Tout pour plaire


L’œillet de poète était dans le jardin avant que nous nous y installions. Je ne m'attendais pas à l'y trouver puisque cette plante pousse habituellement dans le sud de l'Europe. Il faut croire que son caractère  montagnard  lui permet de passer à travers les hivers québécois.


Évidemment, il y est toujours; comment résister à ses charmes ? La fleur est belle et la floraison abondante. Les couleurs varient d'une plante à l'autre et changent avec les années selon les croisements que les abeilles décident de produire. Si je m'étais appelé Gregor Mendel, je crois que je l'aurais utilisé de préférence au pois pour établir les première lois de la génétique.
En cherchant l'origine du nom dans l'internet, je suis tombé sur des tas de pages m'expliquant comment la cultiver. Peine perdue, je vais vous donner mon secret: ne faites rien. Résistez à l'envie de la couper quand elle est fanée, laissez la fructifier (elle vous remerciera en produisant de nombreuses petites graines), laissez-les se répandre à terre. 
Si l'envie vous prend de la déménager, l'effort à produire est à peine plus important. Prenez le fruit sec (il s'ouvre par le haut), renversez-le et laissez tomber les graines là où vous voulez des fleurs. C'est tout.
Comme c'est une bisannuelle, ne vous attendez pas à avoir des œillets la première année. Elle commence par préparer le terrain en faisant des rosettes de feuilles. Elle fleurit l'année suivante, puis elle meurt.
Avec cette facilité de reproduction, on pourrait croire que la plante est envahissante. Pantoute. Une année, elle a fait une tentative d'évasion dans le bois derrière la clôture; l'année suivante, il n'y en avait plus. C'est une poétesse, pas une guerrière. 





Une année de grenouilles

Grenouille des bois
Le jardin comme la nature dont il s'inspire est une véritable horloge. Plus il contient de vie, plus la lecture du temps y est précise. Les germinations, le débourrement des bourgeons, la chute des feuilles, les floraisons qui s’enchaînent au fil des espèces, celles qui ne durent qu'une journée comme les chicorées ou les hémérocalles, ou même une matinée comme le salsifis, les plantes héliotropiques comme le tournesol qui tournent avec le soleil, les fruits qui mûrissent, les graines emportées par le vent...
Sans oublier les animaux ! Le cardinal rouge qui vient manger entre chien et loup, l'écureuil gris aux petites lueurs du jour, les oiseaux migrateurs qui arrivent, passent ou partent à dates presque fixes, les mouffettes qui labourent les pelouses au printemps, les fourmis qui essaiment à la fin de juillet, les coccinelles asiatiques qui se rassemblent en octobre et envahissent les maisons, les cerfs de Virginie qui commencent à se rapprocher des maisons et des haies de thuyas au mois de janvier, autant d'aiguilles qui indiquent le jour et l'heure.

Le prince des grenouilles vertes, pas assez charmant pour être embrassé

Il y a aussi le cycle annuel des grenouilles qui commence avec le chant de la rainette crucifère à la fin d'avril. À cette saison, il n'y en pas plus qu'une ou deux dans le jardin et nous ne les voyons jamais. Les autres, des centaines ou peut-être plus, sont dans le bois voisin et le marais à une centaine de mètres. À leur chant, finit par se mêler celui des crapauds d'Amérique et des grenouilles des bois. Ils nous bercent pendant une quinzaine de jours, puis plus rien jusqu'à la fin juin.

2011, une bonne année avec 94 grenouilles vertes
Grenouille léopard
C'est à ce moment que les grenouilles commencent à arriver au bassin, poussées par l'assèchement du bois. La première à se montrer est la grenouille verte ou celle des bois; c'est selon. Les vertes ne s'éloignent pas de l'eau; elles se tiennent sur les nénuphars, les souches et les pierres qui bordent le bassin, jamais plus loin. Plus l'été avance, plus elles sont nombreuses, jusqu'à une centaine, certaines années.
Les grenouilles des bois sont moins nombreuses, peut-être une dizaine tout au plus. Elles aussi restent à proximité de l'eau, mais moins dépendantes, elles peuvent s'en éloigner jusqu'à deux ou trois mètres.
Vient ensuite le temps des crapauds d'Amérique, vers la mi-juillet. Discrets, ils ne viennent qu'exceptionnellement au bord du bassin, jamais dans l'eau. Nous les trouvons en jardinant.

Rainette crucifère...ou voltigeuse
La même à son balcon
Puis, vers la fin de juillet, c'est au tour des grenouilles léopards d’apparaître. Elles ne semblent avoir aucune attirance particulière pour l'eau et se promènent un peu partout dans le jardin, évitant les pas d'un bond stratégique. Enfin à la mi-août, nous commençons à voir les rainettes crucifères qui chantaient au printemps. Excellentes grimpeuses, elle se réfugient en hauteur et on les retrouvent parfois collées dans les fenêtres ou cachées dans la boite d'épingles à linge.
L'année des grenouilles s'achève au mois de novembre lorsque les "léopards" se collent les unes contre les autres pour capter la chaleur emmagasinée par les pierres du bassin.  

Un premier août sur le mont Saint-Grégoire


C'est en arrivant au pied de cette colline montérégienne que je me suis rendu compte que je n'y étais jamais venu. Oubli corrigé. Après tout, ce pluton de 125 à 145 millions d'années, témoignage du passage du Québec sur un point chaud, ne fait que 250 mètres d'altitude et on ne part pas de zéro.
Pour arriver à son sommet et à son inévitable relai d'antennes microondes, il faut traverser une belle érablière à caryer et à tilleul. À en juger par les cabanes à sucre qui assiègent le mont, les érables sont en santé. Arrivé tôt pour éviter la cohue, nous n'avons pas vu grand chose à part cette gesse des bois et une bande d'urubus à tête rouge qui jouaient dans les thermiques.