Pain de perdrix, Mitchella repens, Squaw Vine


Couvre-sol des sous-bois du nord-est américain, sa nervure centrale vert pâle contraste avec le reste de la feuille et attire l'attention. Alors, on se penche et on remarque les fleurs ou les fruits; c'est selon la saison. Les fleurs, petites et blanches, valent la peine qu'on s'y attarde; au moins le temps d'admirer leur "barbe". Elles vont par deux et sont tellement proches que les fruits qu'elles deviendront, fusionnent en mûrissant.


Les fruits, ils sont peu nombreux. C'est probablement parce qu'ils sont très appréciés des oiseaux forestiers. D'ailleurs, ces derniers n'ont pas toujours été les seuls à s'intéresser à la plante. À une époque, qui n'est pas assez lointaine pour qu'on accepte de s'en souvenir,  les femmes amérindiennes, en particulier les Delaware/Lenape, les Cherokee et les Iroquoises/Haudenosaunee utilisaient les propriétés utérotoniques de ses feuilles et de ses fruits pour faciliter l'accouchement, pour soulager les douleurs menstruelles et pour provoquer l'avortement. La tradition s'est perpétuée parmi les colons européens.

Impatientes, henné et herbe à puce

Dans le monde, il y aurait entre 800 et 1000 espèces d'impatientes ou de balsamines. Au Québec, on en trouve deux (sans compter les espèces cultivées): l'impatiente pâle (Impatiens pallida) à fleur jaune munie d'un éperon coudé à angle droit et l'impatiente du Cap (Impatiens capensis) à fleur orange teintée de rouge et à éperon replié contre la fleur.
Les amérindiens les utilisaient contre les piqûres d'insectes, les "brûlures" d'ortie et d'herbe à puce. Il suffirait de broyer les parties aériennes et de les appliquer sur la peau.
Pourquoi pas ? Elles contiennent des naphtoquinones qui ont des effets anti-inflammatoires et fongicides. Dans l'impatiente du Cap, on trouve en particulier la 2-hydroxy-1,4-naphtoquinone, à peine mieux connue sous le nom d'acide hennotannique ou de lawsone. Mais si je vous dis que c'est l'agent colorant du henné, alors là tout de suite...
Impatiente pâle
La science s'est évidement penchée sur les effets thérapeutiques de l'impatiente du Cap, mais comme souvent est restée dans l'incertitude. Certaines études concluent à l'absence d'effets; d'autres que la plante est aussi efficace que le savon. Ce n'est pas si mal car il est plus facile de trouver des impatientes du Cap à côté de l'herbe à puce que du savon.

Impatiente du Cap

De feu et de glace

Les collines montérégiennes sont de véritables amers pour le voyageur venant de l'Estrie. Pour arriver à bon port au pied du Mont-Royal, il lui suffit de passer entre les monts Shefford et Brome, puis de laisser le mont Yamaska à sa droite pour se diriger entre les monts Rougemont et Saint-Grégoire. Il n'aura ensuite qu'à longer les monts Saint-Hilaire et Saint-Bruno.

Emprunté à: Les collines montérégiennes en 3D par Pierre Bédard 2001 - 2007
Ce chapelet de collines, qui barre la plaine du Saint-Laurent, se poursuit à l'ouest avec la colline d'Oka. Vers l'est, elles se perdent dans les sommets des Appalaches où seul le mont Mégantic se distingue encore par la nature de ses roches. Plus loin, elles réémergent aux États-Unis avant de se noyer définitivement dans la plaine abyssale de Sohm au large des côtes du Maine et de la Nouvelle-Écosse.


