Le temps de la faîne

Difficile de trouver un accès pour se promener sur le Mont Rougemont, particulièrement pendant le temps des pommes. Ses abords sont encerclés par les vergers et rien ne ressemble plus à des voleurs de pommes qu'un couple de naturalistes. Mais si vous le demandez gentiment, un résident vous dévoilera peut-être le secret de son accès; c'est ce que nous avons fait.

Hêtre à grandes feuilles
Ensuite, si vous ne vous faites pas renverser par un des nombreux vélos de montagne qui saccagent le sous-bois, si vous ne vous faites pas tasser sur le bord du chemin par un cavalier ou harceler par le chien d'un promeneur, vous aurez le plaisir de prendre votre dose de  micro-ondes au pied des émetteurs installés sur le sommet tout en admirant la vue sur la vallée du Saint-Laurent et sur les montagnes plus à l'est. 
Faînes
Il y a sûrement des choses intéressantes à découvrir à l'écart du chemin, mais je suis plus discipliné qu'un vélo de montagne et j'ai respecté, cette fois au moins, les panneaux d'interdiction d'entrée qui m'incitaient à rester dans le droit chemin; origine étrangère et charte des valeurs québécoises oblige.  


Mais, pour revenir au titre du message, nous avons quand même eu le plaisir de contempler des impatientes pâles (ça faisait longtemps) et de ramasser des noix de caryer cordiforme ainsi que des faînes, ces espèces de petites châtaignes produites par les hêtres. Elles se mangent décortiquées et grillées; vous n'aurez qu'à lire la prochaine encyclopédie des fruits publiée par Québec Amérique à laquelle je ne suis pas complètement étranger pour en savoir un peu plus. Elles sont aussi comestibles crues, mais il ne faut pas en abuser. L'enveloppe de l'amande contient en effet de la fagine et il parait qu'à fortes doses, elle a des effets secondaires désagréables. On ne parle quand même pas de grande toxicité. 

Brou et noix

Quand sera-t-il trop tard ?

Un couple penché sur une fleur ou le nez en l'air, regardant fixement dans une même direction, peut susciter l'intérêt du passant et parfois même la conversation. Cette année, mise à part la fameuse entrée en matière "qu'est-ce que vous regarder de beau ?" ou une de ses formes dérivées, deux remarques sont revenues constamment  dans les discussions: "pourquoi y-a-t-il moins d'oiseaux cette année ?" et "je n'ai vu qu'un monarque cette année".

Monarque

Ce à quoi nous avons répondu que les populations animales peuvent varier d'une année sur l'autre, qu'il est impossible d'établir une tendance à partir d'une seule observation, qu'elles sont soumises à des cycles naturels d'abondance, que des conditions particulières peuvent les favoriser temporairement ou leur nuire. Par exemple, cette année, beaucoup d'oiseaux, dont les colibris du jardin, ont été retardés à cause de conditions météorologiques défavorables aux États-Unis. Néanmoins, force est de constater qu'à ces fluctuations saisonnières s'ajoute une tendance générale à la baisse.
Tous les observateurs d'oiseaux vous le diront, il y en a de moins en moins chaque année. Le rapport sur l'état des populations d'oiseaux du Canada disponible ici le confirme: les effectifs des oiseaux nicheurs diminuent constamment depuis 1970, une baisse de 12 %. Des espèces, abondantes il y a quelques années, ont disparu des listes d'observation. Personnellement, il y a longtemps que je n'ai pas vu un gros-bec errant et, dans un autre ordre d'espèces, la rainette faux grillon qui chantait au printemps derrière chez nous s'est éteinte depuis deux ans déjà. Nous entretenons un parterre d'asclépiade (c'est un bien grand mot pour une plante indigène considérée comme une mauvaise herbe par ceux qui n'ont pas d'odorat). Nourriture presque exclusive du Monarque, cette année, il n'a été survolé que par un seul papillon. Ce ne serait pas inquiétant si on ne connaissait pas les menaces qui pèsent sur ce migrateur: la traversée de la "corn belt" américaine, de ses pesticides, la disparition ses forêts mexicaines du Michoacán où ils se rassemblent.
Le constat de cette perte continuelle sera-t-il suffisant pour l'inverser ? Constater le déclin est une chose, il nous reste à faire le lien avec nos gestes quotidiens et à changer nos habitudes. 


Petite centaurée commune, Centaurium erythraea, Common Centaury

   
La petite centaurée commune a de nombreux autres noms: Petite centaurée, Érythrée, Érythrée petite-centaurée, Quinquina d'Europe, Herbe à Chiron, Herbe au centaure, Herbe à la fièvre, Herbe à mille florins, Fiel de terre ou Gentianelle.
Originaire d'Eurasie, on la trouve aujourd'hui en Afrique du Nord, en Australie et en Amérique du Nord où elle pousse dans les lieux ensoleillées (prairies, friches) dans des sols bien drainés et plutôt siliceux; elle s'est établie au Québec avec sa congénère la petite centaurée élégante (Centaurium pulchellum).
Selon la légende, le centaure Chiron l'aurait utilisée pour tenter de soigner une blessure au genou causée par une flèche empoisonnée que lui avait décochée Hercule. Étant immortel et ne parvenant pas à se soigner, Chiron demanda aux dieux de lever son immortalité afin d'abréger ses souffrances. Comme quoi, les débats sur le suicide assisté ne datent pas d'hier.
Quoi qu'il en soit, les vertus thérapeutiques de la petite centaurée se sont adaptées aux besoins de son époque. Antalgique et antipyrétique (ou fébrifuge) pour les guerriers grecs, elle stimule aujourd'hui l'appétit de l'occidental sédentaire et l'aide à digérer son macdo. L'élégante a les mêmes propriétés; il n'y a donc pas à s'inquiéter de la confusion.
Elle n'est pas toxique. En tout cas, personne ne s'est relevé pour s'en plaindre. Mais attention quand même en cas de brûlures d'estomac ou d'ulcère gastroduodénal.