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Paysages de Terre-Neuve

En parcourant les 115000 km2 de l'île continentale de Terre-Neuve, on traverse huit grands types de paysages naturels, abritant des communautés de plantes caractéristiques.

Cap Saint-Georges
Baie de St.John's, vue de cap Spear

La côte, longue de 9600 kilomètres, se présente le plus souvent sous la forme de falaises.
Tortueuse, elle dessine des fjords et des grandes baies au fond desquelles on trouve quelques plages de galets ou de sables. Elle est refroidie à l'est par le courant du Labrador qui prend naissance dans l'océan Arctique. À l'ouest, elle ferme le golfe du Saint-Laurent. Les plantes qui vivent là ont du apprendre à composer avec l'omniprésence du sel.

Sandy Cove
Broad Cove
Salvage Cove

Les landes (barrens) sont des paysages dominés par les affleurements rocheux sur lesquels s'accrochent, quand la présence d'humus le permet, une végétation rase composée d'herbacées et de petits ligneux ne dépassant deux mètres de haut. Ce sont principalement des arbustes, exceptionnellement des arbres torturés par les vents, que les terreneuviens ont baptisé tuckamores. Ces landes représentent 20 % du territoire et se subdivisent en trois catégories:
  • les landes silicoles aux sols de grès et de granite, localisées dans le centre et l'est de Terre-Neuve. On y trouve des plantes qui aiment l'acidité.  
    Entre North Harbour et Branch
      • les landes calcicoles de l'ouest de l'île, où le climat subalpin ou subarctique conféré par la latitude ne permet pas aux arbres de s'établir. C'est là que l'on peut rencontrer sans trop d'effort des plantes qui poussent généralement à des altitudes beaucoup plus importantes.
      • et les landes serpentinicoles aux sols plombés de métaux lourds (voir ici et ).



      Parc provincial de Butter Pot

      Autre milieu auquel on ne peut pas échapper à Terre-Neuve, c'est le milieu humide. D'ailleurs, il vaudrait mieux dire les milieux humides puisqu'ils regroupent des habitats aussi différents que les marais, peu fréquents et localisés généralement à l'embouchure des cours d'eau, les étangs et les lacs, innombrables, et les tourbières, la grande majorité des milieux humides. Au total, ils occupent 20 % du territoire.
      Tourbière du parc provincial de Butter Pot

      Et puis il y a la forêt qui recouvre 50 % du territoire. À cette latitude, elle devrait être mixte, mais les vents dominants froids générés par le courant du Labrador la réduisent à un mélange boréal de sapins baumiers et d'épinettes noires et blanches.
       

        Un 27 juillet dans les Tablelands (Terre-Neuve)

        S'établir sur les Tablelands n'est pas une mince affaire, même pour une plante. Il faut d'abord être capable de vivre à une latitude de 49° 26' Nord; c'est-à-dire avec un hiver long et une période de végétation relativement courte.
        Ensuite, il y a l'altitude. Même si on est loin de l'Everest avec des sommets qui dépassent difficilement les 700 mètres, chaque degré de température compte à cette latitude et avec une perte d'environ  0,7°C par 100 m d'élévation, cela devient vite inconfortable. Il faut aussi composer avec le sol chargé de métaux lourds (cobalt, nickel, magnésium) et pauvre en calcium.    
        Ces conditions de vie font que le nombre des prétendantes est assez limité. Il y a celles, pas très nombreuses, qui s'en accommodent au prix d'une croissance réduite comparée à leurs consœurs des contrées plus clémentes. Et puis, il a celles qui aiment ça et que l'on ne peut voir que là sur toute l'île de Terre-Neuve. C'est notamment le cas de Minuartia marcescens, de Viscaria alpina, d'Adiantum aleuticum et de Cerastium terrae-novae.

        Osmonde royale (Osmunda regalis)

        Adiante des Aléoutiennes (Adiantum aleuticum)

        Saxifrage jaune (Saxifraga aizoides)

        Céraiste de Terre-Neuve (Cerastium terrae-novae)

        Arméria de Sibérie (Armeria maritima siberica)
        Séneçon appauvri (Packera pauperica)

        Un 26 juillet dans les Tablelands (Terre-Neuve)




        Le parc national du Gros-Morne sur la côte ouest de Terre-Neuve est un lieu que nous ne pouvions pas éviter puisque c'est l'un des rares endroits où l'on peut se promener sur des roches issues du manteau terrestre. Le lieu est suffisamment unique pour avoir été classé dans le patrimoine mondial de l'humanité par l'Unesco, raison de plus pour ne pas l'ignorer.
        Tels de gigantesques copeaux, des fragments du manteau ont été arrachées à plus de 5 kilomètres de profondeur par la collision entre les continents Laurentia et Gondwana, puis ramenés à la surface, il y a 500 millions d'années. Ils forment aujourd'hui des plateaux spectaculaires qui tranchent dans le reste du paysage par leur couleur orangée et leur quasi-absence de végétation.

        Même altitude, ou presque, à gauche et à droite du sentier de randonnée. Et pourtant, un paysage bien différent.



        Si ces montagnes à l'allure martienne ont l'air aussi désertique, ce n'est pas à cause de l'altitude ou de l'exposition au soleil. L'unique raison de cette discordance est chimique. Dans les tablelands, le sol est de la péridotite, la roche ultrabasique de couleur vert foncé, presque noire qui compose le manteau. Au contact de l'eau, elle se transforme lentement en serpentinite, riche en fer (lequel s'oxyde pour donner cette teinte ocre si particulière) et en métaux lourds tels que le nickel et le magnésium.


