Une année qui finit bien

Pendant que les imprudents et les brandisseurs de liberté individuelle faisaient la file d'attente devant les centres de test pour la COVID 21, ma blonde et moi nous promenions dans un parc des Îles de Boucherville déserté où nous fûmes accueillis par un renard roux tenant en sa gueule un lapin de réveillon. 

Harle couronné et Canard colvert

Sur l'eau encore libre du chenal principal de l'archipel, plongeurs et barboteurs se tenaient compagnie. Un peu plus loin, nous avons croisé un vison d'Amérique qui s'en allait les rejoindre, puis quelques cerfs de Virginie en tenue de gala. Finalement, l'heure avançant et les visiteurs affluant, nous avons pris le chemin du retour.  

Joyeux Noël

Ce matin, ma blonde et moi sommes allés faire un petit tour au parc Michel Chartrand qui, tous les ans, défraye la chronique avec ses "chevreuils" qu'il faudrait abattre au grand dam de ceux qui ne peuvent pas s'empêcher de les nourrir et de favoriser ainsi leur multiplication. Que les cerfs de Virginie profitent de leur Noël, c'est le dernier. La viande sera distribuée à des organismes de restauration charitable.

Les cerfs ne seront bientôt plus les seuls à être relégués au rang de souvenirs, les frênes morts de l'agrile aussi. L'abattage des arbres semble être le seul secteur à ne pas souffrir de la pénurie de main d'œuvre au Québec et les bûcherons allaient bon train. Que les pics et autres utilisateurs de bois morts profitent de Noël, je prédis qu'il leur sera difficile de se loger au printemps.

Malgré le bruit des tronçonneuses et des déchiqueteuses voisines, il y avait cette petite Nyctale dénichée par ma blonde, un beau cadeau de Noël que j'ai laissé dans le "sapin". Cet oiseau nocturne capable de détecter ses proies à l'ouïe avait l'air fâché de l'ambiance sonore.   

Une grive vraiment solitaire

Depuis une semaine, chaque fois que j'ouvre la porte d'entrée, je fais fuir une grive solitaire (Catharus guttatus). Elle tourne le coin de la maison et va se réfugier dans le sureau ou sous le patio. 

Elle devrait déjà être dans le sud des États-Unis. A-t-elle raté le train, perdu le sud ou trouvé dans notre vigne vierge suffisamment de raisins pour passer l'hiver ? Espérons que les -15° C de ce matin vont réétalonner ses instruments de navigation. 

Le régime de la grive se limite à des raisins secs et à de la neige.
En été, Parthenocissus tricuspidata fait de l'ombre à la maison et bourdonne de guêpes et d'abeilles de toutes espèces qui viennent y butiner. En automne, elle nourrit les grives de passage puis ce qu'il reste de raisins fait le bonheur des souris en hiver.

Un 16 décembre à Longueuil

Ce matin, il y avait deux pistes dans la neige devant la porte: celle du raton laveur qui était venu faire la tournée des poubelles pendant la nuit et celle d'un lapin à queue blanche qui vient régulièrement tailler les branches les plus basses de notre faux-cyprès de Nootka (Chamaecyparis nootkatensis).

Les empreintes du raton (qui se déplace de droite à gauche) vont par paires. Les plus petites traces, en avant, sont laissées par les pattes antérieures en alternant à gauche et à droite (ici, en bas et en haut) d'une paire à l'autre.
Le lapin à queue blanche (qui se déplace de gauche à droite) et le lièvre d'Amérique tracent des Y: le pied de la lettre (les deux points de gauche) correspond aux deux "antérieures" qu'il pose en deux temps (la réception du bond) et les branches du Y (les deux points parallèles de droite) correspondent à ses "postérieures"  qu'il ramène en croisant devant les antérieures pour préparer le bond suivant...vous visualisez ?

Un 3 décembre dans le Boisé du Tremblay

Cela faisait un moment que j'avais envie d'aller voir le fameux passage faunique construit sous le futur et feu prolongement du boulevard Béliveau pour permettre soi-disant le passage des rainettes faux-grillons boréales. "Soi-disant", car on a appris plus tard que la ville de Longueuil avait aussi prévu de laisser construire des unités d'habitations de chaque côté du boulevard; ce qui aurait probablement mis fin à la rainette dans le secteur.

