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Sur la terre des faucons et des Algonquins

Aujourd'hui, nous devions aller faire le sentier des cascades quelque part au sud du village de Laforce. Après quelques kilomètres de belle piste, nous finissons par trouver l'accès pour finalement nous rendre compte après une cinquantaine de mètres de marche que le sentier a été rendu à la nature. Il ne reste qu'un gazébo, une table à pique-nique et quelques graffitis d'ados.

Au Témiscamingue, l'automne est commencé.

Qu'à cela ne tienne, nous décidons d'aller voir à quoi ressemble le bout de la route et le village de Winneway qui en marque la fin. Sur le chemin, nous croisons plusieurs crécerelles d'Amérique et faucons émerillons perchés sur les fils électriques. Nous n'en avons jamais vu autant que depuis que nous sommes au Témiscamingue. Nous avons également pu observer le faucon pélerin.

Faucon émerillon
Crécerelle d'Amérique

Sur le point d'arriver, nous sommes arrêtés par un poste de contrôle que nous ne nous attendions pas à trouver là. Trois jeunes gens souriants et sympathiques en sortent et nous demandent en anglais ce que nous venons faire là. Ils nous apprennent alors que nous arrivons dans la communauté de Winneway, territoire de la première nation algonquine Long Point. L'objectif du contrôle est de confirmer notre état vaccinal en montrant notre vaxicode. Quant à la raison de notre visite, la simple curiosité de voir à quoi peut ressembler le bout de la route fait sourire les jeunes, mais nous rend plutôt mal à l'aise, ma blonde et moi.

Ce malaise, nous le ressentons à chaque fois que le hasard de la route nous mène à une réserve. Impossible de surmonter ce sentiment de culpabilité d'appartenir au camp de l'oppresseur (et pourtant, je ne suis pas né sur ce continent et cette histoire n'est pas la mienne), de faire partie de ceux qui ont massacré les Premières Nations, qui ont inventé le concept de réserve pour ostraciser les survivants et qui continuent à les exclure et à les maltraiter. Alors, nous sommes allés au bout de la route, sans plaisir, et nous sommes retournés sur nos pas.

Un 25 septembre vers le lac des Quinze

En ce 25 septembre de l'an de grâce 2021, nous décidâmes de remonter la rivière des Outaouais jusqu'à sa source. Nous fîmes un arrêt à Notre-Dame-du-Nord, là où la rivière devient le lac Témiscamingue, dans le but d'obtenir la bénédiction de notre expédition, puis remontâmes le cours de la rivière vers le lac des Quinze.

La rivière des Outaouais au lac Kakake: à partir de là, nous empruntons "l'explorateur", un des chemins de randonnée balisés par l'organisme Récré-eau des Quinze.

Au lac Kakake, au bout du chemin du Pouvoir, nous fûmes contraints d'abandonner notre monture pour continuer à pied. Après 4 heures de marche dans une jungle froide et hostile, peuplée d'arbres vertigineux et de créatures toutes plus étranges les unes que les autres, nous dûmes nous avouer vaincus et rebrousser chemin.

Polystic faux-acrostic
Pin blanc

De retour à notre camp de base, nous réalisâmes la vanité de notre tentative en consultant Wikipedia qui nous apprit que la rivière des outaouais est le plus long cours d'eau du Québec (1271 km) et que sa source, parfaitement identifiée, est le lac des Outaouais situé bien au-delà de nos capacités.

Un monstre inconnu, capturé et confié aux experts de iNaturalist.com
Un autre trop rapide pour la pellicule numérique, mais connu sous le nom de Grand Pic

Un 24 septembre sur les hauts d'Obadjiwan-Fort Témiscamingue

En jouant à poser son doigt au hasard sur une carte pour connaitre sa prochaine destination, on peut se retrouver au bord du lac Témiscamingue. Frontière naturelle entre le Québec et l'Ontario, le nom vient de l'Algonquin "temi kami" qui se traduit par "eaux profondes", et avec ses 120 mètres de profondeur, on peut dire que les algonquins avaient vu juste.

