Des lacs si grands...

... que l'on croirait des mers. Des plages de sable blanc, des dunes, des falaises, des "lagunes", le bruit des vagues, les cris des oiseaux de mer et aucun repère lorsque le regard se porte vers le large, il ne manque aux cinq Grands Lacs que le sel et les marées, mais c'est sans importance. Ni le temps, ni le lieu n'y font rien; quel que soit l'endroit d'où je les regarde, ils me font toujours la même impression. 

Le lac Ontario depuis Prince Edward Point à l'extrémité orientale de la presqu'île que forme le comté du Prince-Edward (Ontario). La côte que l'on devine à l'horizon appartient à la presqu'île.

Il y a 11 500 ans, les cinq Grands Lacs n'en formaient qu'un, le lac Agassiz qui s'étendait du Manitoba à l'Ontario. L'inlandsis qui couvrait le nord de l'Amérique avait commencé à se retirer et l'eau de fonte s'accumulait dans une dépression que le glacier avait lui-même creusé. À l'époque, ce lac proglaciaire se vidait par l'ouest dans le bassin du Mississippi. Avec le recul de la calotte glaciaire vers le nord et le relèvement de la croûte terrestre libérée du poids de la glace, les lacs se vident aujourd'hui à l'est et vers le nord-est, par le fleuve Saint-Laurent.      

Parc provincial de Sandbanks: un cordon de dunes hautes d'une vingtaine de mètres. Avec une longueur d'une douzaine de kilomètres, c'est la plus grande formation de dunes en eau douce du monde. On aperçoit à gauche le lac Ontario et, à droite, le lac West qu'on ne peut pas appeler une lagune puisqu'aucune étendue d'eau n'est salée. Tout ce sable vient de l'érosion glaciaire; le vent n'a fait que le rassembler. Il était plus à gauche avant que l'humain, qui se croyait malin, ne défriche pour planter ses légumes. Mais quand ses champs et ses villages ont été engloutis par le sable, il a décidé de reboiser les dunes.
Si vous aimez la plage et la foule, réservez en ligne avant de sortir votre maillot de bain; si vous préférez la nature, venez hors saison quand le parc est fermé, mais pas interdit, sans oublier votre manteau. 

Sans gants, ni dentelle

De retour d'Ontario où nous étions allés à la rencontre des oiseaux migrateurs, j'ai pu constater que cette province souffre du même mal que le Québec. C'est une maladie ancienne, aussi ancienne que l'homme, mais ses manifestations se renouvellent sans cesse. Il existe un traitement, mais puisqu'il serait couteux de le mettre en oeuvre et que certains individus y seraient de toute façon réfractaires, nos gouvernements ont toujours préféré gérer la pandémie à coups de remèdes aussi symptomatiques qu'inutiles.

Je disais donc, qu'en Ontario, j'ai été confronté à l'une des manifestations les plus récentes de cette maladie qui a de nombreux noms et que je choisirai d'appeler la paresse intellectuelle.  Depuis maintenant environ deux ans, il est devenu impossible de faire 100 mètres dans un milieu naturel sans rencontrer un sac à merde posé sur une roche ou accroché à une branche. Je comprends que si on accepte de se faire lécher le visage par une créature qui utilise la même organe pour se nettoyer l'orifice anal, le spectacle de ces sacs aux couleurs criardes et à la composition indégradable peut sembler anodin. 

Néanmoins, je tiens à signaler aux propriétaires de chien que si votre dystrophie musculaire vous handicape au point de ne pouvoir rapporter le sac jusqu'à la poubelle la plus proche, soit-elle votre automobile, il est moins dommageable pour l'environnement de laisser l'excrément sur place à condition qu'il ne soit pas au milieu du chemin. Ou en des termes plus compréhensibles pour ceux qui sont atteints de la maladie (niveau de littératie 1 à 2): "Si t'es trop feignant pour rapporter ton sac à merde, fais chier ton chien au bord du chemin et laisse son caca sur place. Et si tu ne sais pas pourquoi, dis-toi que c'est encore moins forçant." 

Sur ce, je reprends le cours normal de ce blog.

Larmes de sucre

C'est le printemps dans le sud du Québec. Les grenouilles des bois chantent le retour des beaux jours et le bouleau verruqueux du jardin pleure ses branches cassées par la dernière tempête de neige. Je pourrais récupérer cette eau de bouleau pour la transformer en sirop, mais combien de jours cela me prendrait-il ? 

Pour obtenir le résultat de ce petit boulot arithmétique, on assumera que: 

  1. le débit est d'une goutte toutes les 2 secondes, 
  2. le débit est constant sur 24 heures, 
  3. le volume d'une goutte est égal à 0,05 ml,
  4. il faut 100 litres d'eau de bouleau pour produire 1 litre de sirop.

Le colibri: un oiseau américain [2/2]

L'Ariane à ventre gris (Amazilia tzacatl) appartient au groupe des Émeraudes et peut être observée du sud du Mexique jusqu'à l'Équateur en passant par la Colombie.

