Festival des couleurs

Cette année, les couleurs de l'automne ont pris un peu d'avance dans le boisé du Tremblay et j'ai comme l'impression qu'il n'y a pas que les feuilles qui vont tomber. Tous ces points orange sur trois kilomètres, ça n'use pas que les souliers des scouts, ça entame aussi le moral du naturaliste.

Il faut croire que le responsable de l'environnement de la ville de Longueuil, fort de son Master of Business Administration et pressé par le citoyen craintif que les arbres lui tombent sur la tête (mais pas que le coronavirus pénètre dans ses poumons, sinon il porterait un masque), a décidé qu'il fallait couper tous les frênes morts ou mourants.

Et tant qu'à faire, on coupera large. Forcément, un MBA connaît l'économie d'échelle, à défaut de l'écologie d'une forêt et de l'intérêt des arbres morts pour la faune locale; pensons juste aux pics qui y nichaient au printemps.

Un 24 juillet dans les marais de Pointe-aux-Prairies


Un vendredi, tôt le matin, nous étions seuls ou presque à nous promener dans ce parc-nature de la pointe orientale de l'Île de Montréal. Cela faisait bien une dizaine d'années que nous n'y avions pas mis les pieds et j'ai été heureux de constater qu'il avait plutôt bien évolué. Bien sûr, comme partout, des vieux arbres ont été abattus. À qui faisaient-ils ombrage ? Leur âge vénérable a du donner le vertige à un gestionnaire qui ne pouvait envisager d'horizon plus lointain que celui de son année budgétaire. Il ne nous restait plus qu'à déplorer et à poursuivre une ballade qui nous réservait quelques bonnes surprises, à commencer par un parterre de monardes fistuleuses.

Monarde fistuleuse

Moins éclatante que la monarde écarlate importée des États-Unis pour colorer nos jardins, elle partage avec cette dernière les mêmes vertus thérapeutiques contre certaines infections respiratoires. Question goût, elles sont un peu différentes. Celui des feuilles de la monarde écarlate ressemble à s'y méprendre au thym et on peut les substituer sans problème en cuisine; ses fleurs apportent une note sucrée supplémentaire. La monarde fistuleuse a, quant à elle, un  goût prononcé qui tire plutôt vers la menthe (cette appréciation n'engage que moi).
Les monardes n'étaient pas les seules médicinales du parc qui s'est avéré être une véritable pharmacie. Parmi les plus remarquables, nous avons trouvé de l'agripaume cardiaque, que je n'avais jamais vu ailleurs que dans mon jardin, de la vipérine et des grandes aunées; toutes des eurasiennes. C'est à se demander si les sœurs recluses qui vivent dans le monastère voisin n'entretiennent pas un jardin de simples dont il se serait échappé quelques graines.

Grande Aunée

Et puisqu'on parle de la grande Aunée (Inula helenium), aussi appelée Inule aunée, saviez-vous qu'elle avait donné son nom à l'inuline, un sucre complexe que l'on trouve en grande quantité dans sa racine comestible.
L'inuline est considérée comme une fibre alimentaire (car non digestible) capable de limiter la glycémie post-prandiale (taux de sucre dans le sang après un repas) et comme un prébiotique (car stimulatrice de la flore intestinale).
Mais ce n'est pas tout à propos de l'aunée. Dans une étude récente publiée au mois d'avril 2020 (à lire ici), elle a été retenue comme candidate pour fournir des molécules potentiellement actives contre le virus de la COVID.

Souviens-toi des dinosaures

Il y a quelques années, nous avons adopté un Cycas revoluta, ou sagou du Japon pour les intimes. Il appartient à une vieille famille, les Cycadacées, qui ne compte plus qu'une centaine d'espèces, mais qui a connu son heure de gloire pendant le Jurassique. À cette époque, elle couvrait la Terre préhistorique; aujourd'hui, elle s'est retranchée dans les régions tropicales d'Afrique de l'Est et d'Asie du Sud-Est incluant l'Inde, le sud du Japon et le nord de l'Australie.

Si le cycas ressemble à une fougère ou à un palmier avec ses frondes et son stipe épineux, en réalité il se situe entre les deux.