En 1685, les Français établissent un premier poste de traite avec la nation Timiskaming dans un détroit du lac permettant la surveillance des allers et venues des autochtones, mais surtout des anglais, sur cette voie de communication essentielle vers le Nord et la baie d'Hudson qu'était la rivière des outaouais.
Chêne à gros fruits
Et son client, l'écureuil roux

En se promenant autour du lac Saint-Jean

Même si le volume d'eau du lac Saint-Jean parvient à tempérer un petit peu le climat, Il n'y a aucun doute sur le caractère boréal des paysages dominés par les conifères (épinettes, sapin baumier et pin gris) au milieu desquels parviennent parfois à s'immiscer des bouleaux blancs ou jaunes, et des sorbiers d'Amérique.

Dans les zones autrefois cultivées, on retrouve évidemment l'omniprésent peuplier faux-tremble qui est souvent le premier à se dévouer pour effacer les traces de notre passage.  

Les pins gris se plaisent dans les sables laissés par la mer de Laflamme , il y a 10000 ans. Ils y forment des peuplements purs de grands arbres.
Une autre spécialiste du sable, la comptonie voyageuse (Comptonia peregrina) est omniprésente. Malgré ses feuilles de fougères qui lui ont valu le nom de "Sweet Fern", c'est un petit arbuste de la famille des Myricacées. Les résidents de Montréal et de ses environs peuvent en voir au parc d'Oka où elle est considérée comme une plante rare. Je n'ai pas encore trouvé pourquoi on la dit voyageuse.
Le sorbier d'Amérique est une autre espèce très présente autour du lac

Quand on parle de Boréalie, on ne peut passer sous silence le pic à dos noir, un spécialiste des conifères qui, contrairement à la plupart des autres membres de sa famille, ne creuse pas le bois, mais préfère écorcer les troncs en glissant son bec sous les écailles d'écorce. Cette technique moins bruyante le rend plus difficile à repérer par les observateurs.

Et puis parfois, les promenades vous réservent des surprises.

Un panda roux songe aux forêts de bambous des montagnes de son pays natal sous le regard attendri des visiteurs du zoo de Saint-Félicien qui prend bien soin de mettre de l'avant sa mission de sauvegarde des espèces menacées pour justifier sa présence.

Au bord de la route (je n'en croyais pas mes yeux), des champs entiers de cannabis prêt à récolter, mais comme quasiment personne ne sait à quoi ressemble la plante avant de la fumer, le cultivateur n'a pas à craindre le pillage. Évidemment, c'est du "bio" et du "médical".   

De retour du Lac

Au Québec, quand on fait référence au Lac, on parle évidemment du lac Saint-Jean, ou Pekuakami en Innu. Avec ses 1050 km2 de superficie, ses 44 km de long et ses 24 de large, il n'est pourtant pas le plus grand lac naturel de la province; la première et la seconde place étant occupée par le lac Mistassini et le lac Wiyâshâkimî.

Le lac Saint-Jean occupe une vaste dépression qui prolonge le fjord du Saguenay et forme avec lui le graben du Saguenay. Le graben est une vallée au milieu du massif montagneux des Laurentides créée par un effondrement dont la cause, encore débattue, est probablement liée à l'activité tectonique qui a préludé à l'ouverture de l'océan Iapethus, il y a environ 600 millions d'années.

L'agriculture (les zones vert pâle sur la vue satellite) permet de visualiser la limite des terres arables correspondant au graben dont le centre est occupé par le lac St-Jean. La contre-partie est qu'il ne reste pas grand chose du paysage originel, car tout ce qui devait être défriché et cultivé l'a été. Au delà, ce sont les Laurentides, plus sauvages, mais pas a l'abri de l'exploitation forestière. Le lac se vide à l'est (à droite) par deux émissaires, la Petite et la Grande Décharge, qui alimentent le fjord du Saguenay (à l'extrême droite); tout le reste le remplit.

Je dois avouer que je n'ai pas "trippé" sur le paysage domestiqué des abords du lac: champs, usines polluantes, villages de bungalows de toute époque et de tout style, sans cachet, gros pick-up conduits par des casquettes pressées de se rendre à la "shop". Quand on naît là, on aime probablement son coin de pays, mais moi qui ne suis que de passage, j'ai préféré l'arrière-pays, celui des montagnes et des rivières rugissantes. 

