Entre deux gros orages, nous nous sommes glissés jusque dans le boisé du Tremblay, juste pour ramener quelques témoignages de sa biodiversité. Il faisait chaud et humide, et malgré tout, nous n'avons pas vu l'ombre d'un moustique; étrange.
Grande famille que celle des rosacées. Avec plus de 3000 espèces, il y en a forcément pour tous les goûts.
Les poètes préfèrent la rose, qui ce matin avait déclose. Les gourmands ont l'embarras du choix: abricot, amande, amélanche, cerise, coing, fraise, framboise, mûre, nèfle, pêche, plaquebière, poire, pomme ou prune.
De la rampante à l'arbre, il y en a à tous les étages et dans tous les quartiers, du jardin royal au terrain vague. Il y en a même qui soignent, comme l'aubépine réputée contre l'insuffisance cardiaque légère, l'ansérine, la tormentille, la sanguisorbe qui arrête les hémorragies (tout est dans le nom), sans oublier la reine-des-prés, de laquelle on a extrait l'aspirine quand le saule ne suffisait pas.
Potentille ansérine: une rose des terrains vagues, qui soigne
Une crécerelle d'Amérique est venue se percher dans le jardin. Ce petit rapace diurne, à peine plus gros qu'un merle, aime les espaces ouverts. Jusque dans les années 70, il régnait en maître dans les campagnes québécoises où il était fréquent d'observer le vol stationnaire de la crécerelle en chasse. Aujourd'hui, les doigts d'une seule main suffisent à compter mes observations de la crécerelle au cours d'une année. Une autre victime de l'agriculture industrielle.
Du sommet du mont Saint Hilaire, on aperçoit le centre-ville de Montréal adossé au Mont-Royal et, entre les deux, le mont Saint-Bruno.
À une trentaine de kilomètres de Montréal à vol d'oiseau, le mont Saint-Hilaire est une de ces collines montérégiennes qui émergent de la vallée du Saint-Laurent. Le lieu est en grande partie protégé par un statut de réserve naturelle en milieu privé et sa valeur écologique lui a valu le titre de réserve de la biosphère par l'UNESCO. C'est aussi un endroit très tendance pour aller faire son jogging, moyennant les 8 $ du droit d'entrée.
Aussi, choisir de monter au sommet un samedi est une mauvaise idée si vous êtes plus intéressés par l'observation de la nature que par les conversations rarement feutrées des promeneurs.
Heureusement, la réserve est grande et en nous enfonçant dans la forêt par les sentiers les moins fréquentés, nous sommes finalement arrivés dans le domaine de la fée des bois. Un brin facétieuse, elle s'est mise à imiter le "tchic urrr" d'un piranga écarlate, sachant que nous ne résisterions pas à l'envie de le voir. En nous approchant et en relevant la tête pour essayer de trouver l'oiseau, notre regard a croisé un nid de guêpes qui s'est révélé être une chouette rayée. Plus loin, nous avons trouvé le prince charmant, que ma blonde a refusé d'embrasser, et une coiffe abandonnée par un lutin.
Vraiment, le lieu n'a rien perdu de sa magie.
Les fabacées, que l'on appelle des légumineuses quand elles nous donnent leurs graines à manger, sont en fleurs dans le boisé. À part celles des photos, il y avait aussi du trèfle blanc (ou rampant) et du trèfle rouge (ou des prés). Ce dernier, comme plusieurs autres fabacées, contient beaucoup de phytoestrogènes qui soulagent, dit-on, les symptômes de la ménopause.
Une histoire court dans le monde scientifique racontant que ces molécules très ressemblantes aux œstrogènes des animaux, bien qu'elles n'aient pas la même origine biochimique, auraient été inventées par les plantes fourragères pour limiter la natalité de leurs prédateurs, les herbivores. Pourquoi pas ? L'hypothèse est satisfaisante pour l'esprit, mais elle reste ce qu'elle est.
Trèfle hybride
Mélilot blanc
Mélilot jaune ou officinal: celui-là est sédatif et tonique pour les parois veineuses.
De passage à Amsterdam (Pays-Bas) en provenance de Montréal (Canada), ma première grande surprise en déambulant dans les rues a été de constater que les Amstellodamiens avaient réussi ce que les Montréalais ont décrété être impossible, soit la cohabitation des modes de transport sur un même axe de circulation. À Montréal, ville nord-américaine tracée au cordeau dans un espace à conquérir et avec une densité de population partant de rien pour arriver à 4517 habitants par kilomètre carré, il semble impossible de faire cohabiter les piétons, les cyclistes, les automobiles et les autobus. Ici, la loi des colons, celle du plus fort, dicte encore les comportements. Ceux qui ont le plus à en souffrir sont bien sûr les piétons, tout en bas de la chaîne alimentaire.
