son existence à l'aménagement du sentier; une graine dans le concassé, qui attendait le moment propice pour germer. 

Chaque printemps, je la guette. Avec le vieux saule et bien d'autres végétaux, elle me sert d'amer quand je navigue dans le boisé du Tremblay. Quand je la croise à gauche, je m'éloigne de la maison; à droite, je n'en ai plus pour longtemps avant de regagner le port.

Ce printemps, j'ai bien cru la perdre. Avec cette barrière que les promeneurs contournent par la gauche, j'ai vu son emplacement piétiné à la fonte des neiges, bien avant qu'elle ne paraisse. Si j'avais eu l'audace, j'aurais pu planter un écriteau: "Attention, consoude à venir, faites un détour". 

Mais bon, le geste ne suit pas toujours l'intention. Et puis, elle a fini par émerger du sol et j'ai compris que je n'étais pas le seul à la considérer et à l'apprécier. 

Mission accomplie

Je reviens tout juste d'aller confier mes épluchures de légumes, filtres à café, papiers déchiquetés et autres déchets d'origine végétale au composteur du jardin et, chemin faisant, j'ai trouvé qu'il régnait dans notre jungle un agréable parfum de vivre-ensemble-en-harmonie dont il a été difficile de se détourner. Les pivoines et le chalef y sont sûrement pour quelque chose.