L'histoire des colibris commence il y a 42 plus ou moins 5 millions d'années. À cette époque appelée l'éocène, l'océan Atlantique est formé et les continents occupent à peu près la position qu'on leur connait aujourd'hui à quelques détails près: la Béringie (l'actuel détroit de Béring) est émergée, ce qui rend possible le passage entre la Sibérie et l'Alaska, et l'Amérique centrale n'existe pas encore, ce qui fait de l'Amérique du Sud, une île. En ce qui concerne la vie, les petits dinosaures que sont les oiseaux sont apparus depuis une centaine de millions d'années déjà (-142 millions d'années avant notre ère) et ont survécu au cataclysme qui a fait disparaitre les grands dinosaures depuis environ 23 millions d'années (-65 millions d'années avant notre ère).

L'ADN des oiseaux modernes nous apprend qu'il y a donc 42 millions d'années, une famille d'oiseaux s'est séparée et a donné naissance à deux nouvelles lignées: celle des martinets (famille des apodidés) et celle des colibris (famille des trochilidés). Aujourd'hui encore, après tout ce temps et en regardant bien, on peut trouver quelques ressemblances entre les deux familles; la plus évidente étannt que les martinets et les colibris sont courts sur pattes. Cet air de famille leur a d'ailleurs valu d'être regroupés dans l'ordre des apodiformes, un terme qui signifie: en forme de sans (a) pieds/pattes (podos).

L'ADN est un enchainement, ou une séquence, des paires de bases A-T, T-A, C-G et G-C dont la répétition et l'ordre définissent un organisme vivant. Le lien de parenté entre les espèces est établi en comparant la séquence de leur ADN. Plus les séquences sont similaires, plus les liens de parenté sont étroits. Quant à l'époque de la divergence entre deux familles, deux genres ou deux espèces, elle est estimée en comparant le nombre de mutations dans quelques gènes. Ensuite, en estimant la vitesse de mutation de l'ADN, on peut savoir à quel moment les gènes des colibris étaient suffisamment semblables à ceux des martinets pour ne former qu'une seule famille.
Taxonomie des colibris: chaque couleur correspond à un des neuf clades mentionnés généralement dans la littérature scientifique anglophone: les Topazes (Topazes), les Ermites (Hermits), les Mangos (Mangoes), les Brillants (Brilliants), les Coquettes (Coquettes), le Colibri géant (Giant Hummingbird), Les Joyaux de montagne (Mountains Gems), les Abeilles (Bees) et les Émeraudes (Emeralds). Un clade est un groupe philogénétique incluant un ancêtre et tous ses descendants. Cliquer sur le tableau pour le rendre plus lisible. 

Tout semble indiquer que la naissance des deux lignées s'est produite sur le continent eurasiatique. C'est en effet là, plus précisément en France, en Allemagne et en Pologne, qu'ont été exhumés les seuls fossiles apparentés à des colibris. Ils correspondraient à deux espèces distinctes et partagent avec les colibris modernes certains détails anatomiques, notamment un humérus court et trapu (un os des bras ou des ailes selon l'animal) grâce auquel les colibris actuels peuvent accomplir leurs prouesses aériennes. En outre, la datation de ces fossiles indique qu'ils sont âgés de 28 à 34 millions d'années, ce qui est compatible avec les données génétiques situant l'émergence des colibris et des martinets entre 37 et 47 millions d'années, c'est-à-dire "juste" un peu avant.

Avec ses quinze centimètres de longueur, le Campyloptère violet (Campylopterus hemileucurus) est le plus grand colibri d'Amérique centrale.  Celui-ci a été photographié au Costa Rica, dans un bouquet d'héliconias qu'il semblait s'être approprié et dont il butinait les fleurs selon un ordre bien établi.

Ensuite, plus rien. Aucun autre fossile ancien n'ayant été découvert ailleurs dans le monde, on perd la trace physique des colibris. Tout ce que l'on sait est qu'ils ont disparu du continent eurasiatique, qu'ils n'occupent aujourd'hui que le continent américain (voir le premier épisode) et que toutes les espèces actuelles descendent d'un ancêtre commun qui vivait dans les basses terres de l'Amérique du Sud, probablement le bassin amazonien, il y a 22,5 millions d'années. Cette dernière information est donnée par l'ADN des colibris modernes.

On ne sait pas avec certitude comment les colibris sont arrivés en Amérique du Sud. L'hypothèse la plus probable jusqu'à présent est qu'ils sont passés de l'Eurasie à l'Amérique du Nord en empruntant la voie de la Béringie, au nord-ouest, comme l'ont fait quelques plantes et d'autres animaux avant eux, ainsi que l'humain plus tard. Ont-ils ensuite colonisé l'Amérique du Nord avant de passer en Amérique du Sud. C'est une possibilité, mais si c'est le cas, ils en ont complétement disparu, car les colibris que l'on trouve aujourd'hui en Amérique du Nord descendent du même ancêtre sud-américain que tous les autres. 

