Last call

Bourdon fébrile

Au jardin, les actées à grappes (Actaea racemosa) sont les dernières à fleurir. Le bal est ouvert par une variété horticole dont j'ai oublié le nom, mais qui se caractérise par ses organes chlorophylliens (tiges, feuilles et sépales) teintés de rouge. La sauvage, entièrement verte et native d'à peine plus au sud (nord des États-Unis et Ontario), lui emboîte le pas et ne parvient à fleurir que depuis quelques années seulement. Il y a 5 ou 6 ans, peut-être, les boutons étaient fauchés par les premiers gels.

Ce signe supplémentaire du réchauffement climatique n'est pas pour déplaire aux butineurs, même si cette oasis de nectar les oblige à une certaine promiscuité.

La version sauvage de l'actée à grappes attend son tour
La guêpe à taches blanches
Polistes fuscatus
La guêpe commune
L'abeille domestique

Feu l'humanité

Le jardin Daniel A. Séguin (Saint-Hyacinthe, Québec) est un endroit où il fait bon se promener, même pendant la seconde moitié de l'été. J'ai beaucoup aimé sa démonstration de toit végétalisé et la perspective qu'il propose d'une humanité devenue fantôme. 

Le goût de l'été

Le boisé des douze, à Saint-Hyacinthe, a toujours autant à offrir aux visiteurs. Cette fois, il nous a permis d'observer des physostégies de Virginie que je n'y avais vu auparavant. Ces fleurs de la famille des lamiacées sont suffisamment rares au Québec pour être susceptibles d'être désignées menacées ou vulnérables. Ont-elles été introduites ou sont-elles spontanées ? 

Il y avait aussi ces Argus bleus, des papillons européens qui ont été introduits accidentellement dans la région de Montréal au début des années 2000.

Et puis tous ces fruits qui donnent à l'été cette saveur sucrée ou acidulée selon ce à quoi l'on goûte.

Les premières observations de ce papillon européen ont été faites en 2005 autour de l'aéroport de Mirabel.  
De vraies pommes "bio"
Les fruits du rosier: excellents à condition de ne pas croquer trop en profondeur à cause des nombreuses graines 
La ronce odorante et sa framboise
Et le pimbina trop âpre avant les premières gelées

Biodiversité intérieure

Ce matin au réveil, il y avait cette rainette crucifère dans la fenêtre de la cuisine et, dans l'évier, cette étrange créature que iNaturalist identifie comme une Scutigère véloce. Je l'ai découverte après que ma blonde eut crié "il y a une bête dans l'évier" et, effectivement, j'ai eu du mal à la capturer pour la relâcher dehors, tant elle est véloce. Selon wikipédia, c'est un animal lucifuge et hygrophile (ça sonne bien), ainsi qu'un redoutable prédateur qui n'hésite pas à s'attaquer aux araignées. Ayoye, on vit dangereusement. 

Bon, c'est pas tout ça, mais j'ai de la céramique à poser.



Avec ou sans

Le matin, je conduis ma blonde à son arrêt de bus pour Montréal et, chaque fois, notre regard est accroché par une incongruité le long du trottoir, pour ne pas dire une aberration. C'est un lieu obscur et sans vie, où toute surface organique a été artificialisée, minéralisée et imperméabilisée, et où même les plantes contenues dans les deux pots sont en plastique.

Ce style d'aménagement paysager est très populaire et répandu en Allemagne. Il commence d'ailleurs à y être interdit dans certaines régions, car il contribue à créer des îlots de chaleur, sans parler du ruissellement des eaux de pluie qui vont engorger les égouts et de l'atteinte évidente à la biodiversité, aussi graminoïde soit-elle.

Heureusement, ces jardins de pierre restent une exception à Longueuil qui est plutôt une ville verte et arborée, comme beaucoup de villes au Québec.  

Une nouvelle espèce au jardin...

Et pas n'importe laquelle puisqu'il s'agit d'un troglodyte de Caroline. Cette espèce peu commune au Québec qui correspond à la limite nord de sa distribution sur le continent semble vouloir s'installer et s'étendre dans le sud de la province depuis quelques années. Depuis ce matin, il vient se promener sur la terrasse et nous fait tout un concert.

