On se crée parfois sa propre prison. Par exemple les salamandres, j'avais fait une croix sur leur observation, me disant que si le hasard ne m'avait pas encore permis d'en voir, c'est qu'elles étaient plutôt rares et que l'effort n'en valait peut-être pas la chandelle. J'avais bien déjà soulevé quelques vieilles souches vermoulues et quelques pierres dans des boisés humides, mais sans succès. Ma blonde y croyait encore, moi plus trop. Je me contentais d'admirer, non sans jalousie, les observations des autres.
Mais voilà, on finit par rencontrer des personnes qui en ont vu. D'abord la conjointe d'un biologiste qui raconte comment elle l'a accompagné dans des inventaires et qui vous explique quelques trucs pour les trouver. Et puis Sarah Noël , une généticienne qui a publié sur la salamandre et qui se montre surprise que nous n'en ayons pas encore vu, tant certaines sont abondantes. Alors, on se dit: "pourquoi pas nous ?" et on devient plus attentif.
Récemment, au cours d'une excursion dans les Cantons de l'Est, nous sommes tombés sur un panneau d'interprétation expliquant que la salamandre pourpre, une espèce rare au Québec, habitait les lieux; un signe supplémentaire. En poursuivant la promenade, nous trouvons des vieilles planches livrées aux mousses et aux champignons, restes de la construction mal planifiée d'une passerelle. En en soulevant une, pour vérifier son état, nous voyons quelque chose bouger...Un ver ? Étrange, il y a comme une tête. On regarde de plus près et on voit des pattes. Surprise, une salamandre. Surprise en effet, car, mal documentés et restés sur l'impression laissée par la découverte
d'un cadavre de salamandre maculée quelques années auparavant, nous cherchions quelque chose de plus gros.
La salamandre cendrée fait partie de l'ordre des urodèles qui regroupe les salamandres, les nectures et les tritons. Au Québec, on compte une seule espèce de necture (famille des protéidés), une seule espèce de triton (famille des salamandridés), 8 espèces de salamandres (famille des ambystomatidés et des pléthodontidés) et des salamandres hybrides entre la salamandre de Jefferson et la salamandre à points bleus qui forment le complexe de la salamandre de Jefferson. Certaines espèces sont douées d'autotomie, c'est-à dire que leur queue ou une partie de celle-ci se détache spontanément du corps quand on exerce une pression dessus; un excellent moyen d'échapper à un prédateur.
La salamandre cendrée fait partie de la famille des pléthodontidés, qui sont dépourvus de poumons et qui respirent par le palais et par la peau. C'est l'une des plus abondantes au Québec. Elle ne dépasse pas les douze centimètres et peut prendre des colorations tellement variées qu'il vaut mieux se fier à son ventre grisâtre pour l'identifier.