Ceux qui savent

Et ce n'est qu'un début.

Dans un billet antérieur, je signalais que la coupe des frênes morts avait commencé dans le boisé du Tremblay.

Je comprends que tous ces arbres morts représentent un risque pour les promeneurs. D'un autre côté, en regardant de plus près le diamètre des arbres coupés, leur hauteur et leur distance par rapport au chemin, je me suis demandé quel risque fait courir la chute d'un arbre dont le tronc tient dans ma main, une petite main d'un homme qui ne dépasse le mètre que de 70 cm. Comme je n'ai pas fait d'études en gestion des risques ou en sécurité civile, je ne peux opposer d'arguments solides et je respecterai la décision de ceux qui savent.

Ce matin, en repassant par là, mon attention a été attiré par les copeaux qui recouvraient le sol. J'ai alors compris que les arbres abattus avaient été déchiquetés et transformés en paillis.

C'est alors que je me suis demandé si cet épais tapis de paillis ne risquait pas d'étouffer tout espoir de germination ou de repousse de la strate herbacée du sous-bois. Mais comme je n'ai pas fait d'études en foresterie, que je ne suis pas agriculteur, juste un modeste jardinier qui, lorsqu'il veut étouffer ses mauvaises herbes, recouvre le sol de copeaux de bois en prenant soin de ne ne pas recouvrir les plantes qu'il a choisi de garder, je me contente de respecter la décision de ceux qui savent.

D'un autre côté, j'ai quand même fait quelques études en biologie, suffisamment en tout cas pour savoir qu'un arbre, même mort, peut être utile à son environnement. Par exemple, il peut nourrir des xylophages, qu'il soient bactériens, fongiques ou situés plus haut dans l'échelle de l'évolution. Si son diamètre est suffisant, il pourra servir à des espèces arboricoles qui s'y abriteront et se nourriront des xylophages. Et s'il tombe, ce qui finira fatalement par arriver, il continuera quand même à alimenter la vie autour et à protéger les petits mammifères, les reptiles et les amphibiens, entre autres, et ce, jusqu'à ce qu'il ne reste rien de lui.

Le cycle normal de la vie

Un 5 avril au parc de la Pointe-du-Marigot

Le parc de la pointe-du-marigot est un parc de la ville de Longueuil qui ne savait probablement pas quoi faire de ce bout de terrain coincé entre la route 132 et le fleuve Saint-Laurent. D'ailleurs, même le portail web de la ville ne le situe pas correctement sur la carte. Pour y accéder, il faut emprunter l'une des rares passerelles qui enjambent l'autoroute; c'est vous dire l'étroitesse des lieux.

La promenade René-Levesque, en hommage à ce premier ministre du Québec qui révait d'indépendance pour sa province, est une piste cyclable en contre-bas de l'autoroute qui mène aux États-Unis.   

Le parc dont la superficie fluctue au gré des crues du fleuve a déjà connu de meilleurs jours à en juger par les vestiges d'une passerelle ambitieuse devenue impraticable et par les panneaux d'interprétation ternis par le soleil. Aujourd'hui, la Pointe du Marigot est un lieu d'échouage pour les déchets qui descendent le fleuve et les pièces détachées des véhicules qui roulent plus haut. C'est le genre d'endroit où l'on s'attend à trouver un cadavre au détour d'un buisson et où certains animateurs de télé se font surprendre le micro à la main par la police.

Qu'est-ce que je faisais là, me direz-vous ? Bah, j'avais cru voir du vert, alors je me suis arrété. Mais voyons le bon côté des choses: il faisait beau, la vue sur le fleuve et Montréal pas si loin était belle et les chants d'oiseaux remplissaient l'air. Il faut dire que pour couvrir le bruit des moteurs, ils ont intérêt à chanter fort pour se faire entendre. Hein, qu'est-ce que tu dis ? Je disais "CHANTER FORT".

Et puis ces enclaves de nature, même maganées, réservent parfois des surprises aux naturalistes. Plus tard dans la saison, nous y avons déjà observé des grandes aigrettes et, à quelque reprises, un pyguargue à tête blanche péchant au large. Cette fois-ci, il y avait des harles couronnés sur le fleuve et une cane colvert sur la rive qui se prenait pour une "branchue" (carolin en français de France), sans oublier des canards d'Amérique et des canards chipeaux qui s'abritaient dans une anse.  

Canard colvert

Grosse journée

Hier, nous avons été tirés du lit par la vision de deux masses sombres tombant du ciel dans le bassin: nos canards étaient arrivés. Malheureusement, le temps de nous habiller pour aller les accueillir, ils étaient déjà repartis.

Nous avons ensuite décidé d'aller faire un tour au refuge faunique Marguerite d'Youville sur l'île Saint-Bernard. Située dans le couloir migratoire du Saint-Laurent, l'île est particulièrement intéresante à visiter au printemps, car elle donne un accès au fleuve et aux canards plongeurs qui le descendent. Nous avons pu y voir des garrots à oeil d'or et des petits garrots, mais pas de garrots d'Islande.

Pour s'y retrouver, les petits garrots sont ceux qui ont du blanc derrière la tête (mâle) ou un trait blanc sous l'oeil (femelle). Les garrots à oeil d'or ont une tache blanche plus ou moins circulaire entre le bec et l'oeil (mâle) ou la tête entièrement brune (femelle).   

Sur l'île, les spécialités locales, la mésange bicolore, le pic à ventre roux et le grand-duc d'Amérique, se sont laissés observer ou entendre. À noter: la grande-duchesse était au nid. 

Plus loin sur le chemin, nous espérions apercevoir le vison d'Amérique que nous savons habiter là et nous l'avons vu. Que demander de plus ?

Notre journée était faite et nous étions sur le chemin du retour quand, en passant par la zone indutrielle de Longueuil, mon subconscient souffla à ma conscience qu'il pensait avoir vu du coin de l'oeil un harfang dans le stationnement d'une entreprise. Aussitôt, ma conscience en toucha un mot à ma raison qui lui répondit: impossible ! 

Harfang des neiges
Au centre de l'image, au ras du banc de neige, un improbable harfang
Harfang des neiges

Bon, comme on ne ferait jamais rien d'intéressant si on ne se fiait qu'à la voix de la raison, je fis demi-tour pour aller vérifier. Un point pour le subconscient ; le harfand était là, perché à 1,50 m en pleine zone industrielle au bord d'un stationnement; probablement un migrateur en route pour rejoindre sa Boréalie natale. Ce matin, il n'y était plus.

Grosse journée, vraiment !