Mais tout ça est révolu, les défenseurs du boisé ont fini par faire entendre raison aux décideurs et tous les travaux ont été abandonnés.  

Le prolongement devait relier le rond-point (en bas, plus ou moins au centre) au cul-de-sac (plus haut) et couper ainsi le boisé en deux à travers un habitat humide connu pour héberger la rainette faux-grillon.

En arrivant sur les lieux, ma première surprise fut de constater les dégâts. Égouts, aqueducs, bornes-fontaines, lampadaires, tout était là, il ne restait plus qu'à recouvrir les grenouilles déjà enterrées d'un linceul d'asphalte.

En gris, la zone marécageuse; en blanc, le tracé du boulevard

Je me dirigeais donc vers le milieu du chantier, à mi-distance entre le rond-point et le cul-de-sac, là où je m'étais imaginé trouver le fameux corridor. Dans le prolongement d'une zone marécageuse que les grenouilles utilisent pour se reproduire, à mi-distance entre les trépidations d'un boulevard très fréquenté (bas de la photo) et les activités humaines d'une zone résidentielle (en haut), ce n'était pas faire preuve de trop d'imagination, de juste un peu de bon sens. Mais je me trompais, je l'ai trouvé plus loin, au ras des maisons. 

Tout cela a couté un peu plus de deux millions. Depuis, la mairesse qui a approuvé les travaux a été remplacée. Le directeur général, celui qui "sous l'autorité du comité exécutif, est responsable de l'ensemble de l'administration de la Ville, dont il planifie, organise, dirige et contrôle les activités" (sic le site internet de Longueuil), est toujours en place et les défenseurs du boisé réclament à juste titre la restauration des lieux, ou ce qui s'en approche le plus, dans l'éventualité où la rainette faux-grillon boréale aurait survécu à ces travaux. Mais ça, nous le saurons que le printemps prochain en tendant l'oreille.

Rainette faux grillon de l'Ouest ou boréale ?

Jusqu'à récemment, si vous m'aviez demandé quelle espèce d'amphibiens menacée justifie que l'on protège le boisé Du Tremblay, je vous aurais répondu la rainette faux-grillon de l'Ouest (Pseudacris triseriata). 

Pseudacris triseriata par Pfinge at French Wikipedia., CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons

Eh bien, je me trompais et je vous répondrai dorénavant la rainette faux-grillon boréale (Pseudacris maculata). Pour ma défense, il faut préciser que les deux espèces sont indiscernables à première vue et que je ne faisais que répéter ce qu'on lit partout, même dans la littérature scientifique récente.

Mais voilà, les connaissances scientifiques évoluent avec les techniques d'analyse et l'ADN a remplacé le rapport T/SVL.   

Le rapport T/SVL est calculé en divisant la longueur du Tibia par la distance entre le museau (Snout) et l'orifice du cloaque (Vent). Ce rapport est en moyenne de  42,6 chez P. triseriata et de 39,3 chez P. maculata, avec un chevauchement des valeurs extrêmes.

Jusqu'en 2003, on pensait que la rainette faux-grillon boréale était complétement absente du Québec. Jusqu'à ce qu'une équipe de l'entreprise FORAMEC la découvre autour de la baie de Rupert (Jamésie, Québec) lors d'une étude d'impact du détournement de la rivière Rupert par Hydro-Québec (voir ici). 

C'est en se basant sur une mention non vérifiée et en faisant jouer des enregistrements des chants de la grenouille que l'espèce fut découverte. 

Pseudacris maculata par Tnarg 12345 at English Wikipedia., CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons

Puis en 2007, une étude américaine portant sur l'ADN des populations de rainettes faux-grillons permet de redessiner la carte de distribution des différentes espèces. Elle confirme également que la faux-grillon boréale est présente dans le sud de l'Ontario et suggère que les populations de faux-grillons de l'Ouest du Québec méridional pourraient avoir été mal identifiées. 

