Ça y est; ma patience est récompensée. Les graines d'Ancolie du Canada (Aquilegia canadensis) ont enfin fleuri. C'est une nouvelle espèce indigène au jardin et elle a l'air de se plaire sous le pimbina en compagnie des trilles et des violettes. Il n'y a plus qu'à surveiller la matteucie fougère-à-l'autruche qui a tendance à se répandre et à déménager la barbe de bouc qui n'est pas une indigène.
Redonner leur place aux autochtones
Feuilles elliptiques et marbrées, c'est tout que l'érythrone a pour l'instant à offrir. |
Voilà un thème dans l'air du temps. Malheureusement et bien que je soutienne la réappropriation de leur territoire par les Premières Nations, il ne sera pas question ici d'êtres humains, mais de plantes. Après tout, n'ont-elles pas occupées le terrain avant nous, les animaux.
L'histoire se passe dans un jardin du 450, au printemps, juste avant le tonnerre des tondeuses et la pluie de pesticides. Dans ce jardin que certains chroniqueurs de magazine qualifient de fardoche et qui a gagné le premier prix de la ville de Longueuil dans une catégorie créée probablement pour lui (celui du jardin naturel ou quelque chose comme ça), les propriétaires ont décidé de redonner sa place à la nature en remplaçant progressivement les plantes exotiques par des plantes indigènes. Cette réintroduction se faisant au moyen de graines collectées dans l'environnement, il s'agit d'un processus lent qui suit le rythme des saisons, des fructifications, des germinations plus ou moins réussies et des promenades.
Je tiens à préciser ici qu'il n'est pas question de renaturalisation puisque les plantes non indigènes du jardin sont pour la plupart des plantes qui poussent naturellement quelque part sur la planète. Par ailleurs, les plantes sauvages réintroduites sont jardinées : leur emplacement est choisi, les espèces se côtoient selon un schéma qui n'est pas forcément celui d'un écosystème naturel et leur croissance est parfois favorisée par les jardiniers qui éliminent leurs concurrentes.
J'ai dit que la réintroduction se faisait à partir de graines collectées. C'est exact sauf pour l'érythrone d'Amérique dont trois plants ont été prélevés en milieu naturel, pas très loin derrière la clôture. C'était il y a quelques années et aujourd'hui, la talle s'est considérablement élargie, confirmant que l'érythrone se propage plus facilement par ses quelques stolons bulbifères que par ses graines, puisqu'elle n'a jamais fleuri. On peut en déduire que les trois ancêtres n'ont pas encore atteint l'âge de la puberté qui se situe entre 7 et 10 ans chez cette espèce.
À ce stade, il est important de préciser que le recouvrement du terrain par l'autochtone ne se fait pas sans dommage pour les colons de l'Ancien Monde, en l'occurrence une pervenche mineure. Extrêmement envahissante, il faut réduire son influence en l'arrachant méthodiquement au fur et à mesure que progresse sa voisine. Sa disparition n'est cependant pas envisagée, puisque c'est une plante médicinale ; ce qui justifie sa présence, à mes yeux. Et puisque nous sommes dans les plantes utiles - il y en a-t-il d'inutiles ? - je dois préciser que l'érythrone aussi l'est. Je ne devrais peut-être pas le dire, mais son bulbe se consomme comme celui de l'ail, bien qu'il ait un goût beaucoup plus doux.
La pervenche mineure est plus généreuse, mais prends rapidement trop de place. |
La gérardie du parc Hyla
Quand nos voyages nous amènent à traverser une ville ou à y rester, nous essayons, autant que faire se peut, de joindre l'agréable à l'inévitable et d'aller nous promener dans un espace vert, si possible une "réserve", parfois le jardin botanique et au pire un parc municipal ou la promenade le long de la rivière.
L'été dernier, à Fredericton, capitale du Nouveau-Brunswick, ma blonde avait repéré la réserve naturelle du parc Hyla. Après avoir un peu cherché, nous avons finalement trouvé un accès à la réserve dans le stationnement arrière de la "Drive Baptist Church". L'endroit ne semblait pas très grand sur la carte, mais la végétation y était dense. Après avoir fait notre deuil du balisage déficient des sentiers peu ou pas entretenus et se terminant généralement en cul-de-sac, nous nous en sommes remis à notre sens de l'orientation et à notre souvenir de la carte pour atteindre les étangs que nous voulions voir.
Chemin faisant, j'ai remarqué des petites fleurs roses que je ne connaissais pas sur le bord du chemin et que j'avais du mal à rattacher à une famille. Je n'avais pas apporté ma flore, l'appareil photo était au fond du sac à dos et ça ne me tentait ni de me contorsionner pour le sortir ni de me faire piquer par des maringouins en me penchant sur la fleur. D'un autre côté, je savais que je passais à côté d'une découverte personnelle et que j'allais regretter de ne pas avoir fait l'effort. Alors, vite fait mal fait, j'ai pris deux, trois photos et au retour, j'ai pu ajouter la Gérardie à feuilles ténues (Agalinis tenuifolia, famille des Orobanchacées) à ma collection de lifers.
