Le temps se réchauffe tranquillement; on a laissé tomber les collants, mais les forts vents d'est d'aujourd'hui ne permettent pas aux oiseaux de traverser le lac. Demain, il va pleuvoir et les vents vont tourner au sud; la fin de journée nous réservera peut-être quelques bonnes surprises.
Aujourd'hui, nous en sommes à 102 espèces d'oiseaux et nous avons ajouté entre autres à notre liste, un troglodyte de Caroline, une macreuse à front blanc, un raton laveur à l'air patibulaire et quelques "pas sympas" tiques, heureusement repérées avant qu'elles ne s'installent pour casser la croûte. Il va falloir que nous soyons plus prudents et plus attentifs après nos déplacements.
Côté plantes, nous avons enfin trouvé le fameux cactus de Pointe-Pelée, l'Opuntia cespitosa, mais j'en parlerai demain puisqu'il pleuvra.
En ce deuxième jour, nous en sommes à 95 espèces d'oiseaux, dont sept qui ne sont pas sur la liste du Québec. Bien que nous nous tenions loin des "cocheux" (observateurs d'oiseaux capables de faire 600 km et plus pour voir l'espèce rare) et des photographes, notre grande fierté est d'avoir vu par nous-mêmes tout ce qui avait été rapporté sur les réseaux que nous consultons quand même à notre retour à l'hôtel.
À cette liste, nous ajoutons quelques espèces de plantes, parmi lesquelles je retiens aujourd'hui le platane d'Amérique (Platanus occidentalis), un arbre aussi monumental qu'étrange avec son écorce bigarrée.
Bien qu'ayant grandi en Touraine, je connais bien cet arbre car j'ai souvent croisé son hybride, le platane commun (Platanus x hispanica). Pour me rendre au collège, je descendais la rue des Platanes à pied, et plus tard, pour aller à la fac, je traversais la ville en empruntant l'avenue de Grammont, bordée de chaque côté des platanes majestueux. Je ne pensais pas à l'époque que j'irais à la rencontre de la branche américaine de leurs ancêtres.
Avec moins quatre degrés Celsius au lever, il a fallu enfiler des collants sous les jeans pour profiter de la plage de Pointe-Pelée. Et même si le soleil donnait des allure de mer tropicale au lac Érié, seul un fuligule ou un cormoran pouvait apprécier la baignade.
Malgré la température, la journée fut fructueuse. Les faits marquants du jour furent l'observation de deux parulines rares, la paruline orangée (voir la vidéo) et la paruline à ailes bleues, celle d'un viréo aux yeux blancs tout aussi rare et le passage d'un dindon sauvage en goguette alors que nous pique-niquions. Nous l'avions entendu toute la matinée dans les bois alentours sans jamais pouvoir l'observer et alors que nous dinions, il a traversé la clairière sans faire cas de nous, à quelques pas seulement.
Après une dizaine d'heures de route et un peu de neige, nous sommes arrivés à Leamington (Ontario). Plus nous roulions vers le sud, plus le mercure du thermomètre chutait, jusqu'à atteindre +1°C à Hamilton. Le climat serait-il déréglé ?
Qu'à cela ne tienne ! Nous avons jeté nos bagages à l'hôtel, enfilé nos tuques et nos mitaines et nous sommes précipités au parc national du Pointe Pelée pour acheter nos passes pour la semaine et faire un petit repérage des lieux.
À part les genévriers de Virginie, les arbres commencent tout juste leur feuillaison; ce sera facile pour observer les oiseaux. Et des oiseaux, il y en a, même si nous ne sommes qu'au début du pic migratoire. Une ballade d'une heure jusqu'à la pointe nous a déjà permis d'observer 38 espèces dont deux parulines exceptionnelles plus au nord: la paruline à capuchon et la paruline à gorge jaune.
Dans le sous-bois, des tapis de dicentres à capuchon
La pointe: de l'autre côté du lac Érié, ce sont les États-Unis
La pointe en regardant vers les États-Unis
La pointe en regardant vers le Canada. Elle est bordée des deux côtés par le lac Érié.
Au fur et à mesure que le printemps s'installe, les promenades dans le boisé du Tremblay s'allongent; particulièrement ce matin, car il n'est pas tombé que de la pluie la nuit dernière.
Probablement portés par les vents du sud qui ont amené l'humidité, de nombreux migrateurs se sont ajoutés aux bruants à gorge blanche et aux roitelets à gorge rubis arrivés il y a deux jours. Nous avons même croisé notre première paruline, une paruline à couronne rousse, pas du tout celle que nous nous attendions à voir. Il y avait aussi des bruants des marais, des bruants fauves, des grives solitaires, des quiscales rouilleux, des tonnes de roitelets à couronne rubis (et pour faire une tonne de cet oiseau, il en faut beaucoup), et parmi eux, un roitelet à couronne dorée.
Bruant des marais
C'est une sorte d'avant-goût de Pointe-Pelée (Ontario), destination pour laquelle nous partons demain avant l'aurore; c'est quand même à neuf heures et demie de route. Point le plus au sud du Canada, sur la rive nord du lac Érié, cet échantillon de la forêt carolinienne est un point de passage obligé pour les migrateurs qui traversent les Grands Lacs, incluant les Monarques. La légende veut que lorsque les vents sont favorables, ils sont des milliers à tenter la traversée de nuit et à s'échouer à l'aube, épuisés, sur la plage de Pointe-Pelée.
En fait, ce n'est pas tout à fait une légende, juste une réalité de quelques années auparavant, d'avant l'agriculture industrielle, des tours à bureaux de nos centre-villes éclairées la nuit sur lesquelles les migrateurs s'écrasent, d'avant la destruction massive des habitats naturels (il n'y a qu'à regarder une vue satellite du coin sur google earth pour s'apercevoir de l'étendue du problème).