En 2015, une équipe de chercheurs québécois se penche sur la question. Ils inventorient des sites du sud du Québec connus pour héberger la faux-grillon de l'Ouest (notamment le boisé du Tremblay) en utilisant des enregistrements sonores des deux espèces. Première constatation, seules les faux-grillons boréales répondent aux appels. Ils prélèvent ensuite des échantillons d'ADN, qui, après analyse, confirment qu'ils appartiennent bien à des rainettes faux-grillons boréales.

Pseudacris maculata map
Distribution de Pseudacris maculata par Cephas, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons
Pour la première fois, ces travaux apportent la preuve que les populations de faux-grillon du Québec méridional ont été mal identifiées. Les chercheurs expliquent cette erreur par une diminution du rapport T/SVL dans une population locale et isolée qui a continué malgré tout à évoluer.

Est-ce que cette découverte change quelque chose à la protection de ces grenouilles et des milieux qui les hébergent ? Absolument pas et au contraire, étant donné l'isolement et la fragilité de ces populations de faux-grillon boréale, et de la quantité d'informations scientifiques qu'elles peuvent fournir sur leur biologie, leur évolution et la dynamique de leur population.

Sources:

Picard, I., & Desroches, J.-F. (2004). Situation de la Rainette faux-grillon de l’Ouest (Pseudacris triseriata) en Montérégie - Inventaire printanier 2004. En Collaboration Avec Le Centre d’information Sur l’environnement de Longueuil (CIEL), Longueuil, Québec, 50 pages. 
Fortin, C., Ouellet, M., & Grimard, M. J. (2003). La rainette faux-grillon boréale (Pseudacris maculata) : présence officiellenent validée au Québec. Le Naturaliste Canadien, Vol. 127, 71–75. 
Lemmon, E. M., Lemmon, A. R., Collins, J. T., Lee-Yaw, J. A., & Cannatella, D. C. (2007). Phylogeny-based delimitation of species boundaries and contact zones in the trilling chorus frogs (Pseudacris). Molecular Phylogenetics and Evolution, 44(3), 1068–1082.
Rogic, A., Tessier, N., Noël, S., Gendron, A., Branchaud, A., & Lapointe, F. J. (2015). A “trilling” case of mistaken identity: Call playbacks and mitochondrial DNA identify chorus frogs in Southern Québec (Canada) as Pseudacris maculata and not P. triseriata. Herpetological Review, 46(1), 1–7.
Dubois-Gagnon, M. P., Bernatchez, L., Bélisle, M., Dubois, Y., & Mazerolle, M. J. (2021). Distribution of the boreal chorus frog (Pseudacris maculata) in an urban environment using environmental DNA. Environmental DNA, (May), 1–13.

Cet article a couté 5 heures de recherches, de rédaction et de mise en page. Vous pouvez compenser la dépense d'énergie en cliquant sur le bouton "Buy me a coffee" ci-contre.

SIGÉOM n'existait pas,

 il faudrait l'inventer. 

La carte interactive du Système d'information géominière du Québec est une mine d'informations sur la géologie du Québec et je ne voyage pas dans la province sans l'avoir préalablement consultée.

Cette fois, je cherchais de l'information sur le sous-sol du boisé du Tremblay en préparation d'un texte sur son histoire géologique. Je commence par sortir une vue satellitaire assez générale de la région entre le fleuve Saint-Laurent (à gauche) et la rivière Richelieu (à droite), histoire de m'orienter.

Le mont Saint-Bruno est au centre, le boisé est à gauche (cliquer pour agrandir l'image). 

J'ajoute ensuite la surcouche de géologie générale du socle et j'ajuste la transparence. Apparaissent alors trois zones de couleur. En cliquant dessus, la légende m'indique que:

  • le brun foncé correspond à des roches intrusives alcalines intermédiaires à ultramafiques (Gabbro du Mont-Saint-Bruno) qui datent du crétacé. En clair, c'est une intrusion magmatique qui s'est produite il y a 125 à 145 millions d'années, lorsque la plaque américaine est passée sur un point chaud, à la façon d'Hawaï aujourd'hui.
  • Le brun moyen (sous le boisé) est du shale calcareux noir et du calcaire (shale d'Utica) datant de l'ordovicien moyen et supérieur. Traduction: ce sont des alluvions qui se sont déposées au fond d'une mer profonde (l'océan Iapéthus), il y a 445 à 470 millions d'années.
  • Le brun clair est du shale gris, du grès, du siltstone et du calcaire (groupe de Lorraine) de l'ordovicien supérieur et moyen. Historiquement, le groupe de Lorraine est la strate recouvrant le shale d'Utica et par conséquent formée immédiatement après. Son origine est discutée: peut-être un flysch (dépôt sédimentaire dans un bassin en fermeture) ou des sédiments pro-deltaïques.