Ce n'est qu'hier, par l'entremise d'un biologiste du Nouveau-Brunswick qui a confirmé mon identification sur iNaturalist, que j'ai appris que la plante était rare dans cette province, mais qu'il était possible de la trouver aux alentours de Fredericton, dans les milieux perturbés. Finalement, j'ai quand même regretté de ne pas m'être attardé à faire une photo mieux exposée.
L'été des Indiens
Selon la science météorologique, il faudrait trois jours avec des températures supérieures de 5°C aux normales saisonnières et consécutives à un premier gel pour qualifier le redoux d'été des Indiens.
Pour tous ceux qui ne comptent pas et qui se contentent d'aimer, c'est en ce moment en dépit du fait qu'il n'y a pas encore vraiment eu de gel en Montérégie.
Peu importe, tout le monde en profite sans distinction de classe.
L'Actée à grappes est la dernière à fleurir au jardin. Signe que l'été allonge, elle gelait avant de fleurir, il y a seulement trois ou quatre ans. |
Une prénanthe (Nabalus) - c'est sûr - mais l'espèce ne me vient pas spontanément et je suis trop paresseux pour chercher. |
Peut-être Augochlora pura |
Il y a aussi des prédateurs comme cette couleuvre rayée. |
Et leur proie comme cette grenouille léopard. |
Et puis des chardonnerets "granos" pour lesquels on prend soin de ne pas couper les tiges des échinacées qui n'ont plus rien de pourpre. |
La Lobélie bleue
Lobélie bleue est un nom plus agréable que celui donné en latin Lobelia syphilitica qui pourrait se traduire par Lobélie syphilitique ou du syphilitique et qui lui a été donné parce que sa racine aurait été utilisée pour soigner la syphilis.
Au jardin, il s'en faut de peu pour qu'elle soit indigène, car bien qu'elle soit originaire de l'est de l'Amérique du Nord, sa limite septentrionale naturelle ne dépasse pas l'Ontario.
Je ne me souviens plus comment elle est arrivée là. Tout ce que je peux dire est qu'elle s'y plait et se resème partout autour du bassin; j'en enlève même parfois. Peut-être faudra-t-il revoir les cartes de distribution ?
Happy day dans les astéracées
Au jardin, la floraison des rudbeckies, échinops, eupatoires et échinacées bat son plein. Quelques représentants de la famille des Apidés en profitent pour couler des jours heureux... et moi, pour les espionner.
Une nouvelle venue
Au jardin, les plantes s'introduisent spontanément au rythme d'environ une espèce par an. Cette année, c'est une verveine hastée qui vient de faire son apparition. Comme elle aime les milieux humides, elles s'est installée au bord du petit bassin. Espérons qu'elle se plaise et décide de rester !
Avec le temps, le jardin ressemble de plus en plus au boisé du Tremblay dont il n'est finalement qu'un membre amputé.
Cultiver des mauvaises herbes
Je me souviendrai toujours de cette question de ma voisine à propos d'une fleur qui poussait dans son jardin: "Jean-François, est-ce que c'est une mauvaise herbe ?"
L'interrogation, simple en apparence, était pourtant complétement vide de sens pour moi et je bredouillais un "ça dépend" en attendant de trouver mieux et d'analyser la question. Qu'entendait-elle par mauvaise herbe ? Une herbe indésirable, une herbe sauvage, une herbe inutile, une herbe qui ne s'achète pas dans une jardinerie ?
Si la fleur - je ne me souviens plus laquelle - avait attiré son attention, c'est qu'elle la trouvait plutôt jolie ou remarquable. Ce n'était donc pas une herbe complètement inutile, à moins que le plaisir que procure la contemplation ne soit pas utile.
La trouvait-elle trop jolie pour être sauvage et gratuite ? Pas assez chère pour être conservée au milieu de la pelouse ?
Quant à la nature indésirable de la plante, je ne pouvais pas répondre pour elle, le désir étant quelque chose de très personnel et pas toujours partagé. Par exemple, je cultive dans mon jardin un tas de plantes que beaucoup jugent indésirables comme entre autres des piloselles officinales, des épervières orangées, des salsifis, des asclépiades, deux pissenlits, une patience crépue et même un bouquet d'orties.
La consoude du boisé
Cela fait maintenant une couple d'années que cette consoude s'est installée au bord du chemin. Elle doit son existence à l'aménagement du sentier; une graine dans le concassé, qui attendait le moment propice pour germer.
Chaque printemps, je la guette. Avec le vieux saule et bien d'autres végétaux, elle me sert d'amer quand je navigue dans le boisé du Tremblay. Quand je la croise à gauche, je m'éloigne de la maison; à droite, je n'en ai plus pour longtemps avant de regagner le port.
