Un 30 mai dans le parc national de Plaisance

Entre Montréal et Ottawa, le parc national de Plaisance est une presqu'île qui s'avance dans la rivière des Outaouais, une frontière naturelle entre l'Ontario au sud et le Québec au nord. 

Rivière, baie, étangs, et marais, les paysages de la presqu'île sont évidemment imprégnés par l'eau et s'il reste suffisamment de forêt à l'ouest pour se faire une idée de ce à quoi pouvait ressembler le paysage avant l'arrivée des européens, la plus grande partie du territoire, défrichée et cultivée par les colons, est devenue de la prairie.

Comme il y a longtemps que nous n'étions pas venus, nous avons marché une bonne partie du territoire, mais si vous voulez économiser vos semelles, la partie la plus intéressante pour des naturalistes est le secteur boisé et marécageux à l'entrée de la presqu'île, côté village de Plaisance. On y trouve une plus grande diversité d'habitats et donc de faune et de flore, en particulier des milieux humides.

De l'ouest vers l'est, la forêt humide et les marécages cèdent progressivement le pas à la prairie
Le ouaouaron (Lithobates catesbeianus). Cela aurait pu être une grenouille verte si les plis qui partent de l'oeil et contournent les tympans s'étaient prolongés sur le dos.
Des sarcelles à ailes bleues se baignent sous la surveillance d'une tortue peinte
Il n'y a pas que l'iris versicolore dans la vie, il y a aussi l'iris faux-acore qui est - comment dire - plus jaune.
Sur mon compte Facebook, j'avais prétendu avoir rencontré un vison déterminé à me barrer la route, mais je me dois ici de rétablir la vérité. Je me donnais le beau rôle. En réalité, c'est nous qui lui barrions la route et lui qui était déterminé à passer sans se mouiller. Nous aurions accédé à sa demande sans rechigner s'il avait été un ours ou un orignal, mais un vison...
Le tyran tritri aime les milieux ouverts agrémentés de perchoirs
Ce qu'il reste des asclépiades après que l'hiver soit passé
Ce qu'il reste des goglus des prés après que l'agriculture industrielle soit passée; nous aurions du en voir des dizaines dans ces prairies. Après avoir désespérément tendu l'oreille, nous n'avons trouvé que celui-là.

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L'alliaire officinale

En Europe où elle pousse naturellement, on l'utilise en cuisine depuis 6000 ans pour le goût d'ail de ses feuilles fraîches et celui de moutarde de ses graines. À une époque, elle servait même à se soigner.

Dans l'est du Canada et des États-Unis où elle a été introduite, c'est une autre histoire. On a perdu la mémoire et on considère aujourd'hui l'alliaire officinale (Alliaria petiolata) comme une envahisseuse qu'il faut éradiquer.

Alliaire officinale
L'alliaire qui fleurit à partir du mois de mai dans les lieux ombragés est de la même famille que le chou, la moutarde et le radis. On la reconnaît facilement à ses petites fleurs blanches où tout va par quatre et à ses feuilles alternes, triangulaires, bordées de grandes dents. En froissant les feuilles ou en y goûtant, on comprend pourquoi on l'appelle l'herbe à l'ail

Il faut bien reconnaître que quand l'alliaire se plaît, elle a tendance à se répandre et ce, au détriment de la flore locale.

Au cours d'une récente ballade dans le refuge d'oiseaux migrateurs de Philipsburg qui abrite également quelques plantes rares, j'ai croisé la route d'une botaniste en train de prendre des notes, penchée sur une parcelle d’échantillonnage. Comme je suis curieux, je l'ai saluée et lui ai demandé si ce n'était pas indiscret de savoir ce qu'elle étudiait. Très gentille, elle m'a répondu de lui laisser une minute pour noter ses observations avant de m'expliquer que l'alliaire s'était installée depuis peu dans le refuge, qu'elle risquait de menacer ses plantes rares, que des campagnes d'arrachage avaient été menées et qu'elle voulait savoir si l'arrachage suffisait pour la recolonisation des lieux par les espèces indigènes ou s'il fallait ré-ensemencer. Elle m'expliqua ensuite que l'alliaire est une plante allélopathique, c'est-à-dire qu'elle ne se contente pas de germer et de pousser, mais elle inhibe également la germination et la croissance de ses voisines en sécrétant des composés chimiques dans le sol.

Dans le boisé du Tremblay, la colonisation par l'alliaire a commencé. Il suffirait de lui donner un prix pour qu'elle disparaisse.

Je la remerciais pour le temps qu'elle m'avait consacré et notais l'ironie de la situation: l'être humain qui s'étend au détriment de tout le reste y compris de lui-même s'évertuant à éliminer une plante qu'il a introduite et qui se comporte comme lui. 

Mais on n'est pas là pour faire de la philosopĥie à quat' sous et on pourrait plutôt se demander pourquoi l'alliaire réussit ici ce qu'elle ne parvient pas à faire en Europe. La science nord-américaine s'est évidemment intéressée à la question et on trouve de nombreuses publications sur le sujet en faisant une recherche dans Google Scholar. Parmi ceux-ci, un article que l'on peut lire ici (et même en francais graĉe à une traduction plus qu'approximative faite par google) fait le point sur les mécanismes d'action allélopathiques de l'alliaire. 

On y apprend qu'ils peuvent être directs via les substances évoquées plus haut, mais aussi indirects par perturbation de la flore mycorhizienne et bactérienne du sol. On y apprend aussi que la flore européenne en raison de sa coévoluétion avec l'alliaire n'y est plus vraiment sensible. 

Un 25 mai dans le boisé du Tremblay

Hirondelle bicolore

Ce matin, j'étais d'humeur paresseuse et c'est ma blonde qui m'a tiré par la main dans le boisé. Elle a bien fait, car il y avait une belle lumière, une température  suffisamment fraîche pour que les moustiques restent couchés et le paysage sonore était très agréable. 

C'est drôle comme chaque printemps a sa propre signature sonore, dessinée par les cycles naturels et les perturbations humaines. En 2020 par exemple, on ne pouvait pas se promener dans le boisé du Tremblay sans entendre la paruline flamboyante, le bruant des marais, la grive solitaire, le moucherolle tchébec (qu'on n'entendait presque pas en 2019) et le cardinal à poitrine rose.

En 2021, la grive des bois a remplacé la solitaire, les cardinaux à poitrine rose et les bruants des marais ont presque disparu. Les parulines à croupion jaune qui sont d'habitude très communes se font discrètes, tout comme les flamboyantes. Quant au moucherolle tchébec, il continue sur sa lancée et a entrainé avec lui le viréo mélodieux, très présent cette année.  

J'ai voulu faire mon "Roger Latour", en beaucoup moins de talent avec ces feuilles de cerisier de Virginie (à gauche) et d'érable rouge (à droite)
Moqueur chat
Trois grammes de colibri à gorge rubis sortaient de leur torpeur nocturne en se faisant chauffer au soleil.