Un spécialiste de l'inutile

Je ne sais pas quel est le nom de ma maladie, mais il faut toujours que je fasse des choses qui n'intéressent pas grand monde et qui ne rapportent rien. Par exemple, j'ai toujours fait de la botanique, en amateur le plus souvent, en plus savant pendant mes études alors que j'hésitais encore entre l'animal et le végétal avant de trouver une espèce de compromis dans la pharmacologie.  

Dans cette même veine, j'ai entrepris depuis quelque temps de remettre à jour les clés d'identification et la nomenclature de la flore Laurentienne; un travail de moine motivé par l'abandon de la botanique sur papier par les éditeurs francophones d'Amérique et par ma curiosité pour les plantes que je croise sur le chemin. N'étant plus capable de leur donner un nom correct autrement qu'en anglais et n'aimant pas dépendre de l'écran d'une tablette illisible en plein soleil et inutilisable sous la pluie (quand sa batterie n'est pas déchargée), j'ai sorti ma vieille flore de la bibliothèque et j'ai commencé à scanner toutes les clés d'identification des familles et des espèces, en disant: "on verra bien". 

Résultat après correction fastidieuse de l'OCR (Optical Character Recognition), j'ai obtenu une flore Laurentienne de base (aucune illustration, juste des clés), au format word, qui pèse beaucoup moins lourd dans mon sac à dos, mais qui ne me permet pas encore de reconnaître toutes les nouvelles plantes ni de nommer exactement toutes les anciennes qui ont parfois changé de genre et de famille.

La prochaine étape, déjà commencée, est de mettre à jour la nomenclature et d'indiquer les nouvelles espèces québécoises pour chaque famille, sans préciser (en tout cas pas systématiquement pour l'instant) les caractères permettant de les distinguer. Cela peut quand même donner, même dans une petite famille comme les aracées, de gros changements 

ARACÉES de la Flore Laurentienne
1-Feuilles composées
    2-Feuilles 2, trifoliolées. 
        3- Feuilles glauques inférieurement, à folioles elliptiques-ovées, généralement arrondies à la base; spadice gonflé; spathe à limbe plan, à languette brusquement élargie au-dessus du tube; sols riches et frais Arisaema atrorubens
        3- Feuilles non glauques inférieurement, à folioles généralement rétrécies à la base; spadice peu gonflé; spathe rayée de vert et de blanc, à limbe ondulé-plissé, à languette peu et graduellement élargie au-dessus du tube; sols tourbeux et très acides A. stewardsonii 
    2- Feuille solitaire, 7-1l-foliolée A. dracontium 
1-Feuilles simples 
    2- Feuilles cordées ou ovées; spathe colorée, non foliacée. 
        3-Feuilles (long. 3-10 cm); spathe ouverte, blanchâtre Calla palustris 
        3-Feuilles (long. 30-100 cm); spathe fermée, d’un pourpre brunâtre Symplocarpus foetidus 
    2-Feuilles linéaires; spathe foliacée, paraissant prolonger la hampe Acorus calamus 
    2-Feuilles sagittées; spathe verte Peltandra virginica 

ARACÉES d'aujourd'hui
1-Plante thalloïde (sans feuille ni tige) 
    2-Plante sans racine 
        3-Thalle ovoïde ou globuleux Wolffia columbiana 
        3-Thalle en forme de carène Wolffia borealis 
    2-Plante avec racines 
        3-Thalle rougeâtre sur la face inférieure, muni de 7-21 racines et d’une feuille engainante traversée par 1-2 racines Spirodela polyrriza 
        3-Thalle normalement vert à la face inférieure, muni d’une seule racine 
            4-Thalle (long : 6-18 mm) mince, sinué-crénelé, longuement stipité, submergé, nageant seulement à la floraison; thalles latéraux restant attachés au thalle principal par un cordon vert et fin Lemna trisulca 
            4-Thalle (long : 1-6 mm) sessile ou presque, entier, nageant pendant tout l’été
                5-Racine jusqu’à 3,5 cm de long, pointue, munie d’une papille à l’apex et d’une gaine ailée à la base Lemna perpusilla 
                5-Racine jusqu’à 15 cm de long, arrondie à l’apex, sans gaine ailée à la base; thalle parfois ponctué 
                    6-Plante munie de petits turions verts ou brunâtres (diam 0,6-1,6 mm); thalle à coloration rougeâtre sur la face inférieure possédant une ligne de papilles le long de la nervure médiane Lemna turionifera 
                    6-Plante sans turion; thalle vert inférieurement sans ligne de papilles Lemna minor 
1-Plante avec une tige et des feuilles
    2-Feuilles composées 
        3-Feuilles à 3-5 folioles Arisaema triphyllum 
        3-Feuilles à 5-13 folioles Arisaema dracontium 
    2-Feuilles simples 
        3-Spathe blanchâtre Calla palustris 
        3-Spathe pourpre brunâtre; feuilles cordées Symplocarpus foetidus 
        3-Spathe verte ; feuilles sagittées Peltandra virginica

Au ras des pâquerettes

Après la rencontre au sommet d'hier, en voilà une au ras des pâquerettes... ou devrais-je dire des vesces jargeaux (Avec ou sans x ? Nom propre ou adjectif ? Je n'ai pas trouvé la réponse, tout le monde évitant prudemment d'utiliser le pluriel). 
     

Rencontre au sommet

C'était le 27 août dernier dans le parc national des Monts Valin. Il avait neigeoté durant la nuit, le plafond était bas, mais nous étions décidés à faire la randonnée des sommets. Et puis, comme le dit une maxime ramenée d'Europe du Nord par des amis: "il n'y a pas de mauvais temps, seulement des mauvais vêtements". 

Partis tôt comme d'habitude pour éviter l'agitation bruyante de nos congénères, nous sommes arrivés, la tête et le reste dans les nuages, au pic de la Hutte. Tant pis pour le point de vue qui aurait pu être la cerise sur le sundae, mais nous étions là pour la nature et nous en avons eu.

Alors que nous nous apprêtions à redescendre, notre marche a été interrompue par l'irruption au bord de la passerelle d'une famille de neuf Tétras du Canada. C'était la deuxième fois que j'observais cette espèce; la première étant 15 minutes plus tôt en montant, probablement le même groupe. Puisque nos routes voulaient se croiser, nous nous sommes assis sur les marches de la passerelle pour laisser passer la troupe et profiter du spectacle. Aussi curieux, mais plus grégaire que nous, la famille a fini par nous rejoindre, tout en picorant à droite et à gauche bleuets et quatre-temps, puis a décidé de marquer une pause avec nous. Nous n'avions jamais été témoin auparavant d'un tel rapprochement délibéré de la part d'animaux autres que les puces, les poux et quelques autres parasites. C'est, plus tard, en nous renseignant sur l'espèce que nous avons appris que ce comportement était particulier aux tétras du Canada. Il a même été mis à profit par les chasseurs qui les tuaient avec un bâton (que peut-on espérer d'autre de l'homme ?)