Avec le couple de gobemoucherons gris-bleu qui a niché l'année dernière, mais que l'on n'a pas revu depuis l'abattage des frênes morts et le concert des tronçonneuses, et avec les mésanges bicolores présentes depuis 3 ans, le boisé du Tremblay prend des allures de refuge pour les oiseaux rares du Québec.

Milieu hostile

Ce paysage de houblon, de clématite et de cannas en fleurs ressemble à un paisible jardin du 450, mais il ne faut pas se fier aux apparences: c'est un milieu hostile...pour les rainettes qui passent par là.

L'attente a porté fruit

Il s'est écoulé 64 jours entre ces deux photos du Cerisier de Virginie qui pousse derrière la clôture.


 

Des airs de changement climatique

En ce moment, nous sommes dans les rénovations, ce qui explique en grande partie mon manque d'assiduité à l'écriture de ce carnet. Nous refaisons la cage d'escalier : 22 marches, le double de barreaux de garde-corps et 4 mains courantes à décaper (vernis et teinture), 22 contre-marches de céramique à décoller et à remplacer par un plaqué de bois, le plancher de trois paliers à arracher et après, il faudra peindre. La remise à zéro achève et ce matin, aussitôt déjeuné, je me suis mis à l'arrachage du plancher du dernier palier. 

Midi a sonné, je suis allé prendre une douche bien méritée avant de manger et je me suis alors aperçu en passant devant la chambre que le lit n'était pas fait. Pourquoi l'aurait-il été ? À la maison, c'est moi qui m'en occupe, ma blonde comptait sur moi et, moi, j'avais remis à plus tard, juste avant d'oublier.

Et c'est exactement ce qui se passe avec le changement climatique : on ne veut rien changer à nos habitudes, on compte sur les autres pour faire ce qu'il faut et on remet à plus tard ce qui doit être fait. Mais de la même façon que le lit ne se fera pas tout seul, les températures ne s'arrêteront pas de monter d'elles-mêmes.

Des orig(i)naux

Il y a quelques jours, nous campions, ma blonde et moi, au parc national du lac Témiscouata. C'était hors saison et en semaine, la meilleure période quand on n'aime pas partager la nature avec n'importe qui. Il y avait quelques-unes de ces mouches minuscules que l'on appelle mouches noires ou brûlots et qui vous laissent en remerciement de leur repas une goutte de sang, une belle enflure et des démangeaisons à n'en plus finir. C'était le prix à payer pour obtenir cette tranquillité que l'on ne trouve que loin des routes et des habitations.

Ce fut l'occasion d'apprendre que Grey Owl avait séjourné dans le parc, quand il n'en était pas encore un, dans une cabane au bord du lac à foin. Ce fut aussi l'occasion d'une rencontre inhabituelle avec trois orignaux. Ce n'était pas la première fois que nous croisions le chemin d'un orignal, parfois au sens littéral de l'expression. Toutefois, nos rencontres précédentes s'étaient toujours déroulées entre chien et loup, tôt le matin ou tard dans la journée, et n'impliquait qu'un seul individu ou une mère et son veau.

Cette fois-ci, nous étions en tout début d'après-midi et ils étaient trois. Nous marchions sur la rive du Grand lac Touladi, là où il donne naissance à la rivière Touladi. Invisibles pour eux et marchant en silence, nous les avons vus sortir du bois sur l'autre rive, relativement proche à cet endroit; Grey Owl aurait pu dire qu'elle était à portée de flèche. Ils donnaient l'impression de vouloir traverser et nous sommes descendus sur la rive pour les filmer tout en nous signalant à eux. Je ne m'y connais pas assez en orignal pour expliquer l'association de ces deux mâles et de cette jeune femelle en cette saison (sur la vidéo ci-dessous, vous remarquerez les bois naissants des mâles et la tache vulvaire blanche de la femelle). En revanche, j'ai pu constater de mes propres yeux que la réputation de bon nageur de l'orignal n'était pas surfaite. Je ne suis pas sûr d'avancer aussi vite en canoe.

Mouette de lac

Si les mouettes sont généralement associées au milieu marin, certaines peuvent se voir ailleurs. C'est le cas de la Mouette de Bonaparte qui niche dans les épinettes de la forêt boréale, autour d'un lac ou d'un marais. 