Bon, ça, c'est le socle, mais dessus, qu'est-ce qu'il y a ? Je descends le menu de SIGÉOM et je trouve la couche cartographique des zones morphosédimentologiques du quaternaire, grosso-modo les différents dépôts d'alluvions depuis la glaciation du Wisconsinien (Würmien en Europe, je crois).

Je m'apprête à explorer quand je remarque un nouvel onglet "Lidar" à la fin du menu. Le lidar est un système de télédétection par laser qui permet, entre autres, d'avoir une mesure très précise du relief, même sous couvert forestier. J'essaie et wow, le mont Saint-Bruno apparait ainsi que cet étrange "chenal" au-dessus, entre deux plates-formes.

Comme j'aime bien me raconter des histoires, je me mets à imaginer que cela pourrait correspondre à une zone d'écoulement des eaux lorsque la mer de Champlain se retirait (vers le haut) en donnant naissance au Saint-Laurent. Alors, je teste les différents onglets des morphologies de surface et j'obtiens la carte suivante avec les formes alluviales et les formes glacio-lacustres ou glacio-marines, qui infirme l'hypothèse.

Bref, tout ça pour dire que SIGÉOM est un outil formidable et gratuit qui donne en outre accès librement aux publications scientifiques. Des heures de plaisir pour les curieux de géologie.   

En carrés blancs, les rebords des terrasses fluviales et en carrés noirs, les rebords des terrasses marines.

Juger l'arbre par l'écorce

Quoiqu'en dise le proverbe, il est tout à fait possible d'identifier certains arbres en jugeant leur écorce du regard. Épaisses ou minces, lisses, rugueuses ou épineuses, crevassées, écailleuses ou effilochées, grises, brunes ou d'une autre couleur, toutes sont différentes, mais toutes protègent le bois des intempéries, des maladies et des blessures.


De l'écorce, nous ne connaissons que la surface, la partie morte que les scientifiques appellent le rhytidome, mais en creusant un peu le sujet, on peut découvrir beaucoup plus en dessous. Tout est si bien expliqué et illustré sur cette page que je me contenterai d'énumérer les différents tissus qui composent le tronc, de l'extérieur vers l'intérieur:


Sur un arbre coupé, il est possible d'identifier certains tissus visuellement, mais pas tous et pas toujours; cela dépend de l'essence. Ainsi, l'écorce se distingue facilement de l'aubier duquel elle a tendance à se détacher. Pour le cambium qui ne correspond qu'à une épaisseur de quelques cellules et qui disparait en séchant, il suffit de se dire qu'il est entre les deux. Et pour distinguer l'aubier du duramen (qui n'est que de l'aubier mort), il suffit de se fier à la couleur du bois, même si cela ne tient parfois qu'à une nuance. 

Sur ce peuplier faux-tremble, la distinction entre l'aubier (trait noir) et le duramen (trait blanc) n'est qu'une hypothèse échafaudée sur une nuance de couleur. Pour agrandir l'image, il suffit de cliquer dessus.
Sur un gros plan du même arbre, on peut voir l'aubier (trait noir), le liber (trait blanc) et l'écorce externe (trait vert).

Un 20 novembre sur le Mont Saint-Bruno

Frimas, première glace sur les lacs, il ne faisait pas chaud ce matin. En revanche, c'était tranquille et moins il y a foule, plus on voit du monde comme cette chouette rayée et un grand pic.

Une biographie du carbone

Ça y et, la COP26 s'achève. Les pollueurs sont contents, ils vont pouvoir continuer. Les climato-anxieux n'ont plus qu'à se tourner vers le prozac ou la radicalisation. Et les autres sont divisés en deux: ceux qui sentent bien que quelque chose se détraque et qui espèrent une solution (quelque part, quelqu'un...mais pas eux) et les ignorants qui se complaisent dans leur état, mais qui seront les premiers à prendre les armes quand les gouvernements n'auront plus d'autres choix que d'imposer des changements à leur mode de vie.

