Signe de vie

Même si ce n'est pas agréable à ramasser, un bac de déchets organiques renversé sur le bord de la route est un indice de la présence des ratons laveurs qu'il me fait toujours plaisir de relever.

Indigènes de l'ombre

Dans un jardin, il y a toujours un coin de clôture, un bord de cabanon, un dessous de patio ou un pied d'arbre qui ne voit jamais le soleil. Habituellement, on y plante des hostas, ces espèces de grosses laitues vivaces originaires des pays du soleil levant, du muguet de mai que l'on finit par arracher quand il devient envahissant ou du gazon que l'on resème chaque année parce qu'il refuse obstinément les soins palliatifs qu'on lui prodigue. 

Ce fut le cas dans notre jardin avant que nous décidions, pour le bien de notre environnement, de réintroduire des autochtones. Ainsi, au fil des années, sous un micocoulier parti d'une graine, la Violette du Canada, l'Asaret du Canada, l'Actée rouge, l'Arisème petit-prêcheur et la Tiarelle  stolonifère se substituent progressivement aux hostas, dont j'ai arraché l'avant-dernier pied, l'automne passé.

Comme je retrouve des spécimens à des endroits où je ne les avais pas plantés, je suppose que ces introductions plaisent à la faune locale qui se charge de propager les graines. À ce propos, comme chaque année, j'ai encore arraché quelques jeunes plants de chênes que l'écureuil gris avait semé en prévision de l'hiver. J'irai bien les planter dans le bois, mais dès que mon voisin me voit me pencher derrière ma clôture, il sort avec son appareil photo et se met à m'aboyer des gros mots.     

Au jardin, lorsqu'on échappe un chapelet de graines, on se retrouve rapidement avec un paquet de petits-prêcheurs qui prônent la reconversion au sauvage.  
Qui aurait cru que la violette du Canada pouvait être une plante envahissante ? 
Après avoir failli disparaître sous un bombardement de pesticides sur la pelouse du voisin, la talle de gingembre sauvage s'est finalement reconstituée. 
L'actée n'affiche son rouge qu'en été, lorsque ses fruits sont mûrs. Le reste du temps, elle est blanche et/ou verte.
La délicate tiarelle gagne un peu plus de terrain chaque année, mais elle est encore sous surveillance, car la compétition est rude.  

Une indigène de plus

Ça y est; ma patience est récompensée. Les graines d'Ancolie du Canada (Aquilegia canadensis) ont enfin fleuri. C'est une nouvelle espèce indigène au jardin et elle a l'air de se plaire sous le pimbina en compagnie des trilles et des violettes. Il n'y a plus qu'à surveiller la matteucie fougère-à-l'autruche qui a tendance à se répandre et à déménager la barbe de bouc qui n'est pas une indigène.

Les plantes laticifères

Les plantes laticifères sont appelées ainsi parce qu'elles produisent du latex. Il y en a beaucoup, mais la plus célèbre est certainement l'hévéa (Hevea brasiliensis) qui produit le caoutchouc.

L'arbre appartient à une famille spécialisée dans la production de latex, celle des euphorbiacées. Couper n'importe quelle plante de cette famille et vous verrez suinter une substance plus ou moins épaisse, colorée ou non, qu'il ne faut pas confondre avec de la sève. Pour le prouver, je suis allé torturer deux espèces d'euphorbes tropicales que j'entretiens à la maison: la Couronne-du-christ (Euphorbia milii) et l'euphorbe arborescente (Euphorbia ingens).

Euphorbia milii à gauche et Euphorbia ingens à droite et ci-dessous
Euphorbia milii

Il existe d'autres familles productrices de latex. Prenez l'exemple des papavéracées dont certaines espèces sont même cultivées pour ça. Si je vous dis Papaver somniferum, cela ne vous évoquera peut-être rien, mais si je vous parle de pavot somnifère et d'opium... Et ce n'est pas la seule espèce. Tous les pavots produisent un latex aux propriétés plus ou moins planantes (les pharmacologues préfèrent dire analgésiques ou sédatives), même le coquelicot (Papaver rhoeas). 

Papaver orientale est un pavot à latex blanc que l'on peut trouver dans les jardins québécois.

Et puis dans cette famille, il n'y a pas que le genre Papaver. Il y a aussi Sanguinaria avec son unique espèce à latex orange, la sanguinaire du Canada, et Chelidonium dont fait partie la grande chélidoine (Chelidonium majus) que l'on peut trouver en ville dans les terrains vagues.   

La sanguinaire du Canada était utilisée comme plante médicinale et comme teinture par les Amérindiens. Jusqu'à ce que l'on soupçonne récemment que la sanguinarine puisse causer un risque de lésions cancéreuses de la bouche, cet alcaloïde produit par la plante était un ingrédient de certains rince-bouches et dentifrices contre la plaque dentaire.
La chélidoine produit un latex jaune qui a la réputation d'éliminer les verrues.

Il existe aussi des plantes à latex qui n'appartiennent pas à des familles exclusivement laticifères. C'est le cas des astéracées qui comptent des plantes à latex comme le pissenlit ou la laitue, et des plantes sans, comme la marguerite, la camomille, et beaucoup d'autres. 

Le latex blanc de la laitue sauvage (Lactuca virosa) est sédatif à petites doses et hallucinogène à doses plus fortes. La laitue de table aurait aussi quelques propriétés sédatives, mais l'indigestion est atteinte bien avant de s'endormir. 
Le pissenlit produit un latex blanc comme le montre la fleur coupée du centre. Il a aussi de nombreuses propriétés médicinales dont celle d'irriter les banlieusards.   

Addendum: En écrivant ce mot sur les plantes laticifères, je viens de m'apercevoir qu'il y en avait justement une à côté de mon bureau. Tout le monde aura reconnu un ficus, un genre laticifère qui appartient à la famille des moracées.; je ne sais pas si toutes les moracées produisent du latex et j'ai passé suffisamment de temps sur le sujet pour ne pas aller chercher la réponse. À vous de jouer !

Révolution

L'histoire le montre : le printemps est une saison propice à l'émergence des révolutions. Le jardin n'y échappe pas et, cette année encore, un peu partout, des frondes s'organisent.