Technoparc: prise 2

La fin de semaine dernière, je suis retourné au Technoparc de Montréal, cette friche agricole au bord de l'aéroport international de Dorval que la nature s'est réappropriée. J'y étais allé en 2016 (ici) alors qu'elle était menacée par un projet de revitalisation(1) qui donne aujourd'hui son nom au lieu. 

De la vie, pourtant, il y en avait. Nul besoin de revitaliser puisque les naturalistes de passage y ont répertorié jusqu'à présent 879 espèces, parmi lesquelles 222 d'oiseaux, 345 de végétaux, 44 de vertébrés et 268 espèces d'invertébrés. Malheureusement, l'expression "la vie n'a pas de prix" semble avec le temps prendre de plus en plus son sens littéral et, dans nos sociétés consuméristes, si la vie n'a pas de prix, c'est donc qu'elle n'a aucune valeur.

Jusqu'en 2016, les zones 1, 2, 3 et 4 correspondaient à des milieux naturels boisés et marécageux, qui étaient autrefois des champs. Les zones (3) et (4) étaient accessibles à pied par la vieille route abandonnée qui les sépare et la zone (3) était essentiellement un marais boisé.  

Depuis, des promoteurs immobiliers ont fini par vendre l'idée à nos décideurs que cet immense espace inexploité pourrait devenir un pôle technologique à visée internationale. Il y était même question d'y former les futurs travailleurs dans un éco-campus qui serait appelé l'éco-campus Hubert Reeves(2), un comble pour cet astrophysicien environnementaliste.  

Petit lexique à l'usage des naïfs

(1). Revitalisation: remplacement de la faune et de la flore spontanées, économiquement improductives, par du béton, de l'asphalte, du gazon, des plantes hybrides et exotiques, afin d'accueillir des travailleurs venant de loin avec leurs Véhicules Utilitaires Sports pour créer de la richesse (dont ils ne seront pas les principaux bénéficiaires).

(2). Écocampus: Espace d'enseignement probablement construit selon les normes de construction écologiques LEED Or, en remplaçant les marais insalubres, les arbres présentant un risque pour les étudiants et les sols contaminés par un aménagement paysager sécuritaire et sain, incluant les dernières tendances: micro-forêt, parcs éponges, milieux humides restaurés, couloirs fauniques et autres aménagements éco-responsables (en ais-je oublié ?).     

Aujourd'hui, la zone 1 est définitivement perdue. La zone (2) est placardée "Terrain à développer". Idem pour la zone (3) qui a été en grande partie drainée, déboisée et en partie aménagée : chaussée, trottoir, éclairage public, système d'égout et début d'aménagement paysagé. La zone 4 est encore intacte, mais dans le coin supérieur, un début de chaussée et un panneau "Terrain à développer" en disent long sur la suite. 

Et puis, en 2016, les travaux ont débuté. Des citoyens s'en sont offusqués et se sont organisés pour se porter à la défense du lieu. Dans ce mouvement, le naturaliste Joël Coutu a joué un rôle clé et a dépensé son énergie sans compter pour préserver les milieux humides du Technoparc en sensibilisant le public, les autorités locales et les médias à l’importance écologique du site, notamment pour la faune aviaire.

Quelques gains ont été obtenus, mais à en juger par le déploiement des installations de travaux publics sur le site, la lutte promet d'être longue. Si vous souhaitez les encourager ou contribuer, ou simplement suivre leur actualité, vous pouvez consulter leur site web, Technoparc Oiseaux, à l'adresse : https://www.technoparcoiseaux.org

À la sortie de l'autoroute, dans le stationnement d'une tour de bureaux, une troupe de dindons sauvages qui ne semblent pas avoir compris que le lieu est dorénavant réservé aux humains. À la fin de la vidéo d'introduction, l'emplacement est marqué "Dindons sauvages".
Le secteur de l'éco-campus (zone 3) avec, ici, l'étang aux hérons est un milieu humide que le développement est en train d'achever.
Des chaussées, des bornes fontaines, des trottoirs, tout a été vite aménagé pour qu'il soit coûteux de revenir en arrière, une machine bien rodée des développeurs. 
Sous prétexte de créer un passage pour la faune, on draine le marais.
Le secteur des sources (zone 4) abrite des castors... 
...et les vestiges d'une occupation humaine, probablement les fondations d'une ferme. 

Résupination

Ça y est. Comme chaque année à cette époque, mon orchidée se résupine; c'est-à-dire qu'au fur et à mesure que ses fleurs s'épanouissent, elles tournent sur elles-mêmes d'environ 180 degrés. Dans la photo ci-contre (cliquer pour l'agrandir), les deux fleurs du bas de l'épi ont achevé leur rotation tandis que celle du haut qui s'est ouverte plus tard en a accompli cinquante pour cent. 

La résupination n'est pas propre aux orchidées, mais elle est caractéristique de cette famille de plantes. La rotation s'effectue au niveau du pistil, l'organe sexuel femelle de la fleur qui sert aussi de lien avec la tige florale.

Hé oui, c'est une autre particularité des orchidées. Le pédoncule vert de la fleur d'orchidée n'en est pas un; c'est le futur fruit. Vrillé pour placer la fleur épanouie dans une position avantageuse pour les pollinisateurs, soit le pétale extravagant (ou label en botanique) vers le bas, il revient à sa position initiale une fois la fécondation faite. 

Pendant que j'y suis... Si, dans vos conversations de Noël, votre belle-mère se met à vanter les extraordinaires grappes de fleurs de son orchidée, vous pourrez toujours lui dire qu'elle se trompe, parce que pour faire des grappes, les fleurs puis les fruits doivent avoir des pédoncules, comme les raisins. S'ils ou elles n'en ont pas, le terme botanique approprié pour décrire l'ensemble des fleurs est l'épi.

Résupinée
En pleine résupination
Pas un pédoncule, mais un pistil

Bain de nature thérapeutique

Je ne sais pas si c'est une conséquence de la dépression saisonnière ou du spectacle quotidien de notre inhumanité, mais p... qu'on était bien sur le mont Saint-Bruno ce matin. Personne, juste la faune et nous.

Et de la faune, il y en avait. Entouré d'un essaim de mésanges et de sittelles, nous avons marché sous le regard interrogateur des cerfs de Virginie qui interrompaient leur broutage pour évaluer le danger que nous pouvions représenter avant de replonger la tête ou de fuir. Nous avons pris le chemin du vieux verger abandonné. Les fruits blets encore accrochés aux arbres ou tombés par terre attirent toute sorte d'animaux: ceux qui s'en nourrissent et leurs prédateurs qui profitent du terrain dégagé pour repérer leurs proies de loin. 

Et des prédateurs, il y en avait. Une buse à queue rousse s'est perchée au faîte du plus grand arbre, a fait son tour d'horizon, puis a cédé la place à une pie-grièche boréale, une chasseuse redoutable qui suspend ses victimes à des branches. Peut-être aime-t-elle la viande faisandée. 

En tout cas, il faut croire que les merlebleus de l'Est ne font pas partie de son menu puisque c'est le moment qu'ont choisi quatre d'entre eux pour traverser le verger sous nos yeux ébahis. Nous savions qu'ils nichaient là, mais nous ne nous attendions pas à les voir aussi tard dans la saison.

Centre écologique Fernand-Seguin

Au sud-ouest de Châteauguay, entre l'autoroute de l'acier et un golf, le Centre écologique Fernand-Seguin protège un minuscule vestige de l'érablière à caryer qui couvrait autrefois le sud du Québec. Deux sentiers parcourent le sous-bois. Le "1" en fait le tour en passant par l'étang, un bien grand mot pour une dépression qui ne doit plus grand-chose à la nature. Le "2", dit le sentier des fées, traverse une cité du petit peuple qui a gentiment décidé de nous laisser voir quelques-uns de ses aménagements.

Si on fait abstraction du bourdonnement incessant de l'autoroute, l'endroit peut être plaisant. La forêt, avec ses grands arbres et quelques conifères en périphérie, nous a semblé propice à l'observation des strigidés. Nous en avons cherché, mais s'ils nous ont vus, ce ne fut pas réciproque. Maigre consolation:  après vérification dans eBird, seul le petit-duc parmi 169 autres espèces a été rapporté par les observateurs de passage. Le bruit et la superficie restreinte du territoire y sont peut-être pour quelque chose. 

Bécosse de fées

D'un point de vue géologique, la forêt est installée en partie sur la formation de Beauharnois. Les roches grises qui la caractérisent sont, à l'origine, des sédiments déposés dans un environnement lagunaire ou intertidal, il y a environ 480 millions d'années. En regardant de plus près les blocs qui parsèment le terrain, on peut trouver les fossiles des galeries creusées par les animaux fouisseurs qui peuplaient l'endroit.  

À quoi rêvent les chouettes ?

Je crois que les chouettes rayées emportent une partie de la nuit dans leurs rêves, bien cachée derrière leurs paupières. Sinon, comment expliquer la noirceur de leur regard ? 

Celle-là s'apprêtait à dormir quand nous l'avons observée, perchée dans un jeune pin blanc quelque part sur le Mont Saint-Bruno, presque à hauteur d'homme, comme souvent. Elle a nettoyé ses serres, s'est redressée et a tourné la tête en arrière pour l'enfouir dans ses ailes.

Migration de bernaches

Ce matin, aux étangs Antoine-Charlebois, des bernaches du Canada (Brenta canadensis) arrivaient du nord. Elles resteront là tant qu'il y aura à manger et que le gel ne les chassera pas plus au sud. Elles sont de moins grandes voyageuses que les Oies des neiges (Anser caerulescens) qui, elles, nichent dans la Toundra arctique et passent l'hiver dans le centre et le sud des États-Unis.