En fait, la COP26 a quand même eu quelque chose de bon. Elle m'a permis de prendre connaissance de ce bel article publié par The Globe and Mail: What lies beneath: Exploring Canada’s invisible carbon storehouse. L'article impressionnant par son iconographie montre que les écosystèmes forestiers du Canada ne seraient pas les plus performants à long terme pour capturer et stocker le carbone atmosphérique et que, plutôt que de planter des arbres pour compenser nos émissions de carbone, on ferait mieux d'y penser à deux fois avant de perturber des écosystèmes moins boisés comme les tourbières, mais plus efficaces. L'article met l'accent sur le stockage naturel du carbone, mais ne nous apprend pas grand chose sur cet atome - ses origines, sa vie, son oeuvre - et sur les relations qu'il y a entre le carbone, le CO2, la biomasse et nous.

Emprunté à What lies beneath: Exploring Canada’s invisible carbon storehouse.

Et puis, j'avais aussi envie de savoir comment le carbone se répartissait sur Terre. Si bien que pour démêler tout ça, il a fallu que je me replonge dans le cycle du carbone. Pour commencer, l'atome C peut être inorganique ou organique selon les liaisons qu'il établit avec d'autres atomes.

"Inorganique" pourrait se définir comme un carbone qui existerait même si la vie n'existait pas.  C'est le cas du dioxyde de carbone CO2 un des gaz responsables de l'effet de serre, de l'acide carbonique H2CO3 responsable de l'acidification des océans, du carbonate de calcium (CaCO3) qui compose 50-90 % du calcaire et du diamant (C) qui est un cristal pur d'atomes de carbone.

En faisant mes recherches, j'ai lu la définition suivante: "le carbone inorganique est celui qui est associé à des composés inorganiques, c'est-à-dire des composés qui ne sont pas et n'ont pas été du vivant et qui ne contiennent pas de liens C-C ou C-H (hydrogène)". Pourtant le diamant (exclusivement des liaisons C-C) est inorganique.
Et le charbon ? De l'anthracite à la lignite en passant par la houille selon le degré de carbonisation, il est un cas un peu particulier. Bien que le géologue n'hésite pas à dire qu'il est minéral, le carbone qui le constitue est quand même d'origine végétale. Il est le produit de 300 à 500 millions d'années de fossilisation des forêts préhistoriques du carbonifère. Il en est de même pour le pétrole et tous les hydrocarbures qui le composent, d'où le qualificatif "fossiles" utilisé pour ces sources d'énergie.   

Ce qui nous amène au carbone organique qui se définit comme le carbone constituant le vivant ou produit par lui. Quand on dit "constituant", cela signifie qu'il est à la base de toutes les molécules du vivant: les glucides, les lipides, les protéines, l'ADN, etc, etc.. Pensez à n'importe quoi: un ongle, un oeil, un nerf, l'écorce d'un arbre et même l'arbre, la carapace d'un coléoptère, le lait, le pain, tout ce qui est vivant ou l'a été est fait de molécules à base de carbone. 

Le carbone n'est pas figé. Il peut passer naturellement de l'état organique à l'état inorganique. C'est même plutôt "facile" et il peut le faire de trois façons:

  • La respiration. La plupart des êtres vivants inspirent de l'oxygène et rejetent du CO2 (carbone inorganique). Ce dioxyde de carbone vient du métabolisme des glucides (carbone organique), (CH2O)n, qui produit de l'énergie selon la réaction simplifiée :
 (CH2O)n + O2 -> énergie + H2O + CO2 
Le n de la formule signifie que l'on peut répéter le motif entre parenthèses autant de fois que l'on veut ou presque. Ainsi, la formule du glusose est (CH2O)6 ou C6H12O6.
  • La fermentation qui est un autre moyen de produire de l'énergie à partir des glucides, mais sans oxygène. Elle est réalisée essentiellement par des bactéries selon l'équation:
 (CH2O)n -> énergie + CO2 + CH4