Cet ancêtre qui vivait en Amazonie, il y a 22,5 millions d'années (début du miocène), nous apprend que des colibris ont réussi la traversée entre les deux Amériques bien avant la formation du pont terrestre que constitue l'Amérique centrale. La fermeture complète du passage entre les océans Pacifique et Atlantique s'est produite à la suite de l'exondation de l'isthme panaméen, entre -12 et -3 millions d'années avant notre ère.  La date est imprécise et suscite encore la controverse parmi les géologues. Quoi qu'il en soit, la formation de l'isthme panaméen n'est que la conclusion d'un long processus commencé dès la fin de l'oligocène (entre -28 et -23 millions d'années) avec la formation d'un arc d'îles volcaniques entre les deux Amériques qui a certainement facilité le passage des ancêtres des colibris vers l'Amérique du Sud.

Une fois établis dans les basses terres de l'Amazonie au début du miocène (voir la figure 1 de la magnifique étude de Jimmy A. McGuire et coll.), les colibris ont commencé à coloniser leur nouvel environnement. Pendant les 10 premiers millions d'années (de -22 à 12 millions d'années), ils se sont dispersés sur le territoire, occupant l'espace disponible et s'adaptant aux différentes niches écologiques qu'ils rencontraient. Cette cladogénèse (apparition de nouvelles espèces) a donné naissance aux ancêtres des groupes actuels: les Ermites d'abord, les Topazes, les Mangos, les Coquettes, les Brillants, le Colibri géant, unique représentant de son clade, et les Émeraudes. Aujourd'hui encore, les six premiers groupes, qui sont aussi les plus anciens, sont composés d'espèces principalement cantonnées en Amérique du Sud. On trouve quelques exceptions chez les Ermites et les Mangos, qui se sont introduits tardivement au Panama et dans les Caraïbes, probablement à l'occasion de l'achèvement de l'isthme panaméen, il y a 5 millions d'années.

Le Colibri à gorge pourprée (Lampornis calolaemus) est un membre des Joyaux de montagne qui habite les forêts humides des montagnes du Nicaragua, du Costa Rica et du Panama. 

Avec le temps, l'espace à occuper s'est restreint et la compétition pour les ressources alimentaires de plus en plus grande. Les colibris ont donc exploré de nouveaux territoires; certains ont retraversé vers l'Amérique du Nord et ont tenté de s'y installer, profitant du rétrécissement du détroit entre les deux continents. Plusieurs ont échoué; quelques-uns ont réussi à s'établir. L'un de ceux-là a donné naissance, il y a 12 millions d'années, aux deux groupes qui allaient coloniser l'Amérique du Nord: les Abeilles et les Joyaux de Montagne. Plus tard, à partir de -5 millions d'années, ces descendants seront rejoints par plusieurs vagues de représentants des Émeraudes, des Mangos et des Ermites, et par une unique vague de Brillants et de Topazes. Ces vagues d'immigration datées par l'ADN sont d'ailleurs un argument génétique en faveur de la fermeture complète de l'isthme qui aurait alors facilité la migration des colibris, il y a -5 millions d'années. 

Le Colibri cyanote (Colibri cyanotus) fait partie du groupe des Mangos. C'est un habitant des montagnes que l'on peut observer de la Bolivie jusqu'au Costa Rica.

Pendant ce temps-là (de -10 à -2 millions d'années avant notre ère), en Amérique du Sud, la cordillère des Andes connait une poussée "fulgurante", s'élevant d'environ 2 km en 8 millions d'années. Ce soulèvement a pour effet de créer de nouveaux habitats et d'accélérer la diversification de deux groupes déjà bien établis dans les montagnes: les Coquettes et les Brillants. Aujourd'hui, ces deux groupes qui rassemblent 30 % des espèces de colibris sont presque exclusivement constitués d'espèces andines; certaines étant particulièrement bien adaptées au manque d'oxygène et à la faible densité de l'air des environnements de haute altitude. Il est à noter que les Andes, qui ne représentent que 7 % de la surface des Amériques, abritent au moins 140 espèces de colibris, soit approximativement 40 % de la famille des trochilidés. Il est à noter que cette diversité andine n'est pas limitée aux colibris. On trouve de nombreuses autres espèces animales et végétales endémiques qui font des Andes, surtout la partie tropicale, un des hauts lieux de la biodiversité mondiale.

Les colibris, quant à eux, continuent leur évolution. Leur taux de diversification moyen estimé à 0,23 espèce par million d'années montre un léger ralentissement chez d'anciens groupes, mais il est encore très important chez les groupes les plus récents, notamment chez les Abeilles qui affichent un taux de 0,57 espèce/million d'années. Toutefois, il ne faut pas négliger l'influence du facteur humain qui, une fois de  plus, ne joue pas en faveur de l'évolution des colibris, en particulier dans les zones d'endémicité particulièrement restreintes que nos activités risquent de faire disparaitre.  

Ce colibri à gorge rubis (Archilochus colubris) est un digne représentant du clade des Abeilles (Bees) qui a conquis l'Amérique du Nord. Son espèce occupe le plus grand territoire et compte le plus grand nombre d'individus sur le continent nord-américain. 

