Faucon émerillon, Falco colombarius, Merlin


Cela fait une quinzaine de jours que madame Émerillon s'est installée dans le quartier. En l'observant discrètement à travers nos fenêtres, nous avons fini par percer un de ses secrets: elle a le don d'arrêter le cours du temps.
Il n'y a aucun doute. Chaque fois qu'elle vient se percher dans le jardin, tout ce qui vit alentour se fige instantanément. Même nous, ne sommes pas insensibles à sa magie et nous nous étonnons de son emprise  quand, d'un battement d'ailes, elle brise le charme et nous rend notre liberté de mouvement. L'écureuil semble le seul à être capable de s'arracher à son pouvoir pour regagner au ralenti son abri dans le bois.
Je comprends mieux maintenant pourquoi les anglais l'appelle "merlin".

Chouette lapone, Strix nebulosa, Great Grey Owl


Ouf, l'hiver ne passera pas sans que nous n'ayons vu une chouette lapone. Tous les quatre ans à peu près, elles descendent plus nombreuses dans le sud du Québec. C'est leur année, il faut en profiter.
Son petit air de croqueuse d'enfant ne laisse personne indifférent. Bien qu'elle soit  la plus grande de sa famille, elle n'occupe pas le sommet de la chaine alimentaire qu'elle cède au Grand-duc d'Amérique, plus puissant. Chez les strigidés, l'esprit de famille n'est pas très développé et le plus gros mange le plus petit.
Je l'ai toujours observée dans des forêts matures à proximité d'un marais, soit se reposant en lisière perchée à mi-hauteur d'un gros arbre, soit chassant à découvert perchée sur un gros arbre mort au milieu du marais. 
Celle-là, découverte lundi dernier, n'a pas dérogé à la règle.
Il faut avouer que nous avons été aidés par des photographes. Avec l'avènement et la démocratisation de la photo numérique, faire de l'ornitho est devenu plus facile. Avant, pour trouver des chouettes, il fallait avoir une certaine connaissance de leur habitat et de leur mode de vie. Pour espérer en observer une, il fallait arpenter les sous-bois à la recherche d'indices de leur présence:  fientes, pelotes de régurgitation, cri d'alerte des corneilles ou des mésanges qui les avaient repérées. Aujourd'hui, il suffit de chercher des photographes et de regarder dans la direction des objectifs.
Difficile la vie d'une chouette à l'ère du numérique. Deux photographes au milieu de son terrain de chasse, c'est un peu comme si on postait un ours à l'entrée de votre épicerie. On angoisse, on s'agite, on dépense de l'énergie et on change d'épicerie, pour s'apercevoir que là aussi il y a un ours devant l'entrée. Au bout du compte, on mange moins.
Je vous parlerai un autre jour des ruses de photographes peu scrupuleux telles que l'appâtage avec des souris d'élevage tenues au bout d'un fil pour être sûr d'avoir un cadrage correct ou la diffusion répétitive d'enregistrement de chants d'oiseaux sur le territoire de reproduction au risque de faire abandonner la nichée.