Le lac vu de Racine-sur-le-Lac (5). On pourrait se croire au bord de la mer à marée basse si l'eau n'était pas douce

Le lac vu de Metabetchouan (4). Impressionnant, mais une goutte d'eau comparé aux Grands-Lacs

Les trois principaux affluents sont la Peribonka, la Mistassini et l'Ashuapmushuan qui débouchent dans le nord-ouest du lac après des parcours de 550, 200 et 300 kilomètres. Après avoir parcouru autant de distance, on pourrait croire que ces rivières se sont assagies. Mais non, ce sont encore des torrents impétueux et, par endroit,  infranchissables en canot.

Les chutes à l'ours de la rivière Ashuapmushuan (3)
En aval de la huitième chute de la Mistassini (2)
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La flore de l'île aux Basques (2/2)

Comme annoncé, voici le deuxième et dernier volet de mon palmarès des plantes du littoral  de l'île aux Basques. Il y en a beaucoup d'autres, mais il fallait faire un choix. La prochaine fois, je parlerai de la faune qui nous a réservé toute une surprise.

Que serait le vie de l'amateur de gin sans le genévrier commun ? Prostré sur son rocher, celui-là n'a l'air de rien, mais il livre quand même la marchandise. Ses baies qui n'en sont pas seront mûres et bleu foncé, l'année prochaine.
Je ne sais pas où la livèche d'Écosse puise son énergie pour être aussi imposante, mais elle est la preuve que les escarpements de l'île ne sont pas que le royaume des naines et des difformes. 
Quoiqu'il en soit, ce sont ces dernières que je préfère et je suis même tombé amoureux de la Sagine noueuse, peut-être la plus petite d'entre elles.
La potentille tridentée se moque bien de la mer. Elle, ce qui l'intéresse, ce sont les rochers où elle peut s'adonner à la varappe. Il parait qu'elle ne se déplace pas sans une équipe de champignons collés à ses basques, qui sont là pour la ravitailler en suppléments d'eau et de minéraux.
Et enfin le glaux maritime. Ce spécialiste des zones intertidales (entre marée basse et marée haute) est capable de retenir son souffle jusqu'à ce que la marée descende. Autre particularité, ses fleurs sont dépourvues de pétales. Ce que vous voyez, ce sont des sépales.  

La flore de l'Île aux Basques (1/2)


Cliquer pour agrandir
L'île aux Basques a beau ne pas être très grande (0.55 km2), elle supporte une grande diversité de végétaux qui contribuent à des écosystèmes aussi variés que des boisés de feuillus, de conifères ou mixtes, des micro-tourbières, un étang, des mini-marais salés, une prairie plus ou moins lande, et un littoral principalement rocheux, accessoirement sablonneux. 
La prairie est une étendue de plantes herbacées majoritairement composées de graminées (poacées) alors que la lande est une étendue de petites plantes ligneuses (arbrisseaux et sous-arbrisseaux) appartenant le plus souvent à la famille des éricacées. 

Dans le livre intitulé "L'Île aux Basques" et publié en 1997 par la Société Provancher d'histoire naturelle du Canada, on rapporte 336 espèces de plantes vasculaires, appartenant pour la plupart à la Boréalie. Personnellement, je les ai divisées en deux groupes: celles que j'espérais voir comme la Primevère laurentienne, la Saxifrage aïzoon (je préfère ce nom à la consonance exotique et à la prononciation incertaine, à l'officiel "Saxifrage paniculée") et au moins une de ces quatre espèces de petites fougères que l'on appelle les botryches; l'autre groupe étant évidemment constitué des plantes que j'ai vues ou revues.    

Comme je n'en ai trouvé aucune du premier groupe, je me bornerai à vous présenter (en deux épisodes) le "top-10" des plantes que j'admire pour leur faculté à s'épanouir dans les milieux hostiles (parce que pauvres, salins et venteux) que sont les littoraux; celles que je qualifierais de résilientes si l'envie me prenait d'utiliser un mot aussi galvaudé que ADN.

L'Iris de Hooker est facile à prendre pour le versicolore si on confond les sépales (larges et étalés) avec les pétales (courts, étroits et dressés entre les sépales).
Si le plantain maritime n'était pas hermaphrodite, cet étalage d'étamines pourrait passer pour une perversion masculine. 
Allongée au soleil sur la plage, la mertensie maritime ne bronze pas, elle bleuit.
Le Caquillier édentulé ne se pose pas de question; il pousse là où la vague a déposé sa graine.
La salicorne de Virginie n'a jamais su choisir entre le milieu marin et la terre ferme.