Sources:

Troisième jour de marathon

Au refuge Marguerite d'Youville, les érables sont en fleurs, mais beaucoup de vieux arbres ont souffert du vent. Si seulement les bûcherons pouvaient éviter de les couper au pied... 

Aujourd'hui, sur l'Île Saint-Bernard, c'était frette malgré le soleil et tranquille; la faute au vent du nord qui nous amène le froid et cloue les oiseaux au sol. Il y avait quand même quelques mésanges bicolores - c'est la place pour les voir en dehors de notre jardin - et un couple de grands pics qui préparaient leur nid dans un vieux tronc. 

Demain, dernier jour de marathon avec la grande baie du parc d'Oka...si elle existe encore. 

En sortant et en passant inévitablement par la boutique, ma blonde m'a fait un beau cadeau.

Dindons de Pâques


C'est le deuxième jour de notre marathon de quatre jours d'observation des oiseaux. Hier, nous sommes allés voir les oies des neiges à Baie-du-Febvre; nous n'en avons trouvé que cinq. Les champs d'habitude inondés, dans lesquels elles font une pause migratoire, étaient à sec. En guise de consolation, nous avons pu observer trois pygargues à tête blanche et une grue du Canada.

Aujourd'hui, nous sommes allés faire une petite visite "frisquette" à l'arboretum Stephen-Langevin, à la sortie de Boucherville, le long du fleuve. C'est un tout petit parc que nous visitons de temps en temps quand nous avons envie de voir un hibou. Nous n'en avons pas vu. Par contre, nous avons eu toute une surprise en tombant nez à nez avec un groupe de quatre dindons sauvages. L'un d'entre eux nous a offert le spectacle d'une roue et ils ont continué leur chemin en picorant sans faire plus de cas de nous. C'était la première fois que nous remarquions cette corne sur leur front. C'est vraiment un oiseau étrange et impressionnant !

Demain, ce sera le refuge de Marguerite d'Youville, un endroit toujours intéressant.  

Prêt pour l'éclipse

Cela fonctionne aussi avec des jumelles: plus l'écran est éloigné, plus l'image est grande et... floue. Attention à ne jamais regarder le soleil à travers un instrument d'optique !

Quand j'étais gamin, j'ai eu une phase astronomie. Je m'étais inscrit dans un club d'adultes passionnés dont le principal sujet de conversation, quand les nuits étaient trop nuageuses, était le polissage du miroir de leur télescope fait maison. "Perso", je ne me sentais pas capable de fabriquer mon propre  matériel, mais mes parents qui encourageaient toutes mes lubies scientifiques m'avaient acheté un petit télescope de 150 mm (diamètre du miroir) qui me procurait bien assez de satisfaction. 

Un jour, je me suis donné pour mission de suivre l'évolution des tâches solaires en en faisant un relevé quotidien. Pour ce faire, je projetais l'image renvoyée par le télescope sur un carton à dessin sur lequel je traçais ensuite le contour des taches solaires. Cela m'a occupé un temps.

À l'annonce de la prochaine éclipse de soleil totale du 8 avril prochain, je me suis dit que j'avais tout ce qu'il fallait pour reproduire le montage sur mon télescope d'ornithologie et j'ai fait le premier essai concluant ce matin.

Un groupe de taches solaires est visible à droite du soleil, ainsi que deux plus petites au-dessous. Les taches sont des zones de température plus basses causées le ralentissement des mouvements de convection du plasma.

Retrouvailles

Il y a des animaux dont nous surveillons attentivement le retour à la maison, des animaux avec lesquels nous avons tissé des liens particuliers, des animaux qui sont aussi des indicateurs de la santé de notre environnement et, d'une certaine façon, du monde.

Parmi ceux-ci, il y avait un couple de colverts qui venaient barboter dans le bassin et qui sont portés manquants depuis l'année dernière. Il y a aussi les fourmis charpentières qui, chaque année, tentent désespérément de s'installer dans le cadre des fenêtres les plus proches de la vigne vierge et que je chasse inlassablement. Cette année, c'est déjà chose faite. 

Et puis, il y a les tamias rayés dont nous surveillons le retour depuis que nous n'avons plus de chats. Je peux d'ores et déjà annoncer qu'ils ont bien passé l'hiver. Depuis une semaine, nous en voyions trotter deux derrière la clôture. Méfiants comme au début de chaque nouvelle relation, ils ignoraient nos appels, mais, samedi dernier, nous avons renoué autour d'un tas de graines de tournesol. 

Chouette observation

Hier après-midi, en nous promenant dans le boisé du Tremblay, nous avons entendu chanter une chouette rayée au loin. Nous n'avions pas compris qu'elle nous donnait rendez-vous ce matin au parc du Mont Saint-Bruno.    

Le colibri: un oiseau américain [1/2]

Il suffirait d'une étincelle pour enflammer la gorge de ce colibri à gorge rubis.

Au Québec, de mai jusqu'en septembre, nous avons le privilège de pouvoir observer le colibri à gorge rubis. Le terme "privilège" n'est pas exagéré quand on sait que la famille des colibris (les trochilidés) n'existe que sur le continent américain et qu'elle compte 373 espèces (Birdlife International), mais que seulement cinq d'entre elles nichent au Canada et une seule dans la moitié est du pays. 