Le stipe est un faux tronc formé par l'accrétion de la base des feuilles qui persiste après leur mort. Il est caractéristique des palmiers, des yuccas, des fougères arborescentes, entre autres.

Contrairement aux fougères qui se reproduisent en faisant "de la spore" (un truc démodé, mais qui fonctionne encore), le cycas, lui, fait des graines; ce qui est un signe d'évolution. Attention, pas des graines entourées d'un fruit sec ou charnu comme les angiospermes. Non, une graine nue ou tout juste revêtue d'un tégiument, pas vraiment finie quoi, comme le font les gymnospermes ou autrement dit, tous ces arbres pas très évolués que sont les conifères.

Le problème avec le cycas est qu'en vieillissant il prend de plus en plus de place, probablement un caractère qu'il a hérité de la belle époque des dinosaures à laquelle on voyait les choses en grand. Les feuilles, qu'il sortait une fois par an et toutes en même temps, par trois au début puis par six, par neuf et probablement par douze et plus dans le futur sont de plus en plus longues. Sachant qu'une plante à maturité peut faire 4 mètres de diamètre, il faudra bientôt lui réserver une pièce. Pour compliquer les choses, il n'a pas compris qu'il ne risquait plus de se faire brouter par un diplodocus et ses feuilles sont extrêmement raides et piquantes. Mais bon, on l'aime quand même l'ancêtre.

En ce qui concerne son sexe, le mystère reste entier, mais je ne désespère pas le voir fleurir un jour.  

Un ail, des aulx

Ail des bois

Depuis cinq ou six ans, j'entretiens avec beaucoup d'attention un pied d'Ail des bois (Allium tricoccum), une espèce d'ail sauvage protégée au Québec. Sa popularité ayant failli lui coûter la vie, sa cueillette est maintenant limitée à cinquante  pieds par personne et par an; ce qui me parait déjà beaucoup.
Jusqu'à cette année, mon ail faisait ses deux feuilles tôt au printemps, qui se flétrissaient et disparaissaient mi-juin me laissant sur l'impression que je ne les reverrai plus jamais (mon jardin n'est pas une érablière). 
Comme avec le temps, va, tout s'en va, j'ai fini par ne plus m'inquiéter. Passée la fin juin, je ne regardais même plus de son côté et laissais les véroniques à feuilles de serpolet envahir son espace. Cette année, alors que je vérifiais justement qu'elles n'exagéraient pas, j'ai aperçu la hampe florale de mon ail,  surgie de terre comme une espèce d'incongruité violacée au milieu des véroniques. 
Ces 10 centimètres carrés du jardin se sont soudainement mis à accaparer toute mon attention. Je me suis remis à arroser, surtout pendant la canicule, et j'allais y faire un tour quotidiennement pour suivre l'évolution des  choses. Je dois dire que sa floraison a été un peu décevante, rien à voir avec les parterres d'Ail des ours (Allium ursinum) que j'avais vu fleurir dans ma Touraine natale. 
Cet ail a des excuses. Il n'est pas vraiment dans son habitat, c'est sa première et il est tout seul. Aujourd'hui, il en est à la production de graines, mais il prend son temps. La croissance, la multiplication, tout est lent chez l'ail...sauf la récolte, ce qui explique l'état de sa population. Comme il parait qu'avec la floraison, le bulbe en profite pour se diviser, on peut espérer un doublement de l'effectif pour le printemps prochain, et peut-être des germinations. 

Ail des ours

Beach club, épisode 2

Pour ceux qui auraient manqué le premier reportage sur le beach club de Longueuil, notre paparazzi est retourné voler quelques images de vedettes en maillot de bain. Au milieu des habituées, il a pu surprendre quelques "guest stars". 

Dans l'ordre d'apparition: l'écureuil gris (surnommé la peste grise), l'Oriole de  Baltimore, le Moineau domestique, le Chardonneret jaune et la Paruline jaune, la femelle du Cardinal à poitrine rose, le Merle d'Amérique, le Cardinal rouge, le trio Chardonneret jaune - Moineau domestique - Paruline jaune, la Paruline jaune, le duo Moineau domestique - Paruline jaune et la Tourterelle triste. 