Certains vous diront que les montérégiennes sont les restes de vieux volcans. Une seule certitude: elles sont d'origine magmatique. Pour le reste, il aurait fallu que le magma jaillisse à la surface. Or, les montérégiennes n'ont pas toujours vu la lumière du soleil. En réalité, ce serait plutôt des plutons, c'est-à-dire du magma qui s'est infiltré dans la croûte terrestre et refroidi avant d'avoir pu atteindre la surface.
Il y a environ 230 millions d'années, le continent Pangée s'est divisé en deux pour donner naissance à l'océan Atlantique. La plaque de l'Amérique du Nord s'est alors séparée de l'Eurasie et s'est mise à dériver lentement vers l'ouest; un mouvement qui se poursuit aujourd'hui à la vitesse de 1,15 cm par an. Une centaine de millions d'années plus tard, un point chaud sous la plaque américaine produit une première infiltration de magma au dessous de ce qui deviendra Saint-André à l'ouest d'Oka. Si vous aviez pu marcher dans la région à l'époque, vous n'auriez probablement rien remarqué; tout se passait sous vos pieds sous 2000 m de roches sédimentaires.
Un point chaud est une colonne de magma plus chaud qui remonte régulièrement des profondeurs du manteau terrestre à des endroits particuliers sous la croûte terrestre. Quand le magma parvient à la surface, cela donne lieu à une activité volcanique. Ainsi, l'île d'Hawaï est la manifestation d'un point chaud situé au dessous de la plaque pacifique.
Tandis que la plaque nord-américaine continuait de flotter tranquillement vers l'ouest, l'activité du point chaud a diminué pour reprendre quelques milliers ou millions d'années plus tard au dessous de ce qui deviendra les collines d'Oka. Et ainsi de suite jusqu'à obtenir la série des collines montérégiennes.
Pour ce qui est de leur émergence, on la doit aux glaciers qui ont recouvert plus du tiers de l'Amérique au cours des deux derniers millions d'années.

Carte mondiale des inlandsis lors de la dernière glaciation
Par Hannes Grobe 23:06, 21 July 2006 (UTC),
Alfred Wegener Institute for Polar and Marine Research, Bremerhaven, Germany
translated by Sting [CC-BY-SA-2.5], via Wikimedia Commons
Le passage des glaces a arraché et raboté les roches sédimentaires de la plaine du Saint-Laurent, dégageant progressivement les roches métamorphiques et magmatiques des montérégiennes, plus résistantes à l'érosion.
Puis les glaciers se sont retirés. Il y 11000 ans, profitant de la fonte des glaces, les eaux de l'océan Atlantique ont inondé la vallée du Saint-Laurent pour former la mer de Champlain d'où émergeait le mont Saint-Hilaire, entre autres.
La vallée du Saint-Laurent et les terres alentours, soulagées du poids des glaciers ont commencé à remonter, repoussant l'océan Atlantique jusqu'aux côtes que nous connaissons aujourd'hui. Le phénomène se poursuit encore aujourd'hui et la baie d'Hudson continue à s'élever au rythme d'environ 60 cm tous les 100 ans.
En se promenant sur les montérégiennes, on peut voir les traces laissées par le passage des glaciers sur les affleurements rocheux. Elles prennent la forme de cannelures creusées par les roches charriées à la base du glacier.

Mont Rougemont




Mea culpa, mea maxima culpa

Voilà, on écrit pour l'internet et on oublie qu'on ne maitrise pas la destination et la portée des messages. Le billet précédent sur la salamandre cendrée était un acte mal réfléchi. Il est la démonstration qu'en voulant attirer l'attention sur le vivant et promouvoir la défense de l'environnement, on risque aussi de lui nuire; l'enfer n'est-il pas pavé de bonnes intentions ?.
Heureusement, j'ai peu de lecteurs et ce sont des personnes conscientes de leur impact sur l'environnement. Mais, comme je le disais plus haut, je n'ai aucune influence sur la portée du message. Alors dans le doute et selon le principe de précaution, je préfère m'abstenir ou rectifier.
Quel est le problème du billet précédent, billet dont j'ai changé le texte ? Débordant de l'enthousiasme de ma découverte, je donnais quelques trucs pour trouver des salamandres et donc les déranger. Finalement, j'incitais indirectement les lecteurs à faire aussi mal que moi.
Je dois préciser que je ne cherche pas à tout prix des salamandres, ni toute autre forme de vie d'ailleurs. Je suis curieux mais capable de réfréner ma curiosité. Mon plaisir se limite bien souvent à me promener et à anticiper quelle forme de vie j'ai le plus de chance de croiser en fonction de l'habitat que je fréquente. Savoir quel mammifère pourrait habiter dans le creux d'un arbre, quel oiseau pourrait chanter dans une forêt de conifères et quel batracien pourrait vivre sous cette latitude me suffit amplement. 
Mais pour ça, il faut avoir retourner des pierres, regarder dans le creux des arbres, appris à reconnaître les oiseaux, avoir lu, explorer, expérimenter, et même pécher des grenouilles, élever des escargots, des araignées et j'en passe. Alors, j'encourage tout le monde et surtout les enfants à en faire autant. La pire chose qu'on puisse faire à la nature, c'est d'ignorer sa présence.  