Aussi, ne soyez pas surpris si, comme moi, vous en observez une en compagnie de trois orignaux, sur le Grand lac Touladi du parc national du Lac-Témiscouata, au cœur des Appalaches.

Une grande mouette (la tâche noire derrière l'œil) avec un bec noir et des pattes roses suggère une mouette de Bonaparte. Si elle n'a pas la tête noire, c'est qu'il s'agit d'un adulte en dehors de la période de nidification ou d'un immature. Le brun dans les ailes et le mois de juin oriente vers un immature. 

Maîtres-composteurs

Le raton laveur de cette nuit a fait le tri et n'a laissé que la peau d'orange, les filtres à café et les tulipes fanées. 

J'ai le privilège d'avoir un jardin; j'ai donc un composteur. Cette relation de cause à effet, simple et utile à plus d'un égard, est pourtant beaucoup moins répandue que d'autres plus discutables sur le plan environnemental ou économique comme : "j'ai un jardin, donc j'ai une piscine" ou "j'ai un jardin, donc j'ai une tondeuse".

Ce composteur me permet de réduire énormément les quantités de déchets d'origine végétale (fruits, légumes, rebuts de jardin, papier, essuie-tout et mouchoirs) que je confie à ma ville et de nourrir le jardin, contribuant ainsi à une espèce de cercle vertueux.

C'est un composteur que j'ai construit avec des restes de planches (voir ici) et que je referai plus simple et pratique quand il sera temps. Par exemple, je l'ai doté d'un couvercle qui s'avère inutile avec le recul. Aujourd'hui, je préfère laisser la pluie humecter le compost et les ratons laveurs venir se nourrir dedans, participant ainsi à son aération en fouillant les déchets. Je l'ai aussi fait plus haut que large; ce qui ne facilite pas la manipulation de son contenu. En fait, j'aurais dû faire comme mon grand-père: un trou rectangulaire dans le sol, entouré de quatre planches, dans un coin du jardin.    

J'ai beau ne pas avoir l'autorité et les compétences d'un maitre-composteur européen, tout fonctionne très bien, sans autre odeur que celle de l'humus et à une vitesse qui me surprend parfois, pourvu que les températures soient positives. Il faut dire qu'il grouille de travailleurs: lombrics; cloportes, mille-pattes et autres créatures invisibles à l'œil nu. 

Signe de vie

Même si ce n'est pas agréable à ramasser, un bac de déchets organiques renversé sur le bord de la route est un indice de la présence des ratons laveurs qu'il me fait toujours plaisir de relever.

Indigènes de l'ombre

Dans un jardin, il y a toujours un coin de clôture, un bord de cabanon, un dessous de patio ou un pied d'arbre qui ne voit jamais le soleil. Habituellement, on y plante des hostas, ces espèces de grosses laitues vivaces originaires des pays du soleil levant, du muguet de mai que l'on finit par arracher quand il devient envahissant ou du gazon que l'on resème chaque année parce qu'il refuse obstinément les soins palliatifs qu'on lui prodigue. 

Ce fut le cas dans notre jardin avant que nous décidions, pour le bien de notre environnement, de réintroduire des autochtones. Ainsi, au fil des années, sous un micocoulier parti d'une graine, la Violette du Canada, l'Asaret du Canada, l'Actée rouge, l'Arisème petit-prêcheur et la Tiarelle  stolonifère se substituent progressivement aux hostas, dont j'ai arraché l'avant-dernier pied, l'automne passé.

Comme je retrouve des spécimens à des endroits où je ne les avais pas plantés, je suppose que ces introductions plaisent à la faune locale qui se charge de propager les graines. À ce propos, comme chaque année, j'ai encore arraché quelques jeunes plants de chênes que l'écureuil gris avait semé en prévision de l'hiver. J'irai bien les planter dans le bois, mais dès que mon voisin me voit me pencher derrière ma clôture, il sort avec son appareil photo et se met à m'aboyer des gros mots.     