La fermentation produit deux gaz: le dioxyde de carbone (inorganique) et le méthane (organique) qui est le plus petit des hydrocarbures. La durée de vie de ce dernier est assez courte (moins d'une dizaine d'années dans l'atmosphère) car au contact de l'air il se transforme en dioxyde de carbone (ce qui n'arrange pas nos affaires) selon la réaction : 

CH4 + 2 O2 -> CO2 + 2 H2
  • La combustion des matières carbonées (en incluant le charbon et les hydrocarbures) qui produit du dioxyde de carbone CO2 selon l'équation: 
Carbone inorganique ou organique + O2 + Énergie -> Énergie + Lumière + Cendres + H2O + CO2 

En passant, l'essence "écologique" à base de biothéanol produit aussi du CO2 en brûlant : CH3CH2OH + 3 O2 → 2 CO2 + 3 H2O
On constate rapidement que le bilan de toutes ces réactions se solde inévitablement par la production de dioxyde de carbone et de méthane, deux gaz à effet de serre. Il est à noter que l'effet de serre du méthane est 20 fois supérieur à celui du dioxyde de carbone et qu'il en existe d'énormes réserves piégées sous terre; c'est le gaz naturel extrait pour être brûlé.

Heureusement, l'inverse se produit également et le carbone inorganique peut se transformer en carbone organique. Les voies de transformation sont par contre moins nombreuses. En fait, il n'y en a qu'une et c'est la photosynthèse réalisée par les végétaux chlorophylliens et les cyanobactéries qui transforment le CO2 en glucides selon la réaction : 

CO2 + H2O + Lumière -> (CH2O)n + O2

Tout le reste du carbone organique vient de la transformation de ces premières molécules (Merci aux plantes et aux bactéries !) 

Global carbon stocks
Dans ce diagramme de "Zac Kayler, Maria Janowiak, Chris Swanston, Public domain, via Wikimedia Commons", les unités sont en gigatonnes.

Enfin, pour être complet sur le cycle du carbone, il faut parler du rôle important de réservoir de carbone que jouent les océans. C'est un rôle complexe qui se base sur deux équilibres dynamiques. Avant toute chose, il faut savoir qu'une certaine quantité de CO2 se dissout spontanément dans l'eau, jusqu'à ce qu'elle en soit saturée (c'est un peu comme le sel : il arrive un noment où on ne peut plus le dissoudre). L'avantage du CO2 est qu'il se combine à l'eau pour donner de l'acide carbonique. C'est le premier équilibre qui peut s'écrire: 

CO2 + H2O <-> H2CO3

Par conséquent, plus il y a de CO2 dans l'atmosphère, plus il y a d'acide carbonique dans l'eau et plus les eaux deviennnent acides. La réaction est réversible (d'où les doubles flèches) et dépend des conditions du milieu. En réalité, l'équilibre est plus complexe que cela et s'écrit:

CO2 + H2O <> H2CO3 <-> HCO3- (bicarbonate) + H+ <-> CO32- (carbonate) + H+

Les formes ioniques (carbonates) de l'acide carbonique sont importantes (95 % du carbone dissout est sous la forme de bicarbonate), car elles sont impliquées dans le deuxième équilibre qui contribue à la régulation du CO2. En effet, ces carbonates peuvent rencontrer un ion calcium (Ca2+) et se combiner avec pour former spontanément, ou avec l'aide d'un animal qui fabrique sa coquille, du carbonate de calcium insoluble qui va précipiter au fond de l'océan et former les futures roches calcaires: 

2 HCO3- + Ca2+ <-> Ca(HCO3)2 [soluble] <-> CaCO3 [insoluble] + H2CO3

Tous ces équilibres fluctuent en fonction des conditions du milieu: pression, température, sans oublier la vie sous-marine qui respire et fait de la photosynthèse.

Voilà, en résumé, la vie du carbone ! Elle est simplifiée et incomplète, mais elle donne quand  même une bonne idée de la complexité des équilibres qui ont mis des millions d'années à s'établir et dans lesquels nous venons jouer avec insouciance. 

Un 9 novembre dans le boisé du Tremblay

La nuit tombe sur le boisé du Tremblay. Il n'est pas très tard, mais avec le changement d'heure, nous voilà revenus à l'heure solaire et comme le temps est nuageux, il devient diffcile de faire de la photo après 17 heures.