Il est à noter qu'en dépit du nombre important d'espèces, les trochilidés n'échappe à la diminution globale de la biodiversité. On a enregistré une baisse des populations de 60 % des espèces et un risque de disparition pour 10 % d'entre elles. Deux espèces sont par ailleurs considérées comme éteintes.

Avec ses trois grammes et ses dix centimètres, le colibri à gorge rubis passe facilement inaperçu. Il est pourtant commun et facile à observer. Si on veut s'assurer qu'il y en a autour de chez soi, il suffit de suspendre une mangeoire (une dizaine de piasses dans les quincailleries) et de la remplir d'eau sucrée (1 volume de sucre - mais pas de fructose - pour 3 ou 4 volumes d'eau). S'ils ne nichent pas autour de chez vous, vous courrez au moins la chance d'attirer les migrateurs en avril-mai et en août-septembre. Et n'hésitez pas à rapporter vos observations sur le site du Projet Colibri.

Les colibris sont des oiseaux fascinants à plus d'un titre. Ils maitrisent parfaitement le vol stationnaire, une capacité dont peu d'oiseaux peuvent se vanter, et sont les seuls à avoir développé la technique du vol à reculons. Ils sont aussi équipés d'un mode "économie d'énergie" qui les fait entrer dans un état de torpeur quand les nuits sont trop froides. Leur rythme cardiaque passe alors de 250 battements au repos (1200 en vol) à 50 battements par minute et leur température de 40-44 °C à 13 °C. Par ailleurs, ce sont des experts en effets spéciaux qui sont capables de contrôler l'iridescence de leur plumage au gré de leur humeur. En outre, certains colibris à gorge rubis canadiens peuvent parcourir plus de 3 000 km et traverser le golfe du Mexique pour rejoindre leur aire d'hivernage en Amérique du Sud avant de refaire le trajet en sens inverse le printemps suivant. Et que dire de leurs noms de genre, plus poétiques les uns que les autres: bec-en-faucille, ermite, porte-lance, coquette, émeraude, dryade, saphir, ariane, brillant, inca, héliange, érione, haut-de-chausses, porte-traîne, métallure ou sylphe.

Nombre d'espèces nicheuses / Pays
Fond de carte: d-maps
Cliquer sur l'image pour agrandir
Les colibris se partagent tout le continent, de l'Alaska jusqu'à la pointe du Chili. Toutefois, leur distribution n'est pas homogène et, en examinant les cartes (ci-contre et ci-dessous pour les détails), on constate que le nombre d'espèces par pays suit un gradient négatif de l'équateur vers les pôles. En d'autres termes, plus on s'éloigne de l'équateur, moins il y a d'espèces de colibris. 

Pour expliquer cette répartition, il faut d'abord savoir que 90 % du régime alimentaire des colibris est constitué de nectar, un liquide sucré sécrété par les fleurs pour attirer les pollinisateurs ; les dix autres pour cent sont constitués de petits invertébrés (pucerons, moucherons et autres). Les colibris sont donc essentiellement des butineurs qui dépendent des fleurs pour se nourrir. Ils s'y sont d'ailleurs très bien adaptés autant d'un point de vue anatomique (petite taille, forme des ailes, bec plus ou moins long et plus ou moins courbé) que physiologique et comportemental (par exemple, les colibris ont tendance à se montrer territoriaux et agressifs avec les insectes qu'ils considèrent comme des compétiteurs pour la ressource, mais pas avec les autres oiseaux). La fleur aussi s'est adaptée (couleur, longueur de la corolle et composition du nectar) et, au fil du temps, des relations parfois extrêmement étroites se sont tissées entre certaines espèces de plantes et de colibris. On considère que 7 000 espèces de plantes dépendent des colibris pour leur pollinisation.

D'un point de vue évolutif, l'adaptation est un phénomène passif et une espèce n'est capable de s'adapter que parce qu'elle est composée d'individus présentant tous d'infimes variations génétiques les uns par rapport aux autres. Lorsqu'une de ces différences facilite l'interaction d'un individu avec son milieu (par exemple, un bec un peu plus long qui permet d'aller chercher un peu plus de nectar au fond de la fleur ou une digestion plus efficace du nectar), il va bénéficier d'un avantage sur les autres. Cet avantage peut augmenter les chances qu'il survive, qu'il se reproduise et donc qu'il transmette son avantage à la génération suivante. Cette particularité va ensuite se répandre au sein de l'espèce qui finit par l'acquérir de génération en génération. Cette évolution adaptative peut être lente ou relativement rapide sous l'effet d'un changement brusque de l'environnment; il n'y a qu'à penser à la disparition de presque tous les dinosaures à l'exception des oiseaux qui, on le sait maintenant, sont des descendants des dinosaures.

Les cartes peuvent être agrandies en cliquant dessus.