À Amsterdam, une ville européenne, tissée serrée et courbée par l'histoire, avec une densité de population de 4908 hab/km2, j'ai vu dans un espace qui ferait souffrir un canadien de claustrophobie, circuler des péniches, des autobus, des tramways, des automobiles, des vélos (beaucoup de vélos) et des piétons.
Pourquoi, me direz-vous, évoquer les problèmes de cohabitation de véhicules dans un blog consacré à la nature ? J'y viens.
Hier soir, je marchais dans le boisé du Tremblay et j'ai pu observer plusieurs couleuvres rayées enroulées sur elles-mêmes au milieu du chemin pour profiter des derniers rayons de soleil. Respectueux de leur tranquillité, je faisais un détour en me disant que leur présence était une autre bonne raison d'interdire les vélos, malgré le mécontentement que cela crée chez les cyclistes.
Moi aussi pourtant, j'ai cru dans ce projet de la ville de Longueuil qui consistait à ouvrir un sentier multifonctionnel dans le boisé du Tremblay dans le but d'officialiser sa protection en attendant de lui obtenir un statut de refuge faunique. Faire profiter du lieu au plus grand nombre possible en laissant se côtoyer, promeneurs, y compris de chien, joggeurs et cyclistes était une intention louable. Comme d'habitude quand il s'agit d'humanité, j'ai rapidement déchanté. C'était sans compter avec cet individualisme du citoyen moyen dont la vie est régie par un principe simple, immédiatement énoncé en cas de contestation: "j'ai le droit de le faire, alors je le fais". Un droit qui, exercé sans autocritique, ni sens de la responsabilité, tombe trop facilement dans l'excès et devient rapidement incompatible avec une vie en société. Pour rétablir un semblant d'équilibre, on a alors recours aux interdictions, une solution bien pratique et économique qui n'a de valeur à long terme que celle de pérenniser l'absence de savoir-vivre ensemble.
Le sentier "La randonnée" qui part du Centre d'interprétation de la nature du Lac Boivin est le plus long, donc le moins fréquenté. C'est aussi celui qui réserve les meilleures surprises au naturaliste. Les autres ne sont pas mal non plus et tous peuvent se faire dans la journée.
Il y a 2 jours, des coprins noir d'encre sont sortis de terre, provoquant un nano-séisme dans le jardin.
Ces champignons peuvent être mangés à deux conditions. D'abord, il faut se dépêcher de les cueillir, car ils se décomposent rapidement pour donner un liquide noir. Deuxièmement, il vaut mieux éviter de prendre de l'alcool quelques heures avant et après leur consommation sous peine de souffrir de l'effet antabuse, ou syndrome coprinien.
L'effet, spectaculaire mais généralement bénin (sauf chez les cardiaques), est causé par la coprine, une toxine qui bloque l'acétaldéhyde déshydrogénase. Cette enzyme transforme l'acétaldéhyde, un produit de dégradation de l'alcool, en acétyl-CoA. L'acétaldéhyde est toxique et son accumulation sous l'effet de la coprine provoque des rougeurs au visage, des nausées, des vomissements, des malaises, de l'agitation, des palpitations et des picotements dans les membres.
Et une petite pensée pour mon grand-père qui a fait des cauchemars de guerre jusqu'à la fin de sa vie. Pour cette génération, les chocs post-traumatiques n'existaient pas.
Mon arrière-grand-père agriculteur (que j'ai brièvement connu) s'embourbaient dans les tranchées en 14-18, mon grand-père militaire s'est fait prendre dans la poche de Dunkerque en 39-45, mon père fonctionnaire s'est retrouvé bien malgré lui en Algérie et moi, je me promène dans le boisé du Tremblay.
Les aubépines sont en fleurs, une occasion de s'exercer à leur identification; ce qui, soit dit en passant, représente parfois un véritable défi. Qu'importe, nous avons compté les étamines, vérifié la couleur des anthères avant l'anthèse, évalué la pilosité des inflorescences et des feuilles, sans oublier d'estimer la taille et la forme des feuilles. Puisque nous ne sommes pas des spécialistes, et que même les spécialistes peuvent y perdre leur latin, nous sommes restés avec de nombreux doutes. Mais quel plaisir d'essayer !