Je me souviens


C'était dans les Laurentides, à la fin de l'été, par un matin ensoleillé mais frais. Nous progressions sous le couvert des bouleaux et des faux-trembles sur un sentier étroitement balisé par les sapins baumiers. L'humus étouffait le bruit de nos pas. Nous allions à la rencontre de ce que la nature avait à nous offrir, les yeux ouverts aux mouvements devant, les oreilles attentives aux sons alentour.
Et puis, nous sommes arrivés à une clairière, un affleurement de vieux granit usé et balafré. Là où l'homme n'avait pas marché, il était recouvert de larges plaques de mousses, de lichens et de champignons. Nous avons immédiatement perçu le charme du lieu sans vraiment en situer l'origine.  Couleurs, formes, composition, lumière, douceur du soleil, c'est en nous arrêtant pour nous imprégner de l'ambiance que nous avons compris. Nous assistions à une assemblée des premières formes de vie terrestres. 

De 200 à 1000 mètres...

Profil physiograhique de la réserve écologique des Grands-Ormes (Parc des Hautes-Gorges de la rivière Malbaie)
il s'en passe des choses. On peut par exemple avoir l'impression de parcourir des centaines de kilomètres vers le nord en quelque heures, simplement en marchant des rives de la Malbaie jusqu'au plateau des Laurentides, 800 mètres plus haut. La randonnée vous fait traverser six régions bioclimatiques différentes, de la forêt décidue du sud du Québec à la toundra du Grand-Nord en passant par les forêts mixtes et conifériennes. 

Vous reprendrez bien un peu de krummholz ?


Euh, c'est gentil mais je vais attendre un peu...surtout s'il est servi sur un plateau à 1000 et quelques mètres d'altitude comme celui de "l'Acropole des draveurs" dans le parc des Hautes-Gorges-de-la-Rivière-Malbaie. On a beau être gourmand de nature et apprécier les déserts, il faut savoir en garder pour plus tard.
Et puis, ce serait tellement plus agréable au bord de la mer. Après tout, pour réussir un krummholz, un terme germanique utilisé pour désigner les arbres (holz) rabougris et tordus [krumm] typiques de certains paysages, il suffit d'un sol pauvre et battu par les vents.  



Par le feu et dans la glace


Des faisceaux de deux aiguilles, des cônes incurvés et plaqués contre les rameaux, il s'agit sans aucun doute du pin gris (Pinus banksiana). Cet arbre insolite a besoin de la chaleur des flammes pour naître et du froid des hivers boréaux pour croître. On le trouve à partir du 49ème parallèle, entre les Appalaches et les Rocheuses.
Dans le nord de la péninsule du Michigan, ses forêts les plus méridionales sont l'unique refuge de la paruline de Kirtland (Setophaga kirtlandii). Cet oiseau endémique a bien failli disparaître car il niche au pied d'arbres âgés de 4 à 20 ans, à condition qu'ils recouvrent une surface d'au moins 65 hectares. En 1970, il ne restait plus que cinq centaines d'individus qui se partageaient les 18 km2 restants de territoire. Depuis, on a compris l'importance de préserver les forêts de pin gris et à défaut d'incendie pour les perpétuer, on plante.