Propager la bonne parole

Un jour de fin d'été ou d'automne, je fis la rencontre d'un prêcheur. Il était là adossé à une vieille souche, égrenant son chapelet dans le silence de la forêt. Gagné par sa ferveur, je m'approchai et m'inclinai, curieux et respectueux. Il se mit alors à parler d'obscurité et de froid à venir, me tendit quelques perles écarlates et m'assura de jours meilleurs si je les gardais enfouies au plus profond de mon jardin.
De retour à la maison, je m'éxécutai non sans un certain scepticisme et cherchai l'emplacement idéal pour enterrer les reliques. 


L'hiver passa, j'oubliai. Je ne sais plus combien d'hiver se succédèrent ensuite, peut-être deux, peut-être trois. Toujours est-il quand ce printemps de grâce 2014, la prophétie se réalisa. En me promenant dans le jardin, je remarquai une dizaine d'Arisaema triphyllum , grimpés dans leur chaire et se préparant à convertir les visiteurs.

         

Une virée chez Marguerite

C'était une belle journée pour assister au réveil de Marguerite d'Youville à sa résidence de l'île Saint-Bernard, dans le sud de Montréal.
À peine la porte passée, la vocation de refuge faunique du lieu s'affiche dans toute sa beauté-n'est-pas-le-mot avec un monument dédié au martinet martyr. Cette cheminée artificielle est la dernière invention de l'homme pour tenter de sauver le martinet ramoneur. Avant lui (je parle de l'homme), l'oiseau nichait dans les gros arbres creux des forêts matures. Puis vint le défrichement, la construction des navires anglais et la révolution industrielle qui portèrent un dur coup aux arbres et à leurs habitants. Les martinets s'adaptèrent. "Vous coupez mes arbres, j'utiliserai les cheminées de vos usines" se dirent-ils.
Mais à la révolution industrielle succéda la lutte des classes, le syndicalisme et les droits des masses laborieuses. Les "héritiers" trouvèrent rapidement la parade. Inutile de faire preuve d'une grande intelligence, il suffit d'appliquer des vieilles recettes: le bâton et la carotte. Ils inventèrent les congés payés, le hockey, le foot, la télé et déménagèrent leurs usines plus loin, beaucoup plus loin. Les cheminées, symboles de l'exploitation furent rasées et le martinet avec. C'en fut trop pour lui. Plus d'arbres, plus de cheminées, une Chine trop loin, il ne lui restait plus qu'à disparaître. Heureusement un groupe d'écolos décida qu'il fallait sauver le martinet ramoneur et se mit à lui construire des forêts de cheminées. 

 
C'est un peu plus loin que les oiseaux nous tombèrent dessus; d'abord des parulines jaunes (partout), des orioles de Baltimore (plein), des "Cardinal rose" (en veux-tu, en voilà), une crécerelle en train de dévorer une couleuvre, une gang de canards branchus, etc. etc., mais aussi des couleuvres rayées (énooooormes) et 2 moustiques.
Vers le bout de l'île, au fin fond de la forêt, après avoir longé le fleuve et traversé un marécage, nous découvrîmes les ruines d'une vieille forteresse cathare. En tout cas, vu de près, il y avait du Montségur dans l'architecture. Bizarre, je ne savais pas que les chevaliers avaient fui la persécution en Amérique, pavant ainsi la voie aux nombreux autres. 


En relevant les yeux, la méprise fut révélée. Il s'agissait bien d'une forteresse tombée aux mains de l'ennemi, mais il n'avait probablement fallu qu'un seul homme pour abattre ce vieux chêne bicolore.


D'autres avant nous étaient passés par là et avaient été émus eux aussi par le spectacle; des poètes à n'en pas douter


"Le jour où tu seras décomposé
Plusieurs d'entre nous y seront passés..."




 

Champignonnistes


Enfant, je les regardais à la fois fasciné et un peu inquiet dans les documentaires animaliers à la télé. Je ne pensais pas alors que j'aurais le plaisir d'observer des fourmis champignonnistes sur leur terrain. La première fois, c'était dans les ruines mayas de Chichen Itza au Mexique, dans un décor spectaculaire. La deuxième, c'était il n'y a pas très longtemps au Texas; la surprise fut moins grande mais le spectacle tout aussi impressionnant.



La première chose que l'on remarque, ce sont des feuilles bien vertes qui se déplacent à une vitesse inhabituelle pour des feuilles et selon une trajectoire trop rectiligne pour n'avoir que le vent comme seul moteur. Alors inévitablement, on s'incline intrigué par ce défilé végétal et, en se rapprochant, on découvre que les feuilles sont portées par des fourmis. Le trafic est si intense qu'à l'instar d'Attila et de ses Huns, là où passent les fourmis, rien ne pousse. D'abord on s'émerveille devant le spectacle, puis l'interrogation s'impose, même à l'esprit du moins curieux: "pourquoi ?"


