Un 21 août dans les battures de Kamouraska

La batture est ce paysage côtier qu'en dehors du Québec on appelle l'estran. Son caractère lunatique en fait un milieu riche et complexe qui alterne au gré des marées entre milieu marin et vasière, puis devient pré salé, schorre ou herbu, plus en amont de la rive.
Endiguée et transformée en terre agricole par les colons européens, elle est aujourd'hui beaucoup moins étendue qu'à l'origine, mais n'en reste pas moins le support et le refuge d'une faune et d'une flore unique.

Batture de Kamouraska
Depuis le sommet des monadnocks, on distingue facilement la ligne de démarcation entre les champs et la batture, soulignée par l'alignement de quelques arbres.
Batture
La vasière dévoilée par le retrait des eaux du Fleuve à marée basse.
Aboiteau
L'aboiteau est le nom donné à la digue qui sépare la batture (à gauche) des champs (à droite). Constituée de pieux de bois et de la terre d'excavation des fossés de drainage, elle a longtemps été négligée, mais connaît depuis quelques années un regain d'intérêt sous la forme d'un chemin de randonnée.
Chevaliers
La batture est le paradis des limicoles qui attendent la marée basse pour aller fouiller la vase à la recherche de petits invertébrés. Longs becs et échasses; ils ont tout ce qu'il faut pour réussir.

Herbu
Plus haut, c'est le domaine des plantes qui savent absorber l'eau en dépit du sel qu'elle contient. Un vrai défi qui leur a valu le qualificatif d'halophiles.
Limonium de Caroline
Verge d'or toujours verteSpergulaire du Canada

Il y a aussi des opportunistes qui, d'une manière différente de nous, profitent du paysage.
Canard noir
Paruline à croupion jaune

À dos de monadnock

En descendant le Saint-Laurent par la rive droite, on finit par arriver dans le Bas-Saint-Laurent, une région où le fleuve, salé et assez large pour accueillir les plus gros mammifères marins de la planète, pourrait ressembler à la mer si ne se dessinait à l'horizon l'autre rive et la ligne à demi-effacée des Laurentides.

Monadnock de Kamouraska
Monadnocks de Kamouraska

On sait que l'on est arrivé lorsque la vue s'élargit soudainement à notre gauche et que le défilement des arbres fait place à l'ondulation de l'herbe des battures, qui fait écho à celle des eaux. À compter de là, rien ne peut plus freiner le vent du large et les embruns nous font sentir marins. Rien, ce n'est pas tout à fait exact, car, de même que le bonheur reste invisible à celui qui ne connait rien d'autre, les battures ne serait qu'une morne platitude sans ces étranges collines rocheuses qui émergent du sol comme l'épine dorsale d'une créature préhistorique que la nature n'aurait pas réussi à ensevelir complètement.



Ces montagnes miniatures alignées comme des pélerins fascinent par leur similarité et leur incongruité. Pourquoi ? Comment ?

Monadnock du Bas-Saint-Laurent

Là-bas, on les appelle des cabourons; ailleurs en Amérique, des monadnocks; en Europe, des inselbergs. Ces termes généraux désignent les reliefs isolés qui émergent d'une plaine, mais ne disent rien de leur origine, parfois fort différente les unes des autres. Ainsi, les collines montérégiennes, comme le Mont-Royal au coeur de Montréal, sont des monadnocks de nature volcanique; ils se sont formés entre 115 et 145 millions d'années auparavant.

Monadnock de Kamouraska
Monadnock

Les cabourons du Bas-Saint-Laurent, quant à eux, sont sédimentaires et beaucoup plus anciens. Ils sont les vestiges d'un canyon sous-marin qui bordait le plateau continental du continent Laurentia, dont les côtes méridionales étaient alors baignées par l'océan Iapéthus. C'était il y a environ 500 millions d'années,  avant les Appalaches, avant la Pangée, bien avant Homo sapiens.
Ils sont composés principalement de quartzite, des dépots de sable transformés par la chaleur et la pression générées par les mouvements de l'écorce terrestre. S'ils témoignent aujourd'hui du passé de la Terre, c'est que le sable métamorphisé a su mieux résister que les roches sédimentaires avoisinantes au passage des glaces.