À gauche, le nombre d'espèces de colibris qui nichent au Canada et aux États-Unis, par province et par état. On peut remarquer un gradient négatif du nord au sud et d'ouest en est. L'unique espèce qui occupe à elle seule la moitié orientale de cette région de l'Amérique est le colibri à gorge rubis. La seule espèce endémique aux États-Unis est le Colibri d'Allen; il n'y a pas de colibri endémique au Canada.


Au-dessous, le nombre d'espèces de colibris nichant dans les états du Mexique (à gauche) et dans les pays d'Amérique Centrale (à droite). Les îles caribéennes hébergent peu d'espèces, mais toutes sont endémiques de cette région à l'exception du Colibri à gorge rubis.
À droite, le nombre d'espèces de colibris nichant ou résidant en permanence dans les pays d'Amérique du Sud. La Colombie détient le record d'espèces observables (163) et le Pérou le record d'espèces endémiques (20).

Dans le cas des colibris et des plantes, il s'agit d'une véritable co-évolution qui bénéficie autant au colibri qui s'assure une source de nourriture en éliminant la concurrence d'espèces moins adaptées, qu'à la plante qui s'assure les services d'un pollinisateur et donc la pérennité de son espèce. 

Évidemment, quand on dépend des fleurs pour s'alimenter, on court le risque de manquer de nourriture quand la floraison est terminée. Pour pallier la période de disette, il faut donc diversifier ses sources d'approvisionnement locales ou déménager à la recherche d'autres fleurs. Les colibris font les deux dans des proportions variables selon leur degré de spécialisation pour les fleurs. Je ne rentrerai pas dans les stratégies qui sont adoptées par les différentes espèces d'une communauté de colibris pour se répartir les ressources d'un même territoire, mais c'est un sujet intéressant et complexe qui est étudié par les biologistes. Il est abordé en détail dans certaines des publications citées plus bas. J'aborderai juste la question des déplacements qui peuvent être un moteur d'expansion du territoire. Chez les colibris, les biologistes en ont répertorié quatre types:

1. Le déplacement non programmé ou dispersion. Ce type de déplacement imposé par le manque de ressources alimentaires  se fait au hasard, dans toutes les directions, sans connaitre la destination et sans retour au point de départ. Il est effectué principalement par les jeunes dont le rang hiérarchique et l'inexpérience limitent l'accès à la nourriture. Il existe des preuves de ces déplacements chez 49 espèces de colibris.

2. Les déplacements programmés, ou migrations, sont des déplacements réguliers et périodiques (généralement saisonniers) effectués par un groupe d'oiseaux de la même espèce qui connaissent leur destination et savent qu'ils vont revenir à leur point de départ à un moment donné. Ces migrations sont de trois types:

a. La migration altitudinale. Les oiseaux changent d'altitude selon la saison, sans dépasser un rayon de 10 km. On estime, bien que cela soit difficile à établir, que 87 espèces de colibris la pratiqueraient.

b. La migration latitudinale de courte distance qui correspond à un déplacement dans un rayon de 10 à 1000 km du lieu de nidification. Elle aurait été identifiée chez 42 espèces.  

c. La migration latitudinale de longue distance correspondant à un déplacement de plus de 1000 km. Elle concerne 29 espèces de colibris parmi lesquelles 13 espèces effectuent une migration  néarctique (vers le nord), 15 effectuent une migration australe et 1 espèce effectue une migration intratropicale (d'un tropique à l'autre). Le colibri à gorge rubis est le meilleur exemple de migrateur latitudinal et néarctique de longue distance. 

Si la quête de nourriture est un élément fondamental pour comprendre l'occupation du territoire par les colibris ainsi que leurs migrations, elle n'explique pas pourquoi on ne les trouve que sur le continent américain. Beaucoup d'autres familles d'oiseaux ont des représentants sur plus d'un continent, même si ces représentants ont évolué avec le temps pour former des espèces parfois très différentes d'un continent à l'autre. Par exemple, parmi les oiseaux de petite taille, on peut citer la famille des sittidés représentée par les sittelles à poitrine rousse et à poitrine blanche en Amérique du Nord et par la sittelle torchepot en Europe, ou la famille des paridés qui comprend, entre autres, la mésange à tête noire en Amérique du Nord et la Mésange charbonnière en Europe. Il y a aussi le cas plus rare des espèces que l'on retrouve sur plusieurs continents comme l'hirondelle rustique qui niche dans tout l'hémisphère nord ou le fameux Harfang des neiges, une espèce circumpolaire.

Pour expliquer l'isolement des colibris sur le continent américain, il faut aussi se plonger dans l'histoire de leur évolution. C'est une histoire que l'on comprend de mieux en mieux grâce à la paléontologie, à la géologie et aux nouvelles techniques d'analyse de l'ADN et que je raconterai dans le prochain article. 

Sources:

Quelque part à Montréal

Essence d'arbres, hauteur de branches, distance du tronc, chaque espèce de chouettes et de hiboux a ses préférences de perchoir pour passer la journée. On a beau les connaître et les y chercher, ce sont des animaux cryptiques et pouvoir les observer, comme le hibou moyen-duc de ce matin, est toujours un cadeau de la nature, surtout quand le chemin sur lequel on les rencontre n'est pas celui qu'on voulait suivre. 

