Le dernier à fleurir


Ce qui doit arriver finit toujours par se produire; il faut juste être prêt à saisir le moment quand il se présente. L'hamamélis de Virginie (Hamamelis virginiana) par exemple, il y a longtemps que j'espérais en trouver en fleurs. Enfin, pour être tout à fait exact, je commençais sérieusement à douter d'en rencontrer un jour. Ce n'est pas faute d'arpenter les sous-bois en automne; c'est simplement que l'arbre se fait rare dans le sud du Québec. Et puis hier, à la fin d'une promenade au Mont Saint-Bruno, sur un sentier que nous marchons régulièrement, je les ai remarqués au bord du chemin, une dizaine de spécimens qui attendaient juste que mon regard se pose dessus.
Je me demande bien quel avantage l'hamamélis tire d'une floraison aussi tardive. Le pollen n'a même pas le temps de se rendre jusqu'à l'ovule avant l'hiver pour le féconder. Il entre en dormance et ne remplit son office qu'au printemps suivant. On pourrait penser que l'arbre a mis au point cette stratégie pour éliminer la concurrence des autres fleurs et s'assurer le monopole des pollinisateurs. Mais, des insectes après les premières gelées, il n'y en a plus beaucoup. Et par ailleurs, les fleurs se débrouillent très bien toutes seules pour la fécondation. Peut-être est-ce une adaptation à un autre climat ou à un autre paysage ? Après tout, il pousse jusqu'en Floride.
Toujours est-il que l'hamamélis est un arbre très recherché, et même cultivé en Europe, pour les propriétés médicinales de son écorce et de ses feuilles. Elles contiennent des composés hémostatiques et veinotoniques, qui sont ajoutés, entre autres, à certaines solutions d'après-rassage pour aider à stopper les saignements. Il a aussi des vertus magiques et ce n'est pas pour rien que les américains l'appellent noisetier des sorcières. Ils l'utilisaient pour trouver les sources d'eau à la manière du coudrier (de la même famille) des canadiens français et des européens .


C'est dehors que ça se passe


Quoiqu'en disent les calendriers, les astronomes et les météorologues, dans le sud du Québec, l'automne ne dure que quinze jours.
Et c'est en ce moment.


Le mezquital du Tamaulipas

Carte de Cephas
 [GFDL or CC-BY-SA-3.0-2.5-2.0-1.0]
via Wikimedia Commons
Le mezquital est le paysage typique de la plaine côtière qui s'étend du nord-est du Mexique (états de Tamaulipas, Nuevo Leon et Coahuila) jusqu'au sud du Texas. Il est considéré comme une écorégion terrestre par le World Wildlife Fund.
C'est un paysage semi-aride et minéral, qui s'élève lentement des rives du golfe du Mexique vers l'intérieur des terres.
Le Mezquital a déjà été le fond d'une mer qui recouvrait autrefois le centre des États-Unis loin vers le nord. Il y a 300 millions d'années, la collision entre l'Amérique du Sud et l'Amérique du Nord a soulevé les terres au nord et créé les montagnes Ouachita en Arkansas et Oklahoma, chassant ainsi les eaux vers le sud. Plus tard, le soulèvement des Rocheuses a fini de les repousser vers l'est jusqu'aux limites actuelles du golfe. De cette ancienne mer, il ne reste plus aujourd'hui que les sédiments accumulés sous la forme d'une roche calcaire blanchâtre qui réverbère lumière et chaleur.


Dans certains pays, les plantes se livrent à une course verticale sans merci pour capter les attentions du soleil. Dans le mezquital, c'est futile. De la lumière, il y en a. C'est l'eau qui manque et il vaut mieux ne pas la gaspiller. Ici, pas de longues tiges, pas de feuillages exubérants. Les arbres sont courts, les branches resserrées, les feuilles étroites et coriaces, les buissons épineux et cassants, les herbes, sèches et coupantes.


Guaiacum angustifolium


Au milieu de cette végétation opiniâtre, l'essence dominante par la taille et le nombre est le Mesquite (Prosopis glandulosa), dont les racines peuvent aller chercher l'eau jusqu'à trente mètres de profondeur. L'arbre vit là en compagnie de l'Épine de Jérusalem (Parkinsonia aculeata), du Cassier (Acacia farnesiana), et du Guaiacum angustifolium, dans la strate inférieure.
Prosopis glandulosa
Comme ce type de paysage ne serait pas complet sans cactus, il y en a. Le plus abondant et le plus imposant est sans conteste l'Opuntia engelmanii.

Parkinsonia et Opuntia
Rio Grande - Santa Ana National Wildlife Refuge
Sabal mexicana


Si l'eau est rare et précieuse, elle n'a pas complétement déserté le mezquital qui est traversé par quelques maigres rivières dont le Rio Grande, frontière naturelle entre les États-Unis et le Mexique.
Ses nombreux méandres sont autant d'oasis où les palmiers, ces herbes géantes, font oublier le quasi-désert, à seulement cent pas de là.




Plus de 600 espèces de plantes et d'animaux vivent dans ce milieu en apparence inhospitalier; 601 avec l'homme. On peut y rencontrer entre autres l'ocelot (Leopardus pardalis), le Jaguarondi (Puma yagouaroundi) et le cougar (Puma concolor) qui occupent le haut de la chaine alimentaire et, à l'autre bout, le Pécari à collier et le Chien de prairie du Mexique (Cynomys mexicanus), une espèce endémique. C'est aussi le terrain de jeu du coyote et du grand géocoucou, le fameux bip-bip du dessin animé.


Et puis, il y aussi des oiseaux chanteurs comme le bruant à gorge noire ou l'auripare verdin, sans qui les déserts seraient plus silencieux.