Dommage parce qu'il y a cet oiseau au bord du chemin. Perché au plus haut du plus grand arbre, de la taille d'un merle, on reconnait tout de suite sa silhouette, même sans lumière. Comme je ne le vois quand hiver, ce n'est pas bon signe.

Allez, je secoue mon apathie saisonnière, je zoome et je déclenche deux ou trois fois pour assurer. Bon, tout le monde l'a reconnu. Inutile de jouer sur le gamma, de pousser un peu le contraste et la vibrance, c'est une pie-grièche. Laquelle, la migratrice ou la boréale ? Je pencherais pour la boréale pour trois raisons:

  1. On a tellement modifié le paysage qu'observer la migratrice est devenu un exploit.
  2. Le bandeau noir sur l'oeil est quasi inexistant, ce qui suggère non seulement une pie-grièche boréale mais aussi que c'est son premier hiver. Et puis il y a beaucoup de teinte brune dans le plumage, un autre indice de son âge.
  3. La taille du bec et le crochet bien visible au bout.     

La même en "croppant" l'image et en poussant le gamma. Fu.. le français, je me lâche lousse. Ça fait pro et plus de son temps.

Un 7 novembre au parc régional des Grèves

Pris d'une passion récente pour les parcs régionaux du Québec dont j'avais sous-estimé la valeur écologique, j'ai entrepris de les explorer. L'année dernière, je m'étais pris d'affection pour le parc régional St-Bernard; cette année, c'est le parc régional des Grèves qui a fait mon bonheur.

Le hêtre d'Amérique semble se plaire à l'ombre du pin blanc.

À ma première visite, j'avais été impressionné par sa pinède blanche à pin rouge: sa présence en plein domaine bioclimatique de l'érablière à caryer, son âge presque centenaire avec des arbres de 25 mètres de haut, mais surtout sa vigueur avec toutes ces nouvelles générations de pins blancs couvrant le sous-bois. Je n'avais jamais vu ça.

Je m'étais promis d'y retourner pour finir l'exploration, mais le courriel d'un journaliste en quête de photos et la prise de contact par un membre de "Sauvons le parc régional des Grèves" ont précipité le mouvement.

Il faut dire que l'autre chose surprenante de ce boisé est la présence, en son coeur, du dépôt minier P-84. Autrement dit, une montagne de résidus nauséabonds dont Rio Tito Fer et Titane assure qu'elle est sans danger pour l'environnement et qu'elle sera une plus-value pour la population locale quand elle l'aura transformée en parc pour la glissade et le ski (sic). Cet argument parmi d'autres certainement plus convaincants a certainement contribué à obtenir l'acceptation sociale du projet lors des consultations publiques obligées...

Mais voilà, aujourd'hui, le dépôt ne suffit plus à contenir les déchets. Il faut augmenter le nombre de pistes de ski et faire disparaitre une autre tranche de cette forêt rare qui a été proposée pour recevoir le statut d'Écosystème forestier exceptionnel (EFE).

Merci Rio Tito de prendre soin des générations futures. Il est évident que des pistes de ski seront plus bénéfiques que des vieux arbres et tout ce qu'ils abritent 

Invasion de domicile

Cela fait deux fois en deux jours que je vois "galoper" des tiques sur mon plancher. Comme elles ne sont pas venues toutes seules, il va falloir que je sois plus prudent quand je rentrerai du jardin ou du bois et que je m'examine attentivement de la tête au pied. Probablement la faute aux ratons laveurs qui, toutes les nuits, viennent visiter le bassin et attraper ses grenouilles.  

Jusqu'à présent et en dépit du nombre de tiques, françaises et québécoises, que j'ai retirées depuis que je suis gamin, j'ai échappé à la maladie de Lyme. Ma blonde ne peut pas en dire autant et son expérience m'invite à la prudence, car les choses n'arrivent pas qu'aux autres, quoi qu'en pensent les négationistes de la COVID.

Après l'avoir examinée sous toutes les coutures et consuté le Guide d'identification des tiques du Québec, il semble bien que ce soit la tique à pattes noires (Ixodes scapularis), le vecteur de la maladie de Lyme.