C'est le printemps !

Record battu. En ce matin de février, ma blonde et moi étions dans notre bureau, la fenêtre entrouverte pour profiter de la température déjà anormalement élevée de cette journée avec un +13° C qui aurait dû être un -15° C, quand nous avons entendu sans trop y croire le chant du Carouge à épaulettes. Nous avons sauté à la fenêtre et il était là. 

La planète va vraiment mal.

Prédateur en résidence

Cet hiver, un épervier de Cooper vient visiter le jardin au moins une fois par semaine. Plus que l'aménagement paysager, ce sont les mangeoires et la faune qui gravite autour qui l'intéresse.

Notez l'extrémité arrondie de la queue due à la différence de longueur des plumes qui la constituent. C'est un des caractères, visible aussi en vol, qui permet de distinguer cet épervier de son congénère, l'épervier brun, dont la queue est plus rectangulaire. L'épervier de Cooper est aussi un peu plus grand, mais s'ils se posent côte à côte pour vous permettre de les comparer, prenez une photo, car personne ne vous croira.

Au clair de la lune, une tortue verte

Bahia de Salinas dans le nord-ouest du Costa Rica, la région la plus aride du pays. On y trouve encore des plages désertes, mais pour combien de temps ?

Il y a quelques semaines, j'étais au Costa Rica sur une plage du Pacifique éclairée par une lune presque pleine. J'observais dans le plus grand silence une tortue verte en train de creuser le sable pour y pondre ses œufs. 

Tout avait commencé la veille quand Mathilde, la propriétaire de la Casa Mariquita où nous étions hébergés pour quelques jours, nous avait proposé d'assister à une intervention de l'association locale Equipo Tora Carey dont elle fait partie et dont l'une des missions est la protection des tortues marines.

L'opération du jour consistait à récupérer de jeunes tortues vertes (Chelonia mydas) qui devaient émerger du sable au cours de la nuit, puis à les transporter sur une plage voisine pour qu'elles puissent regagner tranquillement l'océan. Le site de ponte avait été repéré quelques semaines auparavant sur la plage El Jobo par les patrouilleurs de l'association qui le surveillaient depuis afin de le protéger du pillage par des braconniers. 

Avec un poids moyen oscillant entre 80 et 130 kg, la tortue verte (Chelonia mydas) est la plus grande tortue de la famille des chéloniidés. Elle a une distribution mondiale, ce qui ne l'empêche pas d'être en danger d'extinction. Longtemps chassée pour la consommation de sa chair et de ses oeufs, ainsi que pour la fabrication d'objets à partir de ses écailles, elle est aujourd'hui protégée, mais encore sujette au braconnage. 

Arrivés sur la plage à 20 heures, il faisait déjà nuit depuis deux heures, comme chaque jour de l'année sous cette latitude. Marlon Vargas Mora, le coordonnateur des patrouilles, nous y attendait pour nous indiquer l'emplacement du nid, à la limite des premiers arbres, loin de l'eau, comme les tortues vertes ont l'habitude de le faire.

À la lumière rouge d'une lampe torche pour ne pas déranger les tortues, Mathilde s'est frotté les mains avec une poignée de sable pour les nettoyer et camoufler son odeur. Puis, elle a commencé à écarter délicatement le sable jusqu'à ce que, une trentaine de centimètres plus bas, les premières tortues apparaissent, battant des nageoires pour rejoindre instinctivement l'océan. 

On ne sait pas encore avec exactitude comment les jeunes tortues trouvent le chemin de l'océan quand elles sortent du sable, mais la clarté de l'horizon marin par rapport à l'écran que forment les dunes sur l'horizon opposé semble jouer un rôle important. 

L'importance de la lumière dans l'orientation des jeunes tortues est d'ailleurs la raison pour laquelle celles qui venaient de naître devaient être déménagées sur une autre plage. En effet, depuis peu, un de ces complexes hôteliers de luxe comme il en existe de plus en plus au Costa Rica avait été construit sur la plage d'El Jobo. Or, l'éclairage nocturne des appartements, des allées, des terrasses et des piscines aseptisées désorientent les tortues qui ne sont plus capables de retourner à l'océan.

Une tortue a rampé sur la plage, puis est retournée directement à l'eau, probablement dérangée par les activités de l'hôtel.
Cette nuit-là, Mathilde a donc soigneusement placé les jeunes tortues dans un bac en plastique dont le fond avait été recouvert de sable pour les transporter sur une plage voisine. Sur les treize œufs que contenait le nid, un n'avait pas été fécondé et était resté intact dans le nid. Les autres étaient arrivés à terme et douze tortues furent déménagées; une petite couvée puisque la moyenne est de l'ordre de la centaine.

En arrivant sur la plage choisie pour leur libération, plusieurs pistes larges d'une enjambée barraient la plage, de l'eau jusqu'à la végétation, indiquant que des tortues étaient venues très récemment et avaient peut-être pondu. "Peut-être", car si la sortie de l'eau est motivée par la ponte, cela ne signifie pas qu'elle se produit systématiquement. Il est même plus fréquent qu'en dépit de l'effort que leur demande la remontée de la plage, les tortues choisissent de retourner à l'eau parce que l'emplacement ne leur convient pas. Elles peuvent aussi creuser le sable et renoncer à la dernière minute parce qu'elles sont dérangées ou parce qu'une racine ou un autre obstacle entrave le creusage du puits final. Dans ce cas, elles retournent à l'eau et refont une tentative plus tard.

Avant d'arpenter la plage à la recherche de nids ou de tortues, priorité est donnée à la libération des nouvelles-nées, ce qui se fait le plus naturellement du monde en les déposant dans le haut de la plage et en les suivant de loin jusqu'à ce qu'elles aient rejoint l'eau. C'est l'affaire de 10 à 15 minutes, pas plus.

Une nuit comme les autres pour Marlon.
Ceci étant fait, nous allons ensuite patrouiller la plage où nous trouvons deux adultes: l'une en train de creuser son nid, l'autre retournant vers l'océan.

Lorsqu'une tortue est découverte, le protocole établi par les scientifiques de l'Equipo Tora Carey impose de relever quelques données biométriques, de vérifier si la tortue est baguée et de la baguer si elle ne l'est pas. Enfin, il faut vérifier si la tortue a pondu et, le cas échéant, déménager les œufs dans un ancien nid avant que les braconniers ne les récupèrent.

Mathilde se met à courir vers la tortue avant qu'elle disparaisse dans l'eau et l'atteint juste à temps pour constater qu'aucune de ses nageoires postérieures ne porte de bagues. Nous allons ensuite nous asseoir en silence non loin de celle qui creuse son nid en espérant pouvoir assister à la ponte. 

Elle a d'abord écarté le sable avec ses nageoires avant pour former une première dépression évasée puis s'est retournée pour creuser en son centre un "puits de ponte" avec ses nageoires postérieures. À la lumière de la lune, nous contemplons cette tortue qui perpétue un geste plusieurs fois millénaire en écoutant le soupir des vagues qui viennent s'échouer en nous lançant un dernier éclat d'argent. Sous la voute céleste, face à l'océan, plus rien d'autre ne compte et nous nous remplissons de l'instant; cet instant où l'ego s'efface pour nous laisser entrevoir notre place réelle dans l'ordre des choses.

Plus loin, sur la plage, vers la gauche, un point brillant vient d'apparaitre comme un énorme galet déposé par les vagues. C'est une autre tortue qui vient de sortir de l'eau. Il y en aura deux autres, plus tard dans la soirée.

Ce soir-là, aucune ne pondra. Même celle que nous surveillons, en dépit de toute l'énergie fournie, décidera au dernier moment et pour des raisons qu'elle seule connait, de retourner à l'océan.

Sources: 

Une histoire "bizard"

Aussi étrange que cela puisse paraître, cette petite île en bordure du lac des Deux Montagnes n'a pas toujours été Bizard ni même une île.

Il y a environ 480 millions d'années, à une époque qui s'appelait l'ordovicien, elle gisait au fond d'une mer chaude de l'équateur, en marge du continent Laurentia. À cette époque, les végétaux commençaient à se sentir à l'étroit dans le milieu aquatique qui foisonnait de vie et envisageaient plus que sérieusement la conquête du milieu terrestre.

De cette vie marine, on trouve encore des traces sur l'île Bizard, notamment au parc-nature du bois de l'île Bizard, un des derniers endroits, entre les golfs et les grosses cabanes, qui reste encore accessible au public.

Près du chalet d'accueil, sur la rive du lac, on peut voir quelques affleurements rocheux que les géologues disent appartenir à la formation de Laval qui fait partie d'un ensemble plus important appelé le groupe de Chazy. Eh bien, en baissant simplement les yeux et en pliant un peu les genoux pour l'observer de plus près, on peut y observer des fossiles des bryozoaires et des brachiopodes qui peuplaient l'endroit, il y a 480 millions d'années. On peut même s'asseoir dessus, tourner son regard vers le lac et méditer un instant sur l'importance relative de notre existence.

Premières neiges, premières traces

Ce matin, je regardais par la fenêtre de la salle de bain pour m'enquérir de la météo. Il avait neigé dans la nuit et un animal avait laissé une piste dans l'entrée et sur la route. De loin, la piste double et la grosseur des empreintes faisaient penser à une moufette rayée qui aurait fait un aller-retour; cela est déjà arrivé.

En allant examiner les traces de plus près, tout indiquait qu'il s'agissait plutôt d'un raton laveur: la longueur des doigts, la différence des empreintes postérieures et antérieures et l'alternance des pas. Pourtant, il y avait quelque chose qui ne collait pas: toutes les empreintes allaient dans la même direction et il y en avait trop pour un seul animal. 

C'est en suivant la piste sur la route et en la voyant se séparer (photo de droite) que j'ai compris qu'il y avait deux ratons. Il s'agissait probablement d'un jeune et de sa mère, car bien qu'ils naissent vers avril-mai et soient sevrés à quatre mois, les jeunes passent généralement le premier hiver avec leur mère.