Ce printemps, j'ai bien cru la perdre. Avec cette barrière que les promeneurs contournent par la gauche, j'ai vu son emplacement piétiné à la fonte des neiges, bien avant qu'elle ne paraisse. Si j'avais eu l'audace, j'aurais pu planter un écriteau: "Attention, consoude à venir, faites un détour".
Mais bon, le geste ne suit pas toujours l'intention. Et puis, elle a fini par émerger du sol et j'ai compris que je n'étais pas le seul à la considérer et à l'apprécier.
Un p'tit tour de jardin
Dans le bassin, les trèfles d'eau (Menyanthes trifoliata) se sont faits pousser la barbe. |
Pour les petits prêcheurs, c'est une autre histoire. J'ai semé des fruits récupérés je-ne-sais-plus-où et ils ont tellement aimé le terrain que nous en retrouvons partout. |
En attendant, dans la même famille, voici quelques-uns des rhododendrons qui nous tirent un feu d'artifice silencieux au fond du jardin. |
Un 20 mai à Longueuil
Oui, je sais, j'écris moins en ce moment. Moins le goût, plus de rénovations et puis un petit fond d'écodéprime ou de "à-quoi-bon". Allez savoir ! Il faut bien dire que l'environnement n'intéresse pas grand monde.
Les Ukrainiens, je peux comprendre, ils ont d'autres "poutine" à fouetter. Mais les Canadiens, ce peuple pacifique dont les soldats traversent les paysages enneigés et les déserts fièrement revêtus de leur tenue caquis, pourquoi tant de mépris pour l'avenir climatique. Si ce n'est pour vos enfants, je ne sais pas, moi, faites au moins un geste pour vos chiens ! Quel futur allez-vous leur laisser ?
En tout cas aujourd'hui, avec cette lumière, cette douceur, cette journée sans tondeuse, sans scie à onglet et après avoir lu le dernier billet de Pattie O'Green, j'ai eu un regain.
Et puis, il y a ces violettes, des affines, qui commencent à faire un beau tapis entre mon driveway et celui du voisin. Cela n'a pas été facile. Tout ce que j'ai tenté pour faire pousser un couvre-sol végétal a échoué: sol trop pauvre et trop sec, coupe-bordure zélé du voisin, sans parler de son contrat d'épandage d'herbicide. Mais j'ai persévéré...tout plutôt que cet horrible paillis rouge qu'il aimerait tant étaler.
Ce midi, il y avait aussi le chèvrefeuille en fleurs qu'un gros bourdon pataud essayait de butiner. C'est un fruit que j'ai semé il y a peut-être 4 ou 5 ans. Aujourd'hui, il est assez haut pour faire notre bonheur quand nous dinons sur la terrasse. Ne dit-on pas : "pour vivre heureux, vivons cachés."
Un 11 mai à Longueuil
Aujourd'hui, ménage du cabanon de jardin sous la supervision attentive du tamia rayé au cas où les souris auraient laissé traîner une graine.
Au jardin, si ce n'était les sanguinaires défleuries, on pourrait presque se croire en France, avec un mois de retard tout de même.
Un 27 avril à Pointe Pelée
Après une dizaine d'heures de route et un peu de neige, nous sommes arrivés à Leamington (Ontario). Plus nous roulions vers le sud, plus le mercure du thermomètre chutait, jusqu'à atteindre +1°C à Hamilton. Le climat serait-il déréglé ?
Qu'à cela ne tienne ! Nous avons jeté nos bagages à l'hôtel, enfilé nos tuques et nos mitaines et nous sommes précipités au parc national du Pointe Pelée pour acheter nos passes pour la semaine et faire un petit repérage des lieux.
À part les genévriers de Virginie, les arbres commencent tout juste leur feuillaison; ce sera facile pour observer les oiseaux. Et des oiseaux, il y en a, même si nous ne sommes qu'au début du pic migratoire. Une ballade d'une heure jusqu'à la pointe nous a déjà permis d'observer 38 espèces dont deux parulines exceptionnelles plus au nord: la paruline à capuchon et la paruline à gorge jaune.
Dans le sous-bois, des tapis de dicentres à capuchon |
La pointe: de l'autre côté du lac Érié, ce sont les États-Unis |
La pointe en regardant vers les États-Unis |
La pointe en regardant vers le Canada. Elle est bordée des deux côtés par le lac Érié. |
Un 15 avril à Longueuil
Entre deux tirages de joints (je ne fume pas, je rénove ma salle de bain), je vais faire un tour dans le jardin pour changer la poussière de plâtre qui remplit mes poumons par de l'air pur.
Au printemps, chaque nouvelle sortie de terre compte et le tour se fait presque à quatre pattes. Hier, j'ai eu l'agréable surprise de voir fleurir l'hépatique acutilobée qui habite le jardin depuis deux ou trois ans. Quant aux sanguinaires du Canada, elles ne tarderont plus. Elles se resèment d'année en année et commencent à former un vrai tapis.
Et puis, il y a l'ail des bois qui commence à sortir. Contre tout espoir, il s'est encore contenté de produire deux pieds, comme les années précédentes. Peut-être l'année prochaine.