Tout en muscle

Charme de Caroline

Qu'il soit commun en Europe (Carpinus betulus) ou de Caroline en Amérique du Nord (Carpinus caroliniana), ce qui fait le charme est sa peau aussi lisse que mince dont les ondulations irrégulières laissent imaginer  un bois tout en en force et en dureté. 

Vivant, cet arbre a beaucoup été utilisé en Europe pour former des haies, car il est docile et se plie volontiers aux caprices du jardinier et de son sécateur. Il a même inspiré le nom d'une forme d'allée, la charmille.  

Mort, il a servi d'outil capable de prendre des coups et de les rendre. Les charrons et autres manieurs de maillet d'autrefois pourraient vous le dire; la dureté du charme n'est pas qu'un fantasme. Et si vous ne savez pas de quel bois vous chauffer, il parait que celui du charme est de ce ceux qui dégagent le plus de chaleur.

Teigneux comme un colibri

 
Je me souviendrai toujours de mon face à face avec un colibri à gorge rubis. À l'invitation d'un bagueur, je m'étais approché d'un abreuvoir et j'attendais sans bouger. Au bout de cinq minutes, le colibri est arrivé, il s'est immobilisé à 15 cm de mon visage en vol stationnaire et m'a regardé droit dans les yeux sans sourciller. Je ne sais pas lequel des deux était le plus impressionné.  

Hirondelle bicolore

Des six espèces d'hirondelles qui nichent au Québec, la bicolore est peut-être la plus commune. En tout cas, si ce n'est pas le cas, elle ne doit pas être loin derrière l'hirondelle rustique qui, elle, est sans conteste la plus commune sur la planète.

L'Hirondelle bicolore a beau être abondante, sa population comme celle de beaucoup d'autres est en recul et a perdu les trois quarts de ses effectifs depuis les années 70 selon le deuxième atlas des oiseaux nicheurs du Québec méridional. La cause principale serait les pesticides... Quelle surprise !

L'histoire du micocoulier


J'entretiens avec les plantes une relation particulière que je ne saurais définir. Cela ne va pas jusqu'à embrasser les arbres, comme certains, mais il y a quand même un petit quelque chose de plus que le regard ou le toucher, un attachement faisant en sorte que lorsque je sème, c'est pour longtemps. 
Par exemple, le micocoulier occidental du jardin vient d'un fruit que j'ai ramassé au boisé Papineau à Laval, il y a plus de vingt ans. Après avoir passé quelques années dans un pot sur un balcon de la rue Bellechasse à Montréal, il a déménagé à Longueuil où il a pu enfin étaler ses racines. Je l'ai quand même déplacé trois fois avant de lui trouver sa place définitive. Lors du premier déplacement, il devait faire une cinquantaine de centimètres, j'ai brisé le "tronc" à mi-hauteur; j'ai bien cru que je l'avais perdu. Pantoute, il a fait deux branches qui se sont redressées et ont pris le relais en faisant une fourche.
Aujourd'hui, il commence à avoir l'allure d'un bel arbre: la hauteur, le port, le diamètre du tronc. Il nous fait de l'ombre et le tamia aime bien y faire la sieste, à cheval sur une branche.


Poser un lapin

Pour des raisons différentes, les lapins à queue blanche et les mouffettes rayées adorent les pelouses bien entretenues. Les premiers viennent y faire la sieste et plus, si affinités. Les secondes les labourent pour y trouver des larves de hanneton.

J'aurais aimé héberger une moufette sous mon cabanon, mais ce serait laisser la porte ouverte aux lapins et aux marmottes qui lorgnent toutes nos plantes à travers la clôture; un sacrifice auquel je ne peux consentir.

Encore un peu trop sauvage

Décidément, le mont Saint-Bruno n'en finit plus de fleurir. Après les panneaux de signalisation, le marquage des aspérités du chemin à la peinture fluo a égayé notre ballade.

Alors, en attendant l'asphalte pour les coureurs, les réverbères pour les chiens (puisqu'ils sont maintenant admis) et les cônes orange pour que le bois ressemble enfin à une rue de Montréal, on cherche des bénévoles pour peindre les tiques en jaune...seulement celles qui sont infectées.