L'île aux Basques

Île aux Basques

L'Île aux Basques est un rocher presqu'entièrement recouvert de forêt d'environ 1,5 km de long sur 300 mètres de large, si l'on ne tient pas compte du long banc de sable du côté sud-est. Situé à presque 4 kilomètres de la rive sud du Saint-Laurent et à une vingtaine de kilomètres de la côte nord, on y accède par bateau à partir de Trois-Pistoles. 

L'île est la propriété de la Société Provancher qui  y organise des visites guidées de quelques heures. Toutefois, si le confort d'un chalet rustique ne vous fait pas peur, il est possible de prolonger la visite et de passer quelques jours sur l'île. Il suffit pour cela d'être membre de ladite société et de payer le passage. Comme il n'y a que trois chalets sur l'île, il faut y penser tôt ou espérer une annulation.

Séjourner sur l'île aux Basques ne s'improvise pas. Il faut amener son couchage et sa nourriture pour la durée du séjour, voire un peu plus au cas où les conditions météo n'autoriseraient pas le bateau à venir vous rechercher quand la marée le permet. Pour le reste, tout est fourni et Mikaël Rioux, le passeur, vous dépose sur le quai avec des bonbonnes d'eau potable. La source et l'eau de pluie fournissent le reste pour la vaisselle et la toilette. 

Le confort d'antan

La traversée ne dure pas longtemps, mais elle fait partie du rituel et contribue à faire retomber cette espèce d'agitation intérieure inhérente à nos modes de vie. Ce n'est qu'une fois les recommandations faites et le bateau parti que le calme s'installe. C'est alors que la nature reprend ses droits, que le soleil mesure à nouveau le temps qui passe, que la météo décide ce que sera votre journée et que ce que vous preniez pour du silence devient le bruit du vent dans les feuilles.

C'était la première fois que nous séjournions sur l'île au mois de juin. D'habitude, nous venons en septembre pour voir passer les migrateurs, mais cette année, nous voulions nous attarder sur la flore. Il en sera question plus tard, mais d'abord quelques mots sur le décor.

D'un point de vue géologique, l'île aux Basques fait partie des Appalaches. La faille de Logan qui longe le sud du Saint-Laurent et marque la frontière entre les Appalaches et les Basses-terres passe quelque part au large de la côte nord de l'île.

Le Québec se divise en trois grandes provinces géologiques: la province de Grenville, au nord du fleuve, composée des vieilles roches de l'ancien continent Laurentia, la province des Appalaches, au sud du fleuve, formée par une série de collisions entre Laurentia et le micro-continent Avalonia puis Baltica. Entre ces deux provinces, la plateforme du Saint-Laurent, ou Basses-terres, correspond à la marge continentale de Laurentia. 

Les roches qui composent l'île sont des grés et des schistes ardoisiers en strates où le rouge alternent avec le gris ou le vert selon leur âge et leur composition chimique. Elles sont le résultat de l'accumulation de sables et de boues argileuses au fond de l'océan Iapétus de -570 à -500 millions d'années. Ces mètres de sédiments se sont ensuite cimentés sous l'effet de leur propre poids et de la pression.

L'île est un pli rocheux qui émerge du fleuve avec un angle de 45°. Sur la rive sud, face au continent, l'eau caresse son dos dans le sens des plis; c'est le côté du banc de sable, des anses et des plages.

À partir de -500 Ma, l'écartement des plaques tectoniques qui avaient créé l'océan s'est inversé et Iapétus a commencé à se refermer. Ce rapprochement a surélevé et plissé le plancher océanique, puis un arc insulaire volcanique formé au large est entré en collision avec Laurentia vers -450 Ma. Cet événement que les géologues  appellent la phase taconienne marque la naissance des Appalaches et est l'origine de l'île aux Basques.

Sur la rive nord, face au large, l'eau caresse la roche à contre-pli; c'est le côté de la falaise.
Mais au fait, pourquoi l'île aux Basques ? Parce que, comme en témoignent les vestiges de fours trouvés sur l'île, les Basques venaient y faire fondre la graisse des baleines qu'ils chassaient sur le côte nord du Saint-Laurent.