Salamandre cendrée, Plethodon cinereus, Redback Salamander

On se crée parfois sa propre prison. Par exemple les salamandres, j'avais fait une croix sur leur observation, me disant que si le hasard ne m'avait pas encore permis d'en voir, c'est qu'elles étaient plutôt rares et que l'effort n'en valait peut-être pas la chandelle. J'avais bien déjà soulevé quelques vieilles souches vermoulues et quelques pierres dans des boisés humides, mais sans succès. Ma blonde y croyait encore, moi plus trop. Je me contentais d'admirer, non sans jalousie, les observations des autres.


Mais voilà, on finit par rencontrer des personnes qui en ont vu. D'abord la conjointe d'un biologiste qui  raconte comment elle l'a accompagné dans des inventaires et qui vous explique quelques trucs pour les trouver. Et puis Sarah Noël , une généticienne qui a publié sur la salamandre et qui se montre surprise que nous n'en ayons pas encore vu, tant certaines sont abondantes. Alors, on se dit: "pourquoi pas nous ?" et on devient plus attentif.


Récemment, au cours d'une excursion dans les Cantons de l'Est, nous sommes tombés sur un panneau d'interprétation expliquant que la salamandre pourpre, une espèce rare au Québec, habitait les lieux; un signe supplémentaire. En poursuivant la promenade, nous trouvons des vieilles planches livrées aux mousses et aux champignons, restes de la construction mal planifiée d'une passerelle. En en soulevant une, pour vérifier son état, nous voyons quelque chose bouger...Un ver ? Étrange, il y a comme une tête. On regarde de plus près et on voit des pattes. Surprise, une salamandre. Surprise en effet, car, mal documentés et restés sur l'impression laissée par la découverte d'un cadavre de salamandre maculée quelques années auparavant, nous cherchions quelque chose de plus gros.

    
La salamandre cendrée fait partie de l'ordre des urodèles qui regroupe les salamandres, les nectures et les tritons. Au Québec, on compte une seule espèce de necture (famille des protéidés), une seule espèce de triton (famille des salamandridés), 8 espèces de salamandres (famille des ambystomatidés et des pléthodontidés) et des salamandres hybrides entre la salamandre de Jefferson et la salamandre à points bleus qui forment le complexe de la salamandre de Jefferson. Certaines espèces sont douées d'autotomie, c'est-à dire que leur queue ou une partie de celle-ci se détache spontanément du corps quand on exerce une pression dessus; un excellent moyen d'échapper à un prédateur.
La salamandre cendrée fait partie de la famille des pléthodontidés, qui sont dépourvus de poumons et qui respirent par le palais et par la peau. C'est l'une des plus abondantes au Québec. Elle ne dépasse pas les douze centimètres et peut prendre des colorations tellement variées qu'il vaut mieux se fier à son ventre grisâtre pour l'identifier.     

Clématite de Virginie, Clematis virginiana, Devil's Darning Needles

Aussi belle en graines qu'en fleurs, Marie-Victorin la dit générale au Québec. Jusqu'à celle-là, je ne l'avais vu que dans le parc du Mont-Tremblant (Laurentides). Quant au spécimen de la photo, nous venons de le trouver au pied du Mont Saint-Bruno sur un chemin que nous fréquentons pourtant régulièrement. La clématite était dans son habitat: en lisière, au bord d'un fossé encore très humide malgré la sécheresse ambiante. Cétait le seul exemplaire.
J'ai lu quelque part que la médecine populaire nord-américaine l'utilisait entre autres pour soigner les plaies et les coupures. Étonnant car sa cousine européenne, la clématite des haies (Clematis vitalba), qui lui ressemble beaucoup, fait tout le contraire. Dans le but d'inspirer pitié aux passants, les mendiants s'infligeaient des plaies ou des marques sur la peau en se frottant avec sa sève irritante; d'où le nom d'Herbe aux gueux qu'on lui a donné et qui s'est transporté au Québec pour désigner la clématite de Virginie.