Un 18 avril autour de la lagune de Fuente de piedra

Située à 400 mètres au dessus du niveau de la mer et isolée de la Méditerranée par 50 kilomètres de cordillère bétique, la lagune de Fuente de piedra, la plus grande d'Andalousie, est en réalité un grand lac salé qui recueille les eaux de ruissellement d'un bassin d'un peu plus de 150 km2. Ce bassin a la propriété d'être endorhéique, c'est-à-dire que ses eaux ne peuvent s'échapper que par évaporation.
À Fuente de piedra, malgré la dimension respectable de l'étendue d'eau (6,5 km de long sur 2,5 de large, pour une profondeur de seulement 50 centimètres), les 470 millimètres de précipitations annuelles ne suffisent pas à compenser l'évaporation estivale et les 1300 hectares du lac disparaissent entre le mois de juillet et les premières pluies d'automne.


Aussi improbables que paraissent les conditions de vie en raison de l'absence d'eau ou de sa salinité fluctuant entre 9 et 220 grammes par litre (à titre d'exemple, celle de l'eau de mer est d'environ 35 g/l), cet écosystème abrite la plus grande colonie de flamants roses d'Espagne et la deuxième d'Europe. Les quelques 12000 échassiers y trouvent suffisamment de zooplancton pour nourrir leur progéniture jusqu'à l'assèchement du lac. Aussi, quand on le visite en avril et que l'on constate la diversité de la faune, notamment aquatique, on a peine à imaginer que le paysage puisse se transformer au point de ne laisser voir qu'une croûte de sel.

Lapin de Garenne
Émyde lépreuse

Un 18 avril au sommet du "Torcal de Antequera"

À 5 km au sud de la petite ville andalouse d'Antequera, se trouve un des plus beaux massifs karstiques d'Europe. Le Torcal, avec ses 1300 mètres d'altitude fait partie de la cordillère bétique qui longe la Méditerranée au sud de l'Espagne et se prolonge en Afrique du Nord par delà le détroit de Gibraltar.
Vu d'en bas, le Torcal d'Antequera ressemble à n'importe quelle autre montagne. La beauté fascinante de ce karst, produit par l'action dissolvante de l'eau sur les roches calcaires, se révèle au fur et à mesure que l'on accède au plateau sommital. On découvre alors un labyrinthe de canyons creusés dans la pâleur grisâtre d'une roche empilée en strates, dont l'horizontalité et la régularité ont quelque chose de surnaturel. Quelques végétaux s'acharnent à conquérir ce monde minéral, mais leur maigreur témoigne de la difficulté de la tâche et ne fait que souligner l'hostilité des lieux à l'égard du vivant.
Et pourtant, de la vie il y en a, et depuis longtemps comme en témoignent les fossiles d'ammonites incrustés dans le calcaire. À ce jour, on a recensé 116 espèces de vertébrés et 664 espèces de plantes. Certaines sont endémiques et si rares qu'une partie de la montagne, déjà instituée patrimoine mondial de l'UNESCO pour ses particularités géologiques, est protégée par son statut de réserve naturelle.



L'histoire du Torcal commence au Jurassique, il y a 200 millions d'années, lorsque la Pangée se sépare en deux masses continentales: Laurasia au nord (qui donnera naissance à l'Europe et à l'Amérique du Nord), et Gondwana au sud (qui se séparera en Amérique du Sud, Afrique, Inde, Australie et Antarctique). Les deux nouveaux continents sont alors séparées par l'embryon de l'océan Atlantique et la partie occidentale de l'immense océan Téthys, ancêtre de la mer Méditerranée. Pendant les 175 millions d'années suivants, les sédiments vont s'accumuler au fond de cet océan sur plusieurs milliers de mètres d'épaisseur. Au miocène, il y a environ 25 millions d'années, la dérive de la plaque africaine vers la plaque européenne, qui se poursuit encore aujourd'hui, provoque la fermeture de Téthys, ainsi que le plissement et l'émergence de son plancher océanique sous la forme de la cordillère bétique et des Alpes.

Extrait de : Pezzi Manuel. Le Torcal d'Antequera (Andalousie) : un karst structural retouché par le périglaciaire. Méditerranée, deuxième série, tome 21, 2-1975. pp. 23-37

Dans cet ensemble, le Torcal n'est autre que le sommet d'un anticlinal (un pli en forme de dome, par opposition au synclinal en forme de cuvette), ce qui explique l'horizontalité presque parfaite des strates. L'eau de ruissellement s'est ensuite infiltrée dans les failles créées par la tension des roches au cours du plissement et a dissout les calcaires pour former ce relief si spectaculaire.