        Sous l'effet de la serpentinisation, la péridotite, noire, se transforme en serpentine, verte. Dans les microfissures, le calcium précipite...
        ...et donne parfois des plaques de travertin.
        Si ces conditions semblent peu propices à la vie, il n'est pas pourtant impossible qu'elle lui ait donnée naissance dans le fond des océans, à une époque lointaine. En tout cas, de la vie, il y en a sous la forme de quelques plantes particulièrement adaptées à ces conditions extrêmes. Les découvrir (et en parler dans un prochain billet) était même l'un des buts de la ballade.

        Un 26 juillet sur le Western Brook Pond (Terre-Neuve)



        Le Western Brook Pond fait partie d'une série de grands lacs alignés perpendiculairement à la côte ouest de Terre-Neuve. Si aujourd'hui, il correspond bien à la définition d'un lac ou d'un étang puisqu'il est coupé de la mer (le golfe du Saint-Laurent en l'occurence), le terme semble péjoratif pour désigner cette étendue d'eau longue d'une quinzaine de kilomètres, profonde de 150 mètres et bordée par des falaises de 600 mètres de hauteur.
        Il s'en faut de peu - peut-être un léger réchauffement climatique comme nous savons si bien les faire - pour qu'il retrouve le statut de fjord qu'il a perdu quelques millénaire auparavant. Je ne sais pas exactement quand ses congénères et lui ont cessé d'être des fjords. Par contre, j'ai appris qu'il y a 12000 ans environ, alors que le golfe du Saint-Laurent avait enfin réussi à se libérer de la dernière glaciation, ils étaient encore des vallées creusées par les glaciers et que Terre-Neuve n'avait rien à envier au Groenland. En préparant ma ballade, j'ai également appris que les roches qui m'entouraient appartenaient aux Laurentides, cette chaîne de montagne plus haute que l’Himalaya qui traversait le supercontinent Rodinia, il y a un milliard d'années, et dont la majeure partie constitue la rive nord du Saint-Laurent. 


        Un 25 juillet au parc provincial de Blow Me Down



        Côte ouest de Terre-Neuve, le relief s'est accentué mais d'anciens glaciers se sont arrangés pour arrondir les angles aussi bien des sommets que des vallées à la forme en U si caractéristique de leur passage.




        Ici, les plages ne sont pas de sable blanc, mais les plantes qui y vivent ont les mêmes problèmes que sous les tropiques. Ce n'est pas l'eau qui manque, mais elle est salée et donc difficile à absorber; c'est une question de gradient osmotique. Alors, au lieu de dépenser de l'énergie pour l'absorber, il est plus simple de limiter son évaporation en épaississant l'épiderme des feuilles et en le recouvrant d'une cuticule cireuse.   

        Caquillier édentulé

        Mertensie maritime

        Scutellaire toque

        Patience pâle

        Un 24 juillet à Twillingate (Terre-Neuve)

        Il y a environ 470 millions d'années, le continent Laurentia (grosso modo l'Amérique du Nord actuelle) se rapprochait du continent Gondwana entraînant la fermeture de l'océan Iapetus qui les séparait. La collision des deux plaques tectoniques et la subduction (glissement d'une plaque sous l'autre) qui l'accompagnait ont provoqué une intense activité volcanique au milieu de Iapetus qui a abouti à la création d'un arc insulaire volcanique.
        Qui dit éruption volcanique sous-marine, dit lave en coussins, une formation causée par le refroidissement brutale du basalte au contact de l'eau. C'est justement ce que ma blonde et moi recherchions dans une falaise de Twillingate quand notre attention a été attirée par un pipit d'Amérique.

        On devine des formes arrondies qui correspondent aux coussins de lave, déformées par des événements géologiques ultérieurs
        Pipit d'Amérique
        Un peu plus loin, nous admirions les fondations granitiques de cet ancien arc insulaire quand notre attention a été attirée par des plants d'orpin rose. Pas moyen de profiter tranquillement du paysage !

        Le granite de Twillingate s'est formé à la suite du lent refroidissement d'intrusion de magma dans la croûte océanique 
        Il contient des inclusions d'amphibolite (noire) dont l'origine n'est pas certaine, peut-être des dykes dans le granite en refroidissement 

        Orpin rose

        Un 23 juillet au cap Bonavista (Terre-Neuve)



        Le cap Bonavista, au bout de la péninsule du même nom, est un endroit privilégié pour observer les macareux moines et les baleines à bosse. Il suffit de trouver un rocher confortable au bord de la falaise faisant face à la colonie des macareux et de profiter du spectacle. Comme au cinéma, il faut faire abstraction du voisin qui fouille dans son sac de pop-corn, ou plutôt ici de la touriste qui crie: "oh my god, look at that", à chaque fois qu'elle voit un souffle de cétacé. Mais comment lui en vouloir ? C'est vrai que c'est magique. 


        Un 23 juillet à Trinity (Terre-Neuve)


        De passage dans le village de Trinity, il est temps d'avouer une frustration que je traîne depuis que j'ai débarqué à Terre-Neuve. Je me ballade à quelques centaines de kilomètres au nord de mon jardin de la banlieue de Montréal, entre le 47ème et le 51ème degré de latitude nord, entouré d'épinettes noires et de sapin baumier, et pourtant les bas-côtés des routes terre-neuviennes sont jalonnés de lupins et je n'ai jamais vu autant de cytises en fleurs, même dans ma Touraine natale. Je me suis même demandé s'il n'existait pas une espèce de lupin indigène, tant il y en a. Mais non, ce sont bien des plantes introduites comme le tiers des espèces végétales de l'île, la plupart importée d'Europe avec les migrations des 500 dernières années. Si elles réussissent si bien ici (et pas dans mon jardin), c'est en raison du climat océanique qui tempère les hivers comme les étés. D'ailleurs, nous subissons, nous aussi, la vague de chaleur puisqu'aujourd'hui, nous avons atteint un gros 24°C.