Au jardin, lorsqu'on échappe un chapelet de graines, on se retrouve rapidement avec un paquet de petits-prêcheurs qui prônent la reconversion au sauvage.  
Qui aurait cru que la violette du Canada pouvait être une plante envahissante ? 
Après avoir failli disparaître sous un bombardement de pesticides sur la pelouse du voisin, la talle de gingembre sauvage s'est finalement reconstituée. 
L'actée n'affiche son rouge qu'en été, lorsque ses fruits sont mûrs. Le reste du temps, elle est blanche et/ou verte.
La délicate tiarelle gagne un peu plus de terrain chaque année, mais elle est encore sous surveillance, car la compétition est rude.  

Une indigène de plus

Ça y est; ma patience est récompensée. Les graines d'Ancolie du Canada (Aquilegia canadensis) ont enfin fleuri. C'est une nouvelle espèce indigène au jardin et elle a l'air de se plaire sous le pimbina en compagnie des trilles et des violettes. Il n'y a plus qu'à surveiller la matteucie fougère-à-l'autruche qui a tendance à se répandre et à déménager la barbe de bouc qui n'est pas une indigène.

Les plantes laticifères

Les plantes laticifères sont appelées ainsi parce qu'elles produisent du latex. Il y en a beaucoup, mais la plus célèbre est certainement l'hévéa (Hevea brasiliensis) qui produit le caoutchouc.

L'arbre appartient à une famille spécialisée dans la production de latex, celle des euphorbiacées. Couper n'importe quelle plante de cette famille et vous verrez suinter une substance plus ou moins épaisse, colorée ou non, qu'il ne faut pas confondre avec de la sève. Pour le prouver, je suis allé torturer deux espèces d'euphorbes tropicales que j'entretiens à la maison: la Couronne-du-christ (Euphorbia milii) et l'euphorbe arborescente (Euphorbia ingens).

Euphorbia milii à gauche et Euphorbia ingens à droite et ci-dessous
Euphorbia milii

Il existe d'autres familles productrices de latex. Prenez l'exemple des papavéracées dont certaines espèces sont même cultivées pour ça. Si je vous dis Papaver somniferum, cela ne vous évoquera peut-être rien, mais si je vous parle de pavot somnifère et d'opium... Et ce n'est pas la seule espèce. Tous les pavots produisent un latex aux propriétés plus ou moins planantes (les pharmacologues préfèrent dire analgésiques ou sédatives), même le coquelicot (Papaver rhoeas). 

Papaver orientale est un pavot à latex blanc que l'on peut trouver dans les jardins québécois.

Et puis dans cette famille, il n'y a pas que le genre Papaver. Il y a aussi Sanguinaria avec son unique espèce à latex orange, la sanguinaire du Canada, et Chelidonium dont fait partie la grande chélidoine (Chelidonium majus) que l'on peut trouver en ville dans les terrains vagues.   

La sanguinaire du Canada était utilisée comme plante médicinale et comme teinture par les Amérindiens. Jusqu'à ce que l'on soupçonne récemment que la sanguinarine puisse causer un risque de lésions cancéreuses de la bouche, cet alcaloïde produit par la plante était un ingrédient de certains rince-bouches et dentifrices contre la plaque dentaire.
La chélidoine produit un latex jaune qui a la réputation d'éliminer les verrues.

Il existe aussi des plantes à latex qui n'appartiennent pas à des familles exclusivement laticifères. C'est le cas des astéracées qui comptent des plantes à latex comme le pissenlit ou la laitue, et des plantes sans, comme la marguerite, la camomille, et beaucoup d'autres. 

Le latex blanc de la laitue sauvage (Lactuca virosa) est sédatif à petites doses et hallucinogène à doses plus fortes. La laitue de table aurait aussi quelques propriétés sédatives, mais l'indigestion est atteinte bien avant de s'endormir. 
Le pissenlit produit un latex blanc comme le montre la fleur coupée du centre. Il a aussi de nombreuses propriétés médicinales dont celle d'irriter les banlieusards.   

Addendum: En écrivant ce mot sur les plantes laticifères, je viens de m'apercevoir qu'il y en avait justement une à côté de mon bureau. Tout le monde aura reconnu un ficus, un genre laticifère qui appartient à la famille des moracées.; je ne sais pas si toutes les moracées produisent du latex et j'ai passé suffisamment de temps sur le sujet pour ne pas aller chercher la réponse. À vous de jouer !