La raison de ce trafic est que ces fourmis, aussi appelées coupeuses de feuilles, sont des agricultrices. Elles cultivent un champignon dont elles se nourrissent et, pour le faire pousser, elles utilisent des fragments de feuilles fraîchement découpés comme substrat. Il existe une quarantaine d'espèces de ces fourmis, réparties dans deux genres: les Atta et les Acromyrmex. Ici, on peut supposer (rien n'est moins sûr) qu'il s'agit de Atta texana car nous sommes au Texas.
Ces fourmis ne cultivent pas n'importe quel champignon. Dans le cas des Atta, c'est souvent un basidiomycète du genre leucocoprinus. Elles l'entretiennent soigneusement, n'hésitant pas à changer de substrat végétal quand il ne semble pas convenir à leur cultivar. Elles le défendent aussi contre les maladies en entretenant des bactéries qui leur fournissent des antibiotiques. Cultiver les champignons est un vrai travail de fourmi. Évidemment, lorsqu'une une jeune reine part fonder sa nouvelle colonie, le champignon fait partie de la dote de la mariée.


Ces fourmis vivent sous terre. Toutes ne le font pas; certaines construisent des dômes avec des matériaux ramassés alentours, d'autres vivent dans les arbres et quelques unes comme les fourmis légionnaires s'entassent les unes sur les autres pour abriter la reine. Les attas du Texas, elles, se contentent de rejeter les résidus d'excavation autour du nid, édifiant par là même un ensemble de terrasses imbriquées les unes dans les autres.  

  

 

Sturnelle des prés, Sturnella magna, Eastern meadowlark


Inutile d'aller bien loin pour en voir, quand on habite dans le sud du Québec. Il suffit de s'écarter un peu de la ville et de surveiller les oiseaux perchés sur les fils électriques ou sur les poteaux de clôture au bord des champs. 
Difficile aussi de se tromper dans son identification. La sturnelle des prés ne ressemble à rien d'autre qu'à la sturnelle de l'ouest, qui comme son nom l'indique, vit plus à l'ouest (de l'Ontario jusqu'en Colombie Britannique).
Là où les aires de distribution se chevauchent (le sud de l'Ontario pour le Canada) et où il est possible de rencontrer un égaré (le sud du Québec pour la sturnelle de l'ouest), le chant est un bon moyen de les discriminer, car, comme il se doit, elle ne parle pas la même langue. 
Je vous suggère d'aller les écouter sur xeno-canto, une audiothèque de chants d'oiseaux du monde entier, très bien faite: vous trouverez le chant de la Sturnelle de l'ouest ici (par exemple, le deuxième par Eric DeFonso, XC172625); à comparer avec celui de la sturnelle des prés (par exemple, le troisième par Eric DeFonson, XC172959). 

La danse de l'aigrette


Le bec des oiseaux en dit long sur leur art de se nourrir et leur façon.
Bec fort, effilé et long, chez les hérons, on pêche au harpon.
On n'hésite pas à se mouiller et, les pieds dans l'eau sans bouger,
On surveille du haut de ses échasses qu'une grenouille ou qu'un poisson passe.
Mais l'aigrette roussâtre fait exception; il lui faut de l'action.
Alors, elle court après sa pitance, l'entraîne dans sa danse.
Et juste avant de la cueillir, pour ajuster son tir,
Elle déploie ses ailes en une ombre mortelle.


Abeilles en difficulté

Depuis que le printemps est arrivé (faut le dire vite !), je sors surveiller l'arrivée des mes abeilles charpentières. L'installation de l'abri a été un succès et, chaque année, elles reviennent plus nombreuses. On a même créé des liens et quand je m’assois dans les marches pour boire mon café au soleil, elles viennent parfois se réchauffer sur mes genoux. 
Cette année, je les trouvais apathiques. Il est vrai que la température et la pluie n'aident pas. Vol lourd, souvent posées au sol, essayant de prendre de la hauteur en grimpant le long des brins d'herbes, bref un comportement inhabituel. En m'approchant pour voir ce qui n'allait pas, j'ai tout de suite remarqué que le thorax et une partie de l'abdomen étaient recouverts d'une pruine brunâtre. Je me suis alors immédiatement souvenu des images d'insectes infectés par des champignons que m'avaient montré un ami et collègue biologiste, Olivier Peyronnet pour ne pas le citer.
J'ai donc cherché de ce côté-là et, en développant les photos, je me suis rendu compte qu'il devait plutôt s'agir d'acariens. Cela n'augure rien de meilleur pour mes pauvres abeilles, car ce sont des hématophages qui finissent par les tuer. Jusqu'à présent, toutes celles que j'ai vu étaient infestées de parasites