Quiscale rouilleux: remarquez la nuance de brun sur la tête qui le distingue du quiscale bronzé et la queue beaucoup plus courte et droite que celle de son congénère.
C'est un lieu que nous fréquentons souvent, mais nous arrivons encore à nous y perdre. Cette fois-ci, en suivant les sentiers que personne ne prenait, nous nous sommes retrouvés au sommet en compagnie d'un couple de grands pics, d'un pic maculé et d'un grimpereau brun. Il y avait aussi deux hépatiques à lobes aigus et un groupe de cerfs de Virginie que nous avons dérangé bien involontairement. Il faudrait que la feuillaison s'active sérieusement; le vert me manque.
C'est le moment idéal pour apprendre à reconnaître les grenouilles à leur chant. En plus, le nombre des espèces est quand même assez limité, en tout cas au Québec, et leur chant, vraiment distinctifs. Bon, je sais ce que vous allez me dire: "à quoi ça sert de connaître le chant des grenouilles ?" Sur quoi je vous répondrai sur un ton blasé: "À la même chose qu'une piscine hors-terre dans un pays où l'eau est gelée pendant 6 mois... À se faire plaisir !"
Pour produire leur chant, les grenouilles ont recours à un ou deux sacs gulaires (c'est selon les espèces). Un sac gulaire est une poche membraneuse extensible située au niveau de la gorge. Chez les amphibiens, il a une fonction d'amplification du son et on lui donne aussi le nom de sac vocal. Il est considéré comme un caractère sexuel secondaire, parce que seuls les mâles en possèdent et qu'il ne se développe que pendant la saison de l'accouplement.
Ces sacs gulaires existent chez d'autres espèces animales comme les oiseaux par exemple. Il sert alors à se démarquer des autres en affichant des couleurs vives pour s'attirer les faveurs d'une femelle (frégates) ou à attraper de la nourriture (pélicans).
Sur les vidéos ci-dessous, on peut voir une grenouille des bois qui a besoin de deux sacs vocaux pour produire un couac disgracieux et deux petites rainettes crucifères qui n'ont besoin que d'un sac vocal pour produire un sifflement extrêmement sonore (elles peuvent aussi faire des trilles sur la même note).
Entre deux tirages de joints (je ne fume pas, je rénove ma salle de bain), je vais faire un tour dans le jardin pour changer la poussière de plâtre qui remplit mes poumons par de l'air pur.
Au printemps, chaque nouvelle sortie de terre compte et le tour se fait presque à quatre pattes. Hier, j'ai eu l'agréable surprise de voir fleurir l'hépatique acutilobée qui habite le jardin depuis deux ou trois ans. Quant aux sanguinaires du Canada, elles ne tarderont plus. Elles se resèment d'année en année et commencent à former un vrai tapis.
Et puis, il y a l'ail des bois qui commence à sortir. Contre tout espoir, il s'est encore contenté de produire deux pieds, comme les années précédentes. Peut-être l'année prochaine.
Hier était une belle journée de printemps, comme aujourd'hui d'ailleurs. Alors, nous sommes allés voir où en était le printemps dans le boisé du Tremblay.
Il faut croire que c'était la journée des tas. En nous promenant, nous en avons croisé de toutes les sortes: des tas de tussilages en fleurs, des tas de couleuvres rayées très occupées à s'accoupler, des tas de grenouilles des bois très occupées à les imiter et des tas de troncs d'arbres, beaucoup trop (j'y reviendrai dans un autre article).
Les couleuvres rayées se regroupent dans un hibernacle pour passer l'hiver. Ce peut être un terrier abandonné, une anfractuosité d'un rocher; celles de notre jardin se regroupent dans le mur de briques de la maison derrière un compteur électrique. Au printemps, elles se dispersent pour vaquer à leurs occupations, notamment la reproduction. Les femelles sécrètent alors des phéromones sexuelles pour attirer les mâles des alentours qui forment des amas autour des femelles pour tenter de les féconder. Cela ne dure pas très longtemps; nous n'en avons pas trouvé aujourd'hui.
Les grenouilles aussi forment des amas, les mâles s'agglutinant autour d'une femelle.
Bruant chanteur...check. Cela fait trois ou quatre jours qu'il est arrivé, bien content que les colverts soient enfin là pour pouvoir nettoyer leurs restes
La cane explore le terrain, suivi du mâle qui ne la lâche pas d'une semelle. Leur vie familiale est encore un mystère. Tout ce que nous savons est que le bassin est un lieu d'accouplement, mais nous ne pensons pas qu'elle ait déjà mené une nichée à terme. Jusqu'à présent, elle passait trop de temps au jardin pendant la saison de reproduction pour assurer une couvée. Le fait qu'elle explore les recoins du jardin pourrait faire penser qu'elle cherche un endroit pour installer son nid. L'année dernière, elle avait déjà eu ce comportement, sans résultat. Seule nouveauté cette année, les premiers accouplements ont déjà eu lieu...avec un bon mois d'avance sur les années précédentes.
Ils sont tombés du ciel vers 18 heures. Deux jours de retard, on commençait à s'inquiéter. Peut-être étaient-ils dans le coin hier, car nous avions vu tourner un couple de colvert au-dessus de la maison, mais le bassin encore gelé avait dû les dissuader de se poser. Avec la pluie de la journée, tout a fondu.
Évidemment, malgré la pluie battante, nous nous sommes précipités dehors avec une collation de bienvenue et ils sont venus à notre rencontre, un peu méfiants et en gardant une certaine distance. Ça devrait s'arranger assez vite.