Un 14 septembre dans le boisé du Tremblay

Première constatation en nous promenant dans le boisé en cet fin d'après-midi: il est dramatiquement sec. Reste à savoir si c'est une année exceptionnelle ou le prélude à un changement climatique durable. Quelque chose m'incite à envisager la seconde hypothèse. Après la vague de spongieuse du printemps, l'épidémie d'agrile de ces dernières années, les arbres n'avaient pas besoin de cette sécheresse. Sous l'effet du stress hydrique, la chlorophylle disparaît et dévoile prématurément les pigments automnaux. C'est encore l'été et les arbres perdent déjà leurs feuilles; certains saules n'en ont déjà presque plus.

Deuxième constatation, les rapaces sont en migration. En levant les yeux après avoir remarqué un pygargue à tête blanche tournoyant dans un  thermique pour prendre de l'altitude, ma blonde m'a fait remarquer une trentaine de rapaces plus petits empruntant la même ascendance avant de se laisser glisser vers le sud. Je dois dire que je suis toujours impressionné par la migration de ces prédateurs au mode de vie solitaire qui se regroupent en caravane le temps d'un voyage. On y voit souvent se côtoyer plusieurs espèces, oubliant l'espace d'un instant leur rivalités pour profiter de conditions météo favorables. Il faut croire qu'il sont moins stupides que nous.

Pygargue à tête blanche, haut dans le ciel...
...et pas tout seul

Troisième constatation, j'ai encore tellement de choses à découvrir, comme, par exemple cette grande herbe à poux (ambroisie trifide, Ambrosia trifrida) que je vois pour la première fois bien qu'elle soit, parait-il, commune.

La grande herbe à poux porte bien son nom. Je suis debout sur une passerelle de bois et elle est aussi grande que moi. Je me demande si elle est aussi allergénique que sa petite sœur, l'ambroisie à feuilles d'armoise.

En se promenant autour du lac Saint-Jean

Même si le volume d'eau du lac Saint-Jean parvient à tempérer un petit peu le climat, Il n'y a aucun doute sur le caractère boréal des paysages dominés par les conifères (épinettes, sapin baumier et pin gris) au milieu desquels parviennent parfois à s'immiscer des bouleaux blancs ou jaunes, et des sorbiers d'Amérique.

Dans les zones autrefois cultivées, on retrouve évidemment l'omniprésent peuplier faux-tremble qui est souvent le premier à se dévouer pour effacer les traces de notre passage.  

Les pins gris se plaisent dans les sables laissés par la mer de Laflamme , il y a 10000 ans. Ils y forment des peuplements purs de grands arbres.
Une autre spécialiste du sable, la comptonie voyageuse (Comptonia peregrina) est omniprésente. Malgré ses feuilles de fougères qui lui ont valu le nom de "Sweet Fern", c'est un petit arbuste de la famille des Myricacées. Les résidents de Montréal et de ses environs peuvent en voir au parc d'Oka où elle est considérée comme une plante rare. Je n'ai pas encore trouvé pourquoi on la dit voyageuse.
Le sorbier d'Amérique est une autre espèce très présente autour du lac

Quand on parle de Boréalie, on ne peut passer sous silence le pic à dos noir, un spécialiste des conifères qui, contrairement à la plupart des autres membres de sa famille, ne creuse pas le bois, mais préfère écorcer les troncs en glissant son bec sous les écailles d'écorce. Cette technique moins bruyante le rend plus difficile à repérer par les observateurs.

Et puis parfois, les promenades vous réservent des surprises.

Un panda roux songe aux forêts de bambous des montagnes de son pays natal sous le regard attendri des visiteurs du zoo de Saint-Félicien qui prend bien soin de mettre de l'avant sa mission de sauvegarde des espèces menacées pour justifier sa présence.

Au bord de la route (je n'en croyais pas mes yeux), des champs entiers de cannabis prêt à récolter, mais comme quasiment personne ne sait à quoi ressemble la plante avant de la fumer, le cultivateur n'a pas à craindre le pillage. Évidemment, c'est du "bio" et du "médical".   

De retour du Lac

Au Québec, quand on fait référence au Lac, on parle évidemment du lac Saint-Jean, ou Pekuakami en Innu. Avec ses 1050 km2 de superficie, ses 44 km de long et ses 24 de large, il n'est pourtant pas le plus grand lac naturel de la province; la première et la seconde place étant occupée par le lac Mistassini et le lac Wiyâshâkimî.

Le lac Saint-Jean occupe une vaste dépression qui prolonge le fjord du Saguenay et forme avec lui le graben du Saguenay. Le graben est une vallée au milieu du massif montagneux des Laurentides créée par un effondrement dont la cause, encore débattue, est probablement liée à l'activité tectonique qui a préludé à l'ouverture de l'océan Iapethus, il y a environ 600 millions d'années.

L'agriculture (les zones vert pâle sur la vue satellite) permet de visualiser la limite des terres arables correspondant au graben dont le centre est occupé par le lac St-Jean. La contre-partie est qu'il ne reste pas grand chose du paysage originel, car tout ce qui devait être défriché et cultivé l'a été. Au delà, ce sont les Laurentides, plus sauvages, mais pas a l'abri de l'exploitation forestière. Le lac se vide à l'est (à droite) par deux émissaires, la Petite et la Grande Décharge, qui alimentent le fjord du Saguenay (à l'extrême droite); tout le reste le remplit.

Je dois avouer que je n'ai pas "trippé" sur le paysage domestiqué des abords du lac: champs, usines polluantes, villages de bungalows de toute époque et de tout style, sans cachet, gros pick-up conduits par des casquettes pressées de se rendre à la "shop". Quand on naît là, on aime probablement son coin de pays, mais moi qui ne suis que de passage, j'ai préféré l'arrière-pays, celui des montagnes et des rivières rugissantes. 

Le lac vu de Racine-sur-le-Lac (5). On pourrait se croire au bord de la mer à marée basse si l'eau n'était pas douce

Le lac vu de Metabetchouan (4). Impressionnant, mais une goutte d'eau comparé aux Grands-Lacs

Les trois principaux affluents sont la Peribonka, la Mistassini et l'Ashuapmushuan qui débouchent dans le nord-ouest du lac après des parcours de 550, 200 et 300 kilomètres. Après avoir parcouru autant de distance, on pourrait croire que ces rivières se sont assagies. Mais non, ce sont encore des torrents impétueux et, par endroit,  infranchissables en canot.

Les chutes à l'ours de la rivière Ashuapmushuan (3)
En aval de